Si négocier son salaire peut être un challenge pour les hommes et les femmes, il semblerait que ces dernières aient moins tendance à saisir l’initiative. Comment négocier son salaire, et plus particulièrement quand on est une femme ? À l’heure où les écarts salariaux se creusent, découvrez dans cet article des conseils applicables par tous pour réussir à négocier son salaire.
Une disparité salariale effective entre les hommes et les femmes
« Ce qui ressort cette année, c’est que l’écart de rémunération entre les hommes et les femmes, qui avait baissé légèrement de 2018 à 2020 (passant de 16,7% à 15,5% d’écart) a rebondi en 2021, en partie en raison de la crise du Covid-19, un phénomène constaté dans toute l’Europe. » – Article Lemonde.fr
L’écart salarial homme-femme en chiffres
D’après le collectif Les Glorieuses, les femmes françaises travailleraient « gratuitement » depuis le 3 novembre dernier, 9h22. Dès lors, elles ne seraient plus rémunérées pendant les 16,5% restants de l’année. Ce calcul serait basé sur les écarts de salaire avec les hommes publiés dernièrement par Eurostat avec des données de l’année 2019.
En 2021, l’écart salarial entre femmes et hommes serait donc supérieur à l’année précédente (15,5% en 2020). Il aurait pourtant été légèrement réduit entre 2018 et 2020.
Et la crise sanitaire due au Covid-19 pourrait bien être impliquée dans le creusement de cet écart. Rebecca Amsellem, économiste et fondatrice de la newsletter Les Glorieuses, rappelait cependant que les effets du Covid-19 ne sont pas compris dans le calcul avancé. Malgré tout, le Forum économique mondial affirme que l’égalité femmes-hommes a reculé d’une génération à cause de la crise sanitaire. Selon le Forum, le temps restant « pour combler l’écart entre les sexes » a été « rallongé de 36 ans ».
Dans Le Monde, on rappelle que la méthodologie de calcul du collectif Les Glorieuses « s’appuie sur les données de l’organisme européen de statistiques Eurostat, mais [que] d’autres institutions avancent des chiffres différents. » Or, la méthodologie de calcul varie selon les institutions : « Pour calculer l’écart de revenus […] l’Insee et Eurostat utilisent le salaire horaire brut. Une technique qui permet de ne pas prendre en compte le versement de primes, les rémunérations variant en fonction des performances ou les versements saisonniers ». Les chiffres établis par les différentes institutions sont donc à relativiser car les méthodes employées tendraient à « lisser » les résultats. Cependant, on notera que les écarts de salaire restent conséquents.
« Eurostat fournit des pistes d’explication : ainsi, le fait que ‘‘les secteurs dans lesquels les femmes constituent la majorité des travailleurs [la santé ou l’éducation] affichent des niveaux de salaires inférieurs à ceux constatés dans les secteurs plus majoritairement masculins’’, comme la finance ou l’informatique. Par ailleurs, les femmes sont aussi moins représentées dans les postes à responsabilités, les plus rémunérateurs. » (Le Monde, 2021)
Discrimination salariale, écart de salaire et inégalité hommes-femmes
Les hommes davantage enclins à (mieux) négocier leur salaire ?
« Le sondage OpinionWay pour la Chaire RSE d'Audencia en partenariat avec KPMG apporte un éclairage sur les différences de comportements femmes-hommes, face à une étape décisive en matière de rémunération : la négociation. Il révèle également les discriminations ressenties face au statut de parent, et l'inexistence ou le non-respect perçus par les salariés au sujet des politiques d'égalité professionnelle. » – Article impact-positif.audencia.com
En 2016, RegionsJob révélait à travers une enquête portée sur 2 000 salariés que plus de 67% des femmes avaient déclaré ne pas avoir tenté de négocier leur salaire avant leur prise de poste, contre 51% d’hommes dans ce cas. Lors de l’entretien, si 11% d’hommes déclaraient ne jamais négocier un salaire directement auprès du recruteur, elles étaient 25% dans ce cas. Une majorité de femmes aurait alors tendance à attendre une proposition ou accepter une proposition salariale, quand les hommes seraient enclins à « stopper le processus de recrutement » si le salaire ne convient pas.
