Jamais l’intéressement n’a fait autant parler de lui. Et pour cause, il permet un partage de la valeur innovant et avantageux pour les employeurs et les salariés. Mais la manière dont est perçu et pratiqué l’intéressement de nos jours reflète-t-elle toujours les raisons de sa création ? Portrait d’une prime pas comme les autres, objet d’un engouement singulier.
L’intéressement, une manière de partager la valeur
Alors que les discussions vont bon train concernant le pouvoir d’achat et les hausses de rémunération, les différentes solutions dont disposent les entreprises pour partager la valeur suscitent un intérêt grandissant. Parmi ces pratiques, l’intéressement fait l’objet d’un engouement tout particulier. Souvent confondu avec le salaire, l’intéressement est un dispositif d’épargne salariale permettant à l’entreprise de verser aux salariés une prime proportionnelle aux résultats de l’entreprise. Le montant de ces sommes dépend de la formule de calcul utilisée dans le plan d’intéressement.
Si l’intéressement n’a pas vocation à être un élément salarial, il fait partie de la rémunération globale attribuée aux salariés. Il s’agit d’un outil périphérique de rémunération, au même titre, par exemple, que la mutuelle si celle-ci est financée en partie par l’employeur. Le montant des primes faisant partie de l’intéressement est placé sur un compte d’épargne d’entreprise pour une durée de cinq ans, période après laquelle le salarié peut en bénéficier de manière défiscalisée. En revanche, il est possible de demander le versement de la prime d’intéressement avant la fin de la période de cinq ans. Dans ce cas, l’intéressement apparaît sur le bulletin de paie et devient, de fait, une partie du salaire soumis à l’impôt.
Un dispositif pensé pour que les salariés se constituent une épargne
À l’origine, l’intéressement est né d’une ordonnance de 1959 permettant la participation des salariés au capital de l’entreprise. Précurseur du partage de la valeur, cette première étape dans le développement de l’actionnariat salarié prévoyait, en effet, une distribution gratuite d’actions aux salariés suite à l’incorporation des bénéfices de l’entreprise au capital. En 1986, une nouvelle ordonnance supprime cet intéressement au capital et impose aux entreprises de plus de 100 salariés de faire bénéficier à leurs collaborateurs d’une participation aux résultats sous la forme de sommes bloquées pendant cinq ans.
Ainsi, l’intéressement fut initialement pensé et conçu pour que les salariés français puissent se constituer un patrimoine sous forme d’épargne. L’intéressement n’a pas, par nature, vocation à compenser les difficultés de niveau de vie ou les défis imposés par l’inflation qu’affrontent actuellement les salariés français. En France, ce système fait sens, car, contrairement à la plupart des autres pays, le système social est financé par l’impôt sur le salaire, autrement dit les charges sociales. Aussi, le cumul des charges sociales et des impôts explique la pertinence de cette forme d’épargne proposée aux salariés français.
Un enthousiasme renouvelé pour l’intéressement en 2024
Si ce type de prime ne peut être considéré comme un élément de rémunération ordinaire, il attire l’adhésion d’un nombre croissant de salariés et d’employeurs. Ce dispositif, strictement encadré par un accord signé entre l’entreprise et ses salariés ou leurs représentants, convainc un nombre croissant d’employeurs. Cet engouement pourrait s’expliquer par la saturation grandissante ressentie à l’égard du montant des charges patronales et salariales, exigées pour financer un système social qui ne satisfait pas complètement. En effet, face au coût important des charges sociales, l’intéressement fait figure de solution pour augmenter le patrimoine et les revenus des salariés sans alourdir davantage les dépenses pour l’employeur et le salarié. En cela, l’intéressement pourrait être dévié de sa raison d’être et des raisons pour lesquelles il fut créé.
La perception, la compréhension et la pratique actuelles de l’intéressement sont particulièrement éloquentes s’agissant des besoins financiers des salariés et du sentiment de saturation exprimé par un nombre non négligeable d’employeurs. Cette évolution inattendue rappelle la nécessité d’un accompagnement rigoureux dans la mise en place d'un plan d’intéressement, aussi bien pour les petites, moyennes que les grandes entreprises.