À l'aube de 2025, les PME françaises se retrouvent confrontées à une obligation législative majeure : le partage de la valeur. Cette nouvelle loi, issue des réformes sur la redistribution des bénéfices, vise à encourager les petites et moyennes entreprises (PME) à mettre en place des dispositifs permettant aux salariés de bénéficier des fruits de la croissance de leur entreprise. Cependant, une étude récente menée par l'Institut français d'opinion publique (IFOP) pour Primeum, spécialiste de la rémunération variable, met en lumière l’ampleur du défi qui attend ces entreprises.
Alors que le gouvernement est toujours en pleine élaboration de son programme économique pour les mois à venir, les lois de rentrée 2024, telles que le projet de loi de finances (PLF), replacent la question de la redistribution des bénéfices au centre des débats. Malgré cela, la majorité des PME de 11 à 49 salariés semble encore mal préparée, voire ignorante des changements législatifs qui les attendent pour l’année prochaine.
Un manque de sensibilisation inquiétant
Selon l'étude IFOP, seulement 43 % des PME interrogées déclarent être informées des évolutions de la loi sur le partage de la valeur. Plus inquiétant encore, un tiers des dirigeants n'ont jamais entendu parler du dispositif, et plus de la moitié des répondants ignorent les changements prévus pour 2025.
Cela met en évidence un fossé significatif entre les intentions des législateurs et la réalité sur le terrain. Pour une entreprise de taille modeste, qui jongle déjà avec de nombreuses contraintes financières et administratives, la mise en place de tels dispositifs de redistribution peut sembler complexe et intimidante. Pourtant, la redistribution des bénéfices via des dispositifs comme l'intéressement ou la participation est devenue une question centrale, tant pour renforcer la motivation des salariés que pour soutenir la compétitivité des entreprises sur le long terme.
Selon Hervé de Riberolles, Directeur Associé de Primeum et expert en rémunération variable : « Alors que la redistribution des bénéfices devient un enjeu central des débats économiques et a déjà prouvé sa pertinence, il est préoccupant de constater qu'encore un tiers des PME n’en ont jamais entendu parler, et que 57 % des dirigeants ne sont pas au fait des évolutions prévues pour 2025 ».
Des dispositifs encore sous-utilisés
En dépit de cette relative méconnaissance, trois quarts des dirigeants envisagent de mettre en place ou de pérenniser un dispositif de partage de la valeur dans leur entreprise d’ici 2025. Toutefois, la prime de partage de la valeur (qui remplace la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat, plus communément appelée "prime Macron") reste le dispositif favori, mentionné par 43 % des répondants. Les dispositifs plus complexes, tels que l'accord d'intéressement, ne recueillent que 21 % des suffrages, tandis que la participation et l'actionnariat salarié sont encore plus marginalement mentionnés.
Il apparaît que, pour de nombreuses PME, la simplicité et la flexibilité de la prime Macron en font une solution attrayante à court terme. En effet, ce mécanisme, rapidement déployable, permet aux dirigeants de récompenser leurs salariés sans avoir à engager des démarches lourdes ou complexes. Cependant, cette prime demeure une mesure temporaire, et nombre d'experts estiment qu'elle ne suffit pas à instaurer une véritable culture de partage de la valeur au sein des entreprises.
Comme le souligne François de Laage, Directeur des équipes Conseil chez Primeum : « Les PME comprennent peu à peu la nécessité d’associer les salariés aux résultats de l’entreprise, mais un grand travail reste à mener pour les convaincre de l’intérêt d’associer les collaborateurs à la richesse qu’ils contribuent à créer ».
Des primes qui peinent à stimuler la motivation
L’étude révèle également une grande hétérogénéité dans les prévisions budgétaires des entreprises pour la prime de partage de la valeur (PPV). En effet, 30 % des dirigeants envisagent d’allouer moins de 2 % de leur masse salariale à cette prime, tandis que 27 % prévoient de consacrer plus de 5 % de leur budget à la redistribution. Ces écarts témoignent d’une incompréhension généralisée quant à l’usage optimal de cet outil.
« Les écarts notables dans les prévisions budgétaires des dirigeants de PME révèlent encore un besoin d’information et d’explications sur les enjeux et les modalités de la PPV », observe François de Laage. « Idéalement, les entreprises devraient situer le montant de ces primes autour de 5 % de la masse salariale pour réellement donner sens à ces dispositifs ».
L’étude met également en lumière les critères qui guident les dirigeants dans l’attribution de ces primes. Ainsi, 37 % d'entre eux envisagent de lier ces primes à des objectifs financiers, et 35 % à des critères sociaux (comme l’égalité femmes-hommes ou l’inclusion du handicap). Cette orientation vers des critères sociaux est particulièrement marquée dans les secteurs agricoles, industriels et du BTP, où ces préoccupations surpassent même les objectifs financiers.
Thibaud Cukierman, spécialiste de l’intéressement chez Primeum, note à ce sujet : « Il est surprenant de constater que seulement 37 % des dirigeants envisagent de lier le partage de la valeur à des critères financiers, un chiffre particulièrement faible compte tenu de l'importance traditionnelle de la performance économique dans ce type de dispositifs. Cela démontre un basculement des priorités, avec une attention grandissante portée aux enjeux sociaux ».
Alors que l’échéance de 2025 approche, il devient impératif pour les PME de se préparer à la mise en œuvre de dispositifs de partage de la valeur. L’étude IFOP commandée par Primeum montre que si la prise de conscience progresse, de nombreux défis demeurent. Les dirigeants doivent être mieux informés des opportunités qu’offrent ces dispositifs, et les salariés doivent être associés aux résultats de leur travail de manière durable et significative. Pour cela, un accompagnement adapté et une meilleure compréhension des outils à disposition seront essentiels pour réussir cette transition.