Les femmes n’oseraient pas assez négocier leur salaire
En 2019, Audencia indiquait en ce sens à partir d’une étude pour la Chaire RSE que si les hommes négociaient peu, les femmes auraient tendance à moins oser encore. En outre, si 44% d’hommes négocient leur salaire pour avoir plus de responsabilités, elles sont 39% de femmes à l’avoir fait.
Dès la première demande d’emploi, seules 34% des femmes auraient osé négocier leur premier salaire (41% pour les hommes).
« Le manque de confiance dans leur capacité à demander est la raison invoquée par 49% de femmes, contre 37% des hommes. Et cette différence ne fait que croître pour les seniors : quand 72% des hommes de 50 ans et plus se déclarent confiants […], les femmes de la même tranche d’âge sont moins de 50% à partager ce sentiment. » (Challenges, 2019)
Par ailleurs, bien que la loi l’interdise, 60% de femmes ont été questionnées sur des éléments personnels de leur vie et 49% des hommes l’ont été (enfants à charge, projet d’enfant dans un futur proche). 70% des femmes considèrent que les hommes seraient mieux considérés par rapport aux évolutions de carrière. Ces contrastes, potentiellement liés à des biais sexistes, pourraient tout à fait expliquer ces difficultés pour les femmes à se lancer dans la négociation de salaire et à s’en sentir légitime.
Les femmes exercent des métiers souvent moins rémunérateurs et à temps partiel
Comme le souligne le site officiel Vie Publique, « depuis 40 ans, les femmes occupent huit emplois à temps partiel sur dix, en général des postes peu qualifiés et faiblement rémunérés. » Karine Briard a souhaité se pencher sur la question l’an dernier dans un article, en reprenant les enquêtes Emploi de l’Insee de 2013 à 2016 : « l’analyse rend compte de l’importance de la ségrégation professionnelle sexuée en France et de la fréquence du temps partiel dans les métiers mixtes et féminisés, que le temps partiel soit attaché au poste ou demandé par les salariés. » Au cours de son travail, Karine Briard établit la distinction entre le temps partiel contraint et le temps partiel voulu :
« Le temps partiel ‘‘contraint’’ est l’attribut d’une main-d’œuvre employée et ouvrière surreprésentée dans les métiers féminisés, aussi bien féminine que masculine. Le temps partiel ‘‘choisi’’ concerne davantage les femmes, plutôt les non-cadres des métiers mixtes et féminisés, et répond à des motivations différentes pour chacun des sexes […] ».
La part non-négligeable de femmes optant pour le temps partiel et/ou exerçant des métiers moins rémunérateurs semble également entrer en ligne de compte dans l’écart salarial.
Négotraining : les initiatives mises en œuvre pour aider les femmes à oser négocier leur salaire (et y parvenir) !
Ces formations, valables pour les hommes et les femmes, semblent être d’autant plus utiles pour les femmes en difficulté face aux négociations de salaire. Cette difficulté est « assez préoccupante pour que l’école de commerce Audencia (avec sa chaire Impact positif) ait lancé, en 2017, avec le soutien de KPMG France, une formation gratuite pour les aider à franchir l’obstacle. » – Article Lefigaro.fr
Un stage de 3 heures pour aider les femmes à négocier leur salaire en s’entraînant
Plusieurs témoignages de femmes, recueillis au cours de la formation, nous font comprendre qu’elles avaient tendance à se contenter de peu quand elles pouvaient avoir plus. Il s’agit alors non seulement de travailler sa confiance en soi, mais aussi de prendre conscience de sa légitimité au sein de l’entreprise et la faire valoir : « J’étais tellement contente d’avoir obtenu une personne de plus pour mon service que je n’ai même pas pensé à parler de mon augmentation. Pourtant, cela en faisait une de plus à encadrer », témoigne l’une des élèves. « J’ai expliqué à mon boss que je voulais soit travailler sur ce dossier chaud […] soit avoir une augmentation. Il ne m’est pas venu à l’esprit que je pouvais avoir les deux ! », s’exclame une autre.
