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"Femmes quotas" : une solution pour l'accession des femmes aux postes de direction ?

"Femmes quotas" : une solution pour l'accession des femmes aux postes de direction ?
09 août 2023

Ressources humaines

La loi Rixain, votée le 24 décembre 2021, impose de nouveaux quotas de femmes dans les conseils d’administration des entreprises. Ce texte, ambitieux et traduisant une volonté ferme d’en finir avec les plafonds de verre qui limitent la carrière des femmes, rappelle aussi la multitude d’obstacles que doivent surmonter les femmes en entreprise. Mais les quotas sont-ils la seule façon d’en finir avec le sexisme professionnel ?

Les quotas, un outil pour favoriser l’égalité économique et professionnelle

« Le quota suscite parfois des inquiétudes mais il est nécessaire. (...) Dans une société qui demeure à maints égards patriarcale, sexiste et discriminante », Elisabeth Moreno, Ministre chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes de 2020 à 2022, tv5monde.com.

Le constat est amer : la loi Copé-Zimmerman, qui a permis d’imposer 40% de femmes dans les conseils d’administration, n’a pas entraîné la féminisation souhaitée des comités exécutifs et de direction. En 2019, on ne comptait ainsi que 19% de femmes aux postes de direction des entreprises de plus de 1 000 salariés, rappelle le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes.

Pour accélérer la marche vers l’égalité économique et professionnelle, le gouvernement et les députés ont choisi d’imposer de nouveaux quotas. Ainsi, le 24 décembre 2021, dix ans après l’adoption de la loi Copé-Zimmerman, l’Assemblée nationale a adopté, à l’unanimité, une nouvelle loi imposant des quotas de femmes dans les instances dirigeantes des entreprises. Celles-ci devront compter au moins 30% en 2027 et 40% en 2030. Portée par le députée Marie-Pierre Rixain, cette mesure vise à améliorer l’index d’égalité professionnelle.

Par ailleurs, l’article 8 de la loi prévoit des objectifs de mixité dans le soutien aux entreprises par la banque publique d’investissement Bpifrance. Le but est de « lutter contre les biais de genre » en imposant un quota de 30% de femmes au sein des comités d’investissement de BpiFrance. En outre, les entreprises de plus de 50 salariés verront leur offre de prêt conditionnée au respect de l’obligation de la publication annuelle de l’index de l’égalité professionnelle.

Notons que la loi Rixain va encore plus loin en instaurant une logique de name and shame (« nommer et blâmer ») à l’encontre des entreprises récalcitrantes. Cette mauvaise publicité sera ainsi mise en œuvre au bout d’un délai de cinq ans et permettra de comparer les efforts des différentes entreprises. D’autres mesures ont été pensées pour l’enseignement supérieur dont les établissements devront dorénavant compter davantage de femmes au sein des jurys d’admission. Un autre objectif avancé est l’augmentation du nombre de femmes dans les écoles d'ingénieurs.

Enfin, la loi du 24 décembre 2021 prévoit également l’obligation de verser le salaire ainsi que les prestations sociales individuelles sur un compte bancaire dont le salarié est le détenteur ou, à défaut, le codétenteur, afin de protéger financièrement les femmes. L’accueil en crèche des enfants de familles monoparentales doit également être facilité ainsi que le retour dans l’emploi des mères puisque l’insertion professionnelle des bénéficiaires de la prestation partagée d’éducation de l’enfant en sera améliorée. En outre, les conditions d’accès des salariées enceintes au télétravail devront désormais être précisées dans l’accord collectif ou d’entreprise.

 

Opting-out, syndrome de l’imposteur, ces fléaux qui entravent l’ascension des femmes

« Avec ou sans quota, les femmes ont constamment le syndrome de l'imposteur. Autant qu'elles prennent les postes qu'elles méritent », Anne Lalou, fondatrice et directrice de la Web School Factory, start.lesechos.fr.

Depuis 1968, et l’adoption de la loi permettant à une femme d’ouvrir un compte en banque et de travailler sans l’accord de son mari, force est d’admettre que de considérables avancées ont été opérées pour faciliter l’accès des femmes aux études supérieures et aux postes à responsabilité en entreprise. Pourtant, le sexisme ordinaire et quotidien dans le monde du travail pèse encore et toujours sur les femmes.

