Qui n’a pas déjà ressenti de l’amertume en découvrant que son collègue, à poste équivalent, percevait un salaire plus important ? Cette sensation, qui peut facilement être la première étape avant la démission, inquiète les employeurs soucieux de fidéliser leurs meilleurs talents. Comment, alors, trouver le bon équilibre entre la transparence salariale réclamée par les salariés et les inévitables différences de salaire qui existent au sein de l’entreprise ? Conseils pour casser judicieusement le tabou de l’argent.
Plus que jamais en Europe, l’heure est à la transparence salariale. Le 15 décembre 2023, les gouvernements des pays membres de l’Union européenne, ainsi que son Parlement, ont voté une directive pour favoriser l’égalité salariale entre femmes et hommes. Ainsi, les demandeurs d’emploi de l’Union européenne doivent avoir accès aux informations de salaire et connaître la potentielle différenciation salariale fondée par le genre pratiquée par leur entreprise. Un changement de mentalité qui s’inscrit dans la législation française qui permet aux salariées, depuis 2023, de connaître le salaire de leurs homologues masculins à postes équivalents.
Enjeu de société qui se traduit de plus en plus dans les textes de loi, la transparence salariale est à la fois une tendance et un défi pour les entreprises en quête de solutions pour attirer et fidéliser les talents. Pour beaucoup de décideurs et d’experts, cette façon de faire relève encore de l’utopie, car donner accès à l’ensemble des éléments de rémunérations de chaque salarié, c’est partir du principe que chaque collaborateur connaît objectivement sa valeur et celle de ses collègues. Jouer le jeu de la transparence salariale formelle et totale, c’est donc prendre le risque de plonger les salariés dans une compétition malsaine, faussée par des idées biaisées sur la rétribution que chacun devrait percevoir. Pourtant, refuser de faire preuve de transparence est tout aussi utopique et périlleux.
Même les employeurs déterminés à garder le montant des salaires de leurs collaborateurs sous le sceau du secret le savent : les salariés, eux, n’ont que très peu de secrets entre eux. Et aussi tabou que peut l’être l’argent en France, il est bien difficile de résister à la tentation d’interroger ses collègues sur la somme qui leur est destinée en récompense de leur travail. C’est au cours de ces conversations que peuvent être révélés des écarts de salaires passés sous silence, des refus d’augmentation restés sans explication et des primes accordées sans justification apparente.
Toutes ces différences de salaire, inévitables en entreprise, et qui peuvent être parfaitement justifiées si elles reposent sur des critères et des calculs cohérents, peuvent ainsi devenir la source d’incompréhensions, de jalousie, de tensions et pire encore, d’un sentiment d’ingratitude qui peuvent conduire les meilleures recrues à claquer la porte à peine leur intégration dans l’entreprise effectuée. Garder le silence sur ces différences de salaires justes est contre-productif, favorise le turnover et met à mal la relation de confiance entre les salariés et leur hiérarchie. Comment faire, alors, pour ne pas transformer la machine à café en lieu de crise, sans pour autant basculer dans la transparence totale ?
Si la transparence salariale débridée, pratiquée sans pédagogie ni frein, engendre autant de crispations que ne le fait l’entretien volontaire du tabou de l’argent, il est possible pour les employeurs de communiquer sans détour sur une partie du salaire : la rémunération variable. Les montants et caractéristiques de cette partie du salaire, reposant sur un système de primes sur objectifs, n’ont pas vocation à rester sous silence. Au contraire, puisque la rémunération variable est dépendante de la performance, son calcul, la période de déclenchement, ou de non-déclenchement des primes, est connu à l’avance de tous.
Correctement calibrées, les primes, inhérentes à l’atteinte d’un objectif, sont calculables par tous et il ne peut être fait mystère sur leur versement ou non. Communiquer activement sur le plan de rémunération variable, faire de la pédagogie sur le choix des objectifs et le montant des primes permet d’impliquer intelligemment les salariés à la construction de leur salaire. Cette pratique crée non seulement un sentiment de compétition très sain entre collaborateurs, mais elle invite surtout chacun d’entre eux à se dépasser afin de rester maître d’une partie non négligeable de sa rémunération. Elle souligne la valeur réelle de chaque salarié et témoigne de la confiance que place l’employeur en eux.
Anticiper les questions autour des différences de salaire en expliquant clairement les raisons de ces écarts de rémunération, briser le tabou de l’argent en entreprise, et soigner son plan de rémunération variable pour le rendre accessible et lisible par tous, voici les clefs pour éviter le turnover en raison des écarts de salaire.