Instaurer un système de primes exige de déterminer des objectifs de performance cohérents, réalistes et motivants, mais surtout équitables. S’assurer de l’équité des objectifs donnés à ses collaborateurs est une opération délicate qui exige rigueur et méthode. Thibaud Cukierman, manager du Département Conseil chez Primeum vous explique comment rendre équitables les objectifs de performance.
« L’équité est une notion qui s’applique à un groupe et qui impose de donner les mêmes chances de réussite à chacun de ses membres, quelle que soit sa situation de départ », Thibaud Cukierman, Manager du Département Conseil chez Primeum
Avant de parler de l’équité d’un objectif de performance, il est important de déterminer si l’on parle d’un objectif qualitatif, quantitatif ou quanti-qualitatif. En effet, selon sa nature, la manière de calibrer l’objectif n’est pas la même, rappelle Thibaud Cukierman. Les objectifs de nature qualitative sont souvent intégrés à un système de management par MBO et c’est précisément le manager qui fixe les grands objectifs qualitatifs du collaborateur sur un cycle long. En réalité, il s’agit davantage d’une évaluation de la part du manager que d’un véritable objectif, car il est difficile d’en mesurer l’équité.
Les objectifs quantitatifs, quant à eux, entrent pleinement dans le champ de l’équité. L’enjeu de l’équité est de veiller à ce qu’aucun collaborateur ne commence son cycle de performance avec un désavantage ou un privilège. Les collaborateurs désavantagés se sentiront lésés et ne chercheront pas à atteindre un objectif qu’ils jugent inatteignable. Quant aux collaborateurs avantagés, ils risquent de considérer l’objectif comme acquis et la prime qui y est associée comme faisant presque partie de leur rémunération fixe et ils ne chercheront donc pas à faire dépasser leur performance habituelle. Dans les deux cas, l’absence d’équité est nuisible à la motivation et à la performance des collaborateurs.
Attention, néanmoins, à ne pas confondre équité et égalité. S’il est important de veiller à une égalité des chances de réussite, celles-ci doivent être entièrement individualisées et l’objectif ajusté à la situation de chaque collaborateur. Donner la même récompense à tout le monde, au mépris de la performance effectuée et du potentiel de départ, c’est se montrer injuste envers ceux qui ont surperformé et trop généreux envers ceux qui n’ont pas performé autant. Là encore, le risque est une perte de motivation et une diminution générale de la performance. Pour ce faire, l’entreprise doit estimer avec justesse le potentiel de chaque personne concernée par l’objectif de performance et adapter la demande de progression en fonction de l’ensemble des paramètres qui caractérisent la situation de chacun. Le secret, pour y parvenir, est d’individualiser au maximum les objectifs de performance.
« On reconnaît un objectif de performance équitable à son caractère ambitieux, mais toujours atteignable », Thibaud Cukierman, Manager du Département Conseil chez Primeum
Qui dit objectif de performance équitable dit bon KPI. Toutes les fonctions peuvent se voir attribuer des KPIs à condition que les indicateurs soient mesurables et chiffrés. La délicate mission de chiffrer un objectif revient aux fonctions sièges, souligne Thibaud Cukierman. Ce sont elles qui fixent les KPIs (en général 1 à 3) ». On peut parfois en avoir plus voir beaucoup plus (même si ce n’est pas conseillé). Autrement dit, la définition même de ces indicateurs relève d’une décision stratégique de l’entreprise. Ensuite, vient l’élaboration de l’objectif de performance.
Avant d’attribuer un objectif de performance à chaque collaborateur, il faut vérifier et tester que tous sont équitables. Les statistiques et l’historique des données permettent de faire des simulations sur le passé, de vérifier les cycles de performance à blanc et de s’assurer qu’il n’y a pas de lien entre l’atteinte finale des objectifs et les paramètres qui étaient présents avant le début du cycle de performance. Ces corrélations peuvent concerner, par exemple, le volume de ventes au départ ou les dernières tendances d’évolution. Quel que soit l’historique initial de chaque collaborateur, il est important qu’il n’y ait pas de lien entre ces paramètres et la performance finale afin que tout le monde puisse réussir. De plus, il est important de prendre en compte les compétences et l’expérience de chacun.
