Est-il possible de renoncer à ses jours de congés afin d’augmenter sa rémunération ? De nombreux salariés et employeurs s’interrogent sur les règles prévues par la loi permettant l’éventuelle transformation des congés en primes ? Alix Frileux, avocate chez Versants Avocats, spécialiste en droit du travail, répond à nos questions et nous dévoile le cadre prévu par la loi pour monétiser ses congés.
En France, les congés payés sont non seulement un droit pour le salarié, mais également une obligation pour l’employeur. Destinés à permettre au salarié de se reposer de son travail, ces congés payés entraînent l’interdiction pour le salarié de travailler pour son employeur ou une autre entreprise. Comme le rappelle Alix Frileux, il appartient à l’employeur de prendre toutes les mesures pour permettre au salarié de prendre ses congés. Il doit faire en sorte que tous les salariés puissent bénéficier de leur congé annuel. A défaut, l’employeur est susceptible d’engager sa responsabilité civile et encourt des sanctions pénales (C. trav., art. R. 3143-1).
Dans les faits, tout salarié bénéficie de 2,5 jours ouvrables de congés payés par mois de travail, soit 30 jours ouvrables pour une année de travail complète (du 1er juin de l’année précédente au 31 mai de l’année en cours) (C. trav., art. L. 3141-3). Comme le souligne l’avocate, par principe, la durée des congés pouvant être pris en une seule fois ne peut excéder 24 jours ouvrables (4 semaines). De ce fait, la 5e semaine de congés payés doit être prise séparément ou capitalisée sur un compte épargne-temps. Néanmoins, de nombreux employeurs et salariés s’interrogent sur la possibilité de monétiser ces congés non pris afin de les transformer en primes.
La monétisation des congés payés ne concerne que certains types de congés et est strictement encadrée par un accord collectif, ou à défaut par la loi, et doit être formalisée dans un avenant. Dans tous les cas, le salarié ne doit pas travailler plus de 235 jours par an, sauf si le plafond est différent et prévu par un accord.
Le Code du travail (C. trav., art. L. 3121-59) prévoit la possibilité, pour le salarié soumis à une convention de forfait jours, de renoncer à une partie de ses jours de repos en contrepartie d’une majoration de son salaire. Alix Frileux rappelle que cette disposition nécessite l’accord écrit de l’employeur. Un avenant à la convention de forfait doit être établi afin de déterminer le taux de la majoration applicable à la rémunération de ce temps de travail supplémentaire (taux qui ne peut être inférieur à 10%). Il faut noter que cet avenant est alors valable pour l’année en cours et ne peut être reconduit de manière tacite.
Si le salarié ne peut prendre ses jours de RTT avant le terme de la période de référence du fait de son employeur, une monétisation de ces jours de congés est possible. Si l’accord collectif qui met en place l’aménagement du temps de travail ne prévoit pas d’indemnisation du reliquat de JRTT, ils sont perdus et n’ouvrent pas droit à une indemnité sauf si cette situation est imputable à l’employeur (Cass. soc., 18 mars 2015, n° 13-16.369).
La loi de finances rectificative pour 2022, datée du 16 août 2022 permet un dispositif de rachat des jours de repos. Ce dispositif permet aux salariés de monétiser tout ou partie de leurs journées ou demi-journées de repos acquises au titre des périodes postérieures au 1er janvier 2022 et jusqu’au 31 décembre 2025.
Ce dispositif implique différentes obligations pour l’employeur :
collective instituant un dispositif d’aménagement du temps de travail résultant
d’accords antérieurs à la loi du 20 août 2008 (réduction du temps de travail,
cycle de travail ou modulation) ;
aménagement du temps de travail sur une période supérieure à la semaine (C.
trav., art. L. 3121-41 à 47).
disposent du dispositif précité : majoration de salaire en cas de renonciation à
des jours de repos) ;
supplémentaires ;
Par ailleurs, l’avocate rappelle qu’aucun formalisme n’est imposé s’agissant de la demande effectuée par le salarié et que le nombre de demandes pour un même salarié n’est pas limité. En outre, l’employeur peut refuser la demande de monétisation des jours de repos. Alix Frileux souligne également que les heures effectuées du fait de la renonciation à des jours de repos ne sont pas prises en compte dans le contingent d’heures supplémentaires. De surcroît, si les rémunérations versées dans ce cadre sont exonérées d’impôts et de cotisations sociales, elles restent soumises à la CSG/CRDS.
