« L’index d’égalité femmes-hommes est une forme de progrès irréversible » - Muriel Pénicaud, Ministre du Travail, au sujet de la loi sur l’avenir professionnel du 5 septembre 2018.
Pour mettre fin aux inégalités salariales inexpliquées entre les femmes et les hommes dans le monde professionnel, Muriel Pénicaud, Ministre du Travail, a souhaité la mise en place d’un Index destiné à faire réduire les écarts de rémunération entre les deux sexes.
Le décret relatif aux modalités d’application et de calcul de l’Index d’égalité femmes-hommes est ainsi paru au Journal Officiel le 9 janvier 2019. Celui-ci, doit être calculé et publié chaque année par toutes les entreprises d’au moins 50 salariés. S’il révèle des disparités salariales entre les femmes et les hommes, les entreprises devront prendre des mesures de correction sous peine de sanctions financières.
Cinq indicateurs, à la base du calcul global de l’Index, permettront ainsi d’identifier les éventuels points de progression et les leviers sur lesquels les différents acteurs de l’entreprise pourront agir pour faire progresser l’égalité entre les femmes et les hommes.
Dans cet article, retour sur l’Index d’égalité femmes-hommes mis en place par le Ministère du Travail afin de lutter contre les inégalités de salaires entre les hommes et les femmes et les interrogations qu’il suscite.
En France, en 2019, les femmes restent encore moins bien payées que les hommes, souffrant en moyenne d’un écart de salaire de 25% avec leurs homologues masculins. Écart qui tombe à 12,8% dans des situations de postes et d’âges comparables. Bien que le principe « à travail égal, salaire égal » soit gravé dans la loi française depuis plus de 46 ans, la réalité d’inégalité salariale entre hommes et femmes est encore bien ancrée dans les entreprises françaises.
Dans le but de lutter contre les écarts de salaires entre les deux sexes, le gouvernement a mis en place un Index d’égalité salariale capable de mesurer et d’évaluer des critères précis. Basé sur un total de 100 points, cet index est calculé à partir de 4 à 5 indicateurs, selon la taille de l’entreprise, comme notamment l’écart de rémunération femmes-hommes, de répartition des augmentations individuelles, de répartition des promotions (uniquement dans les entreprises de plus de 250 salariés), le nombre de salariées augmentées à leur retour de congé maternité, et enfin le nombre de personnes du sexe sous-représenté parmi les 10 plus hautes rémunérations.
Si l’entreprise n’atteint pas le seuil minimal de 75 points sur 100, elle aura trois ans pour se mettre en conformité avec la loi, sous peine de sanctions financières. Elle devra ainsi procéder à des mesures correctives pour éviter une pénalité financière pouvant représenter jusqu’à 1% de la masse salariale. Les entreprises qui ne publieraient pas leur Index, s’exposent également à la même sanction financière. Le législateur a néanmoins prévu un délai de mise en place du plan de correction et de paiement des pénalités pour les entreprises rencontrant des difficultés économiques. Par ailleurs, pour accompagner le déploiement du dispositif, l’inspection du travail va renforcer ses contrôles et ses interventions, qui passeront de 1730 à plus de 7000 par an.
Selon le site travail-emploi.gouv.fr, l’obligation de publication de la note de l’Index égalité femmes-hommes est entrée en vigueur pour les entreprises d’au moins 1000 salariés le 1er mars 2019, celles d’au moins 250 salariés doivent quant à elles le publier le 1er septembre prochain ; et celles d’au moins 50 salariés ont jusqu’au 1er mars 2020 pour communiquer leur Index.
Ainsi, chaque année avant le 1er mars, les entreprises françaises devront publier sur leur site internet le résultat global de l’Index de l’égalité femmes-hommes, mais aussi le transmettre en détaillant la note de chaque indicateur à leur Comité Social et Economique CSE et à l’inspection du travail représentée par la Direccte.
Les 1400 entreprises françaises de plus de 1000 salariés avaient donc jusqu’au 1er mars pour publier l’Index. Néanmoins, une semaine après la date de publication officielle, seulement 52% d’entre elles avaient rempli leur obligation d’après un décompte du ministère du Travail.
Malgré ce chiffre, la majorité des acteurs du monde du travail s’est montrée assez enthousiaste et optimiste quant à la capacité de l’Index à générer de nouveaux comportements en faveur d’une meilleure égalité professionnelle entre hommes et femmes. « L’index est un outil attendu au service des entreprises. C’est quelque chose qui permet de rendre plus performant la pratique managériale » a déclaré Dominique Carlac’h, vice-présidente du Medef, dans un article 20minutes.fr. Même enthousiasme chez Armelle Carminati, présidente de la commission innovation sociale et managériale de la célèbre organisation patronale qui ajoute « cet index va créer une émulation entre les entreprises. On va vouloir faire mieux que le voisin. »
Nous pouvons citer l’exemple du groupe Michelin qui obtient ainsi une très belle note de 94/100 à l’Index de l’égalité femmes-hommes. Le fabricant de pneumatiques français affiche l’ambition de continuer à progresser sur les sujets de mixité et d'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et souhaite notamment augmenter la part féminine des effectifs au sein de son management avec un objectif de 30% à l'horizon 2020.
L’enthousiasme affiché par le gouvernement et certains acteurs du monde du travail n’est pas complètement partagé par les syndicats, qui souhaitent rester prudents sur les effets concrets d’un tel dispositif. « L’index d'égalité est un premier pas. Le suivi de sa mise en oeuvre devra permettre d’améliorer l’outil afin que l’objectif de suppression effective des écarts soit atteint, et que l’égalité salariale soit enfin une réalité » a notamment annoncé le syndicat Force Ouvrière lors d’une déclaration à la presse.
Selon eux, la manière dont est calculé l’Index de l’égalité femmes-hommes est sujette à caution et nécessite une certaine prudence. Ainsi, les cinq indicateurs composant l’Index ne permettraient pas de refléter la réalité des situations d’inégalités salariales observées en entreprise entre les femmes et hommes. Par ailleurs, d’après Maître Emmanuelle Boussard-Verrecchia, avocate spécialiste des discriminations au travail, « l’index est un cache-misère. La meilleure preuve, c’est que des entreprises avec un score supérieur à 75 points ont été condamnées récemment pour discriminations au niveau des salaires ou des promotions ».
D’après l’avocate, le « seuil de tolérance » prévu par l’Index peut être remis en cause si l’on s’intéresse au détail de chaque indicateur et de son mode de calcul. En effet, il est possible d’apporter un pourcentage de correction à la note finale obtenue à l’Index qui permet de le réduire sensiblement. Ainsi, si une entreprise affiche un écart de salaire entre les femmes et les hommes de 10%, celui-ci serait en réalité compris entre 12 et 15%, le législateur permettant un pourcentage de réduction de 5% d’écart. Selon l’avocate, « les entreprises tolèrent donc les inégalités de salaire ».
De plus, elle ajoute dans un article 20minutes.fr, « même si un objectif n’est pas atteint, par exemple sur le nombre de femmes dans les 10 plus hautes rémunérations [l’index en exige 4], l’entreprise aura quand même des points ! Cela veut dire qu’une grande entreprise pourra jongler avec les différentes composantes de l’index pour dépasser les 75 points, sans pour autant respecter l’égalité ».
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