Chez Audencia, les ateliers négotraining commencent par un quiz et des chiffres dans le but de prendre conscience de l’écart salarial entre femmes et hommes, « qui s’accroît au fil de la carrière. Et fait perdre beaucoup d’argent aux femmes » (Le Figaro, 2021)
Il faudra non seulement faire valoir ses atouts, ses réussites (et ne pas en démordre !), mais aussi déterminer ce que l’on peut demander ou non. Gwenaëlle Valenta, responsable RH chez KPMG France, recommande de « prendre le temps de comparer son propre salaire (et les autres éléments de la rémunération, comme la participation, l’intéressement) avec ceux des collègues ou de la profession ». (Le Figaro, 2021). Pour cela, l’Apec, Indeed et d’autres sites d’offres d’emplois peuvent constituer des pistes d’information. Comme le rappelle l’article du Figaro, « Si votre rémunération est à la traîne, vous avez un bon argument à faire valoir. Vous savez aussi précisément ce que vous pouvez accepter… ou pas. »
Pour les hommes comme pour les femmes, si vous venez de réaliser une belle performance commerciale par exemple, n’hésitez pas à saisir l’occasion de négocier votre salaire : vous n’êtes pas obligés d’attendre les entretiens annuels. Relancez votre employeur si besoin !
« Selon Audencia, à l’issue de la formation, sept femmes sur dix ont utilisé les outils proposés et ont obtenu une amélioration de leur rémunération ou de leur situation professionnelle. » (Le Figaro, 2021).
Déconstruire le syndrome de l'imposteur grâce au coaching
Sarah Zitouni, ingénieure, buisness development manager est également l’autrice du livre « Tout vouloir tout avoir ». Son combat : aider les femmes à déconstruire leur « syndrome de l’imposteur », qu’elle a déjà pu expérimenter elle-même au cours de sa vie. Pour Yahoo, elle revient sur son parcours :
« Quand je suis entrée dans l’école d’ingénieurs, que je souhaitais vraiment faire, j’ai vraiment eu l’impression que j’étais arrivée là par accident. Et si vous êtes traversé par cette impression qu’en fait, quelqu’un va vous découvrir et vous demander de partir, que la seule façon de compenser ça, c’est de travailler jusqu’à l’épuisement, pour que personne ne se rende jamais compte que vous n’avez pas votre place ici, typiquement, c’est du syndrome de l’imposteur […] »
Sarah Zitouni conseille aux femmes se sentant illégitimes de faire la liste de leurs accomplissements et de se « traiter en amie ». Sur son compte Instagram Powher_ta_carriere, Sarah s’attache à donner des conseils aux femmes pour s’affranchir des dynamiques sexistes et prendre conscience de leur réel potentiel. Les conseils de Sarah semblent porter leurs fruits pour plusieurs femmes. L’une d’elle témoigne ainsi :
« En à peine 6 mois j’ai pris conscience de mon syndrome de l’imposteur, qui m’empêchait de valoriser ma montée en compétence sur des sujets techniques. J’ai osé demander une prime alors que les salaires étaient gelés dans ma boîte […] Et au final on me propose non pas une prime, mais un poste de manager dont je rêvais depuis 3 ans, avec + 10K de salaire annuel ! »
Les écarts salariaux entre hommes et femmes représentent non seulement une perte de chance pour les femmes elles-mêmes, mais aussi pour les entreprises ! À l’heure où des inégalités subsistent, les initiatives permettant aux femmes de trouver les bonnes stratégies pour négocier leur salaire sont les bienvenues. Femme ou homme, il est important de se faire confiance, savoir ce que l’on vaut, prendre conscience de ses réussites, les faire valoir. Et puis… rappelons aussi qu’une négociation salariale n’est pas toujours nécessairement sujette à conflit !