Le compte épargne-temps est un dispositif permettant aux salariés de capitaliser des temps de repos ou des sommes d’argent pour les affecter à des congés non rémunérés ou pour se constituer une épargne monétaire. Selon le Code du travail, « le compte épargne-temps permet au salarié d'accumuler des droits à congé rémunéré ou de bénéficier d'une rémunération, immédiate ou différée, en contrepartie des périodes de congé ou de repos non pris ou des sommes qu'il y a affectées » (C. trav., art. L. 3151-2).
Le CET résulte d’un accord d’entreprise (ou d’établissement), ou à défaut d’un accord de branche (C. trav., art. L. 3151-1). Ainsi, ce n’est qu’à défaut de négociations engagées sur ce point au niveau de l’entreprise (ou de l’établissement), que les dispositions de la convention ou de l’accord de branche s’appliquent, et ce, peu important que les dispositions de l’accord d’entreprise soient moins favorables que celles prévues par l’accord de branche.
Le compte épargne-temps est alimenté de différentes manières :
conventionnelle ou résultante d’usage d’entreprise ou de DUE.
Alix Frileux souligne que la renonciation aux journées ou demi-journées de repos accordées dans le cadre d’une organisation pluri-hebdomadaire du temps de travail (JRTT compris), ainsi que le dépassement des forfaits en heures, un accord collectif, autre que celui instituant le compte épargne-temps, doit l’autoriser.
De plus, la loi ne plafonne pas le nombre d’heures ou de jours pouvant être capitalisés sur le compte épargne-temps. Ainsi, à défaut de disposition conventionnelle, les salariés peuvent stocker autant de jours de congés qu’ils le souhaitent. La monétisation du compte épargne-temps permet la liquidation en argent des droits à repos qui y ont été transférés. Cette monétisation a principalement vocation à permettre le rachat de JRTT ou des jours de repos
des salariés en forfait jours et de donner au salarié la possibilité de débloquer les droits stockés sur le compte épargne-temps pour compléter sa rémunération. Les droits pouvant être liquidés concernent aussi bien les droits provenant d’alimentation en temps, qu’en argent (par exemple : primes, augmentations individuelles ou collectives, compléments du salaire de base, sommes acquises au titre de l’épargne salariale …).
En revanche, Maître Frileux précise que la 5e semaine de congés payés ne peut pas être utilisée sous forme de complément de rémunération via le compte épargne-temps (C. trav., art. L. 3151-3 al 2).Tout salarié peut utiliser les droits affectés sur le compte épargne-temps pour compléter sa rémunération, peu important que cette possibilité soit prévue, ou non, dans l’accord collectif instituant le CET (C.trav., art. L. 3151-3 al. 1). Le salarié doit en revanche adresser une demande de rachat à son employeur. À défaut de dispositions conventionnelles prévoyant les modalités relatives à la monétisation du compte épargne-temps, le salarié peut effectuer sa demande par tout moyen. En outre, l’employeur n’est pas tenu d’accepter la demande de liquidation monétaire formulée par le salarié.
S’agissant du compte épargne-temps en cas de rupture de contrat de travail, Alix Frileux explique que peu importe le motif de la rupture du contrat, différentes solutions s’offrent au salarié (C. trav., art. L. 3152-2 et L.3153-2) :
Ces dispositions du Code du travail relatives au transfert des droits acquis sur le compte épargne-temps auprès d’un autre employeur résultent de la loi du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels (art. 11).
Si la monétisation des congés payés est possible dans certains cas, il convient de souligner qu’un bon management implique d’offrir des conditions de travail permettant aux collaborateurs de se reposer afin d’être performant, productif et heureux d’occuper ses fonctions et de faire partie de l’entreprise. La transformation des congés en primes doit se faire avec parcimonie, réflexion et dans le respect du bien-être du salarié.