Très souvent sujettes au syndrome de l’imposteur, les femmes actives se heurtent trop régulièrement à d’ultimes plafonds de verre les empêchant d’évoluer vers leurs objectifs professionnels. Contrairement à la majorité de leurs collègues masculins, leur progression est très souvent parsemée d’embûches. Tant est si bien que beaucoup renoncent aux plus hautes responsabilités au profit de leurs homologues du sexe opposé.

Un phénomène récemment identifié, l’opting-out (littéralement « pas de côté »), semblerait indiquer que les postes de pouvoir feraient peur aux femmes qui s’en détourneraient donc d’elles-mêmes. L’ancienne avocate d’affaire Céline Alix raconte, dans un livre publié en 2021, sa propre expérience et interprétation de l’opting-out, à rebours des stéréotypes traditionnels. Car contrairement à une idée reçue, le pouvoir ne fait pas particulièrement peur aux femmes. C’est davantage le monde de l’entreprise, construit par et pour des hommes, qui est devenu obsolète pour nombre de ces femmes brillantes, bien décidées à inventer le monde du travail de demain.

Les quotas, solution ultime pour l’égalité ou simple outil mécanique ?

« […] Le quota, s’il peut permettre plus ou moins mécaniquement d’augmenter la part des femmes, ne résout qu’une des manifestations de l’inégalité entre les sexes. Il est porteur d’une vision arithmétique de l’inégalité, qui peut donner l’impression que la question serait réglée dès lors que 50% de femmes sont présentes dans le lieu considéré. Or quand bien même cette parité numérique est réalisée, la question de l’inégalité n’est pas résolue y compris pour les 50% de femmes présentes », Anne Revillard, sociologue, chercheuse à l’Observatoire sociologique du changement (OSC) et au Laboratoire interdisciplinaire d’évaluation des politiques publiques (LIEPP), sciencespo.fr.

Légiférer pour accélérer l’accession des femmes aux plus hauts postes est manifestement une nécessité. Néanmoins, on peut redouter que ces nouveaux quotas ne se révèlent être qu’une avancée en trompe-l’œil s’ils ne représentent pas un changement profond et sincère de société. Car si l’augmentation du nombre de femmes aux plus hautes responsabilités des entreprises n’est pas le résultat d’une volonté réelle des décideurs d’aller vers plus d’inclusion, en adaptant les conditions de travail aux besoins et exigences des femmes, les quotas ne permettront pas de lutter activement contre les inégalités.

Les femmes qui expliquent renoncer aux postes de direction disent ne pas fuir le pouvoir mais plutôt l’éventail des contraintes et contradictions qui y sont associées. Le sexisme ordinaire, le présentéisme insensé, le manque de flexibilité, l’injonction de sacrifier sa vie personnelle sur l’autel de sa réussite professionnelle sont autant de fléaux qui détournent les femmes les plus brillantes du pouvoir. Si celles-ci, grâce à la loi Rixain, ne sont pas libérées de ces entraves, les injustices et la discrimination au travail à l’encontre des femmes n’en seront qu’accrues.

Par ailleurs, beaucoup de femmes renoncent également aux fonctions les plus exigeantes afin de privilégier d’autres aspects de leur vie et refusent les obligations découlant des postes à hautes responsabilités. Dans une France où seulement 6% des actifs se disent engagés et où le phénomène du quiet quitting révèle l’aspiration profonde des salariés à retrouver un équilibre serein entre vie privée et vie professionnelle, il est indéniable que beaucoup de femmes, aussi, décident de ne pas faire de leur ascension professionnelle une priorité. Les femmes doivent avoir le choix de décider de leur vie et du degré d’investissement qu’elles souhaitent pour leur carrière.

La loi Rixain est une avancée indéniable pour améliorer l’accès des femmes aux plus hautes fonctions et s’inscrit, de par son esprit et sa lettre, dans une volonté évidente de lutter contre une éventuelle forme de ségrégation sexiste. S’il l’on ne peut que se réjouir de ce texte d'envergure, celui-ci ne doit pas faire oublier tous les efforts qu'il reste à faire pour faire de l’entreprise un espace davantage bienveillant pour tous et en particulier pour les femmes. 

 

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Auteur de l'article

Hervé de Riberolles

Directeur Associé de Primeum - Expert en motivation des employés par la rémunération variable

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