Par ailleurs, il est impératif de vulgariser la méthode mise en place afin que chaque collaborateur puisse comprendre l’objectif qui lui a été fixé. La transparence est de rigueur afin de maximiser les chances de réussite du collaborateur et son adhésion à l’objectif de performance. De plus, Thibaud Cukierman explique qu’en l’absence de formule en tant que telle, le collaborateur doit se voir expliquer les principes de construction de son objectif et les attentes concernant la réalité de son potentiel. C’est d’autant plus important qu’une simple formule ne permet que très rarement d’obtenir une équité optimale, il faut très souvent passer par des algorithmes plus complexes.
À chaque objectif de performance doit être attribuée une prime cible qui correspond à la somme attribuée en cas de réussite à 100%. Néanmoins, il convient de prévoir des marges d’évolution autour de cette prime cible. En d’autres termes, si le collaborateur n’a pas atteint l’objectif, le pourcentage de réussite réalisé doit correspondre à un montant qui décroît à mesure que le collaborateur s’éloigne de l’objectif. À l’inverse, en cas de dépassement de l’objectif, le montant doit également être proportionnel à la réussite du collaborateur jusqu’à atteindre un plafond, ou, plus rarement, continuer indéfiniment. Ce système confère une aura motivante et incitative à la prime cible et donne à l’objectif de performance toute sa raison d’être.
Calibrer les objectifs et garantir leur équité se fait de manière précise et fiable à l’aide des bons outils et d’une méthodologie recourant aux algorithmes. Il est rare que le manager soit pleinement en mesure de fixer équitablement les objectifs de performance, car cela exige une connaissance excellente des secteurs ainsi qu’une vision large et fiable de tous les clients et de toutes les opportunités. Fixer seul les objectifs de performance demande énormément de courage managérial et implique une prise de risque réelle pour le manager. En revanche, le manager peut parfaitement intervenir pour ajuster l’objectif au profil du collaborateur et à sa situation et ainsi affiner les résultats obtenus grâce aux algorithmes.
Il existe trois types d’objectifs de performance :
Ces différents objectifs ne servent pas les mêmes intérêts et ne sont pas calibrés de la même façon. Thibaud Cukierman souligne que si les objectifs collectifs sont intéressants pour créer de la synergie entre les collaborateurs, selon la nature de l’équipe et de la situation de l’entreprise, si la performance générée au sein de l’entreprise est plutôt individuelle et relative à un système de secteurs, il peut être plus pertinent de prioriser les objectifs individuels. Cela étant, combiner des objectifs individuels à des objectifs collectifs peut être une stratégie des plus judicieuses selon la stratégie globale de l’entreprise. En matière d’objectif de performance, chaque décision doit être motivée par les exigences du contexte, ainsi que le rappelle Thibaud Cukierman.
« S’il n’est pas possible de s’assurer de l’équité des objectifs de performance attribués aux collaborateurs, il est plus prudent de s’orienter vers d’autres mécaniques de prime », Thibaud Cukierman, Manager du Département Conseil chez Primeum
Le système des objectifs de performance ne convient pas à tous les types d’entreprise. Ainsi, les entreprises jeunes qui ne possèdent pas suffisamment d’historique de données prennent un risque en choisissant les objectifs de performance puisqu’elles ne peuvent vérifier qu’ils sont équitables, réalistes et ambitieux. Il en va de même pour les entreprises où règne un système entrepreneurial, où chaque collaborateur est responsable de son propre revenu. Si l’entreprise ne dispose pas d’un véritable système managérial et n’est pas en mesure de quantifier la performance ni de choisir les bons KPIs, l’objectif de performance perd alors de son intérêt.
Rendre les objectifs de performance équitables implique de modéliser correctement le potentiel individuel des différents collaborateurs. Individualiser au maximum les objectifs de performance et s’appuyant sur une méthodologie rigoureuse, c’est donner à chacun les mêmes chances de réussite et cela permet donc de doper la motivation de toute l’équipe.