« Les possibilités sont nombreuses : épargne salariale, participation, intéressement ou même avantage en nature. C’est plus facile à mettre en œuvre qu’une augmentation salariale, et ça peut être plus avantageux financièrement », Fabien Lucron pour le Figaro La pression monte pour augmenter les salaires (lefigaro.fr)
Après ces derniers mois mouvementés, la rentrée s’annonce tendue entre le gouvernement, les syndicats de salariés et les patrons ; et la question d’augmenter les salaires s’installe sur le devant de la scène. Dans l’article suivant, un tour d’horizon sur la situation et pourquoi les entreprises sont plus que jamais sous pression pour augmenter les salaires.
Le contexte particulier post-covid n’a pour l’instant, pas eu les conséquences négatives attendues
« Augmenter le smic implique une hausse du coût du travail, ce qui pénalise l’embauche des salariés. Le danger est donc de freiner la bonne dynamique qu’on constate aujourd’hui sur le front de l’emploi », Mathieu Plane, économiste et spécialiste des questions sociales à l’OFCE
Le gouvernement et les syndicats de salariés veulent augmenter les salaires
Le gouvernement et les syndicats de salariés s’accordent pour appeler à l’augmentation des salaires, surtout ceux des plus bas revenus, mais l’effort doit semble-t-il venir des entreprises. Il y a tout d’abord un consensus entre l’état et les syndicats de salariés sur le fait que plus de 100 milliards d’aides ont été versées pour maintenir à flot les entreprises pendant la crise et que ces aides doivent également profiter aux salariés.
D’après l’Insee, le taux de marge des sociétés non financières atteignait un taux record de 35.9% au premier trimestre. Le taux de chômage à 8.1% est presque le même que celui d’avant la crise, il n’y a pas eu autant de faillites que l’on redoutait et l’économie tourne. Le terrain est donc propice.
Le gouvernement insiste particulièrement sur l’augmentation des salaires auprès des branches professionnelles des salariés de deuxième ligne pendant le confinement comme la sécurité, la propreté ou l’aide à la personne par exemple, secteurs où les salaires sont plutôt bas et les conditions de travail difficiles.
D’après une étude publiée par la Dares, les salariés de 2ème ligne sont en moyenne deux fois plus souvent en contrats courts que les autres salariés du privé, leurs salaires sont plus faibles d’environ 30%, ils font moins d’heures par semaine, ils sont souvent exposés au chômage, ils sont plus fréquemment exposés à des risques professionnels et ont deux fois plus de risque d’accident (« Les métiers « de deuxième ligne » de la crise Covid-19 : quelles conditions de travail et d’emploi dans le secteur privé ? »)
Pour les patrons, augmenter les salaires représente un effort qui n’est pas « soutenable »
Pour les entreprises, les possibilités d’augmentation de salaires sont limitées. D’après François ASSELIN, Président de la CPME (Confédération des Petites et Moyennes entreprises), toute augmentation de salaires généralisée suppose ensuite une répercussion sur les prix de vente, chose qui n’est pas simple à mettre en place quand les tarifs sont déjà positionnés et que la concurrence ne suit pas la tendance.
L’augmentation du SMIC présenterait également des difficultés pour les entreprises qui travaillent dans des secteurs où les marges sont très faibles, notamment parce que l’augmentation du salaire fixe coûte cher aux patrons assujettis aux charges patronales. Une position que semble comprendre le gouvernement qui ne souhaite pas augmenter le SMIC pour l’instant afin de ne pas plomber la bonne dynamique actuelle de l’emploi et continuer à favoriser l’embauche.
À cela s’ajoute également l’équilibre économique encore fragile dans lequel se trouvent les entreprises aujourd’hui. Elles semblent avoir passé la crise mais cela est en grande partie dû aux aides versées par l’État. Qu’en sera-t-il une fois qu’il n’y aura plus d’aides ? Face à cette incertitude, difficile de promettre des augmentations de salaires à tour de bras.
Pourquoi l’État appelle les entreprises à une augmentation des salaires ?
« Il faut aussi que les branches entendent qu'elles ont leur part du chemin à faire. Il y a un enjeu d'attractivité des métiers : on a quelques dizaines de branches dont les minima sont en dessous du Smic » Elisabeth BORNE, Ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Insertion
La campagne électorale débute...
À l’approche de l’élection présidentielle de 2022, les différents candidats se positionnent sur une volonté d’augmenter le pouvoir d’achat des Français et cela passe inévitablement par une augmentation des salaires. Difficile de faire l’impasse sur le sujet quand on souhaite gagner un électorat.
Une réalité sociale et économique qui appelle à soutenir les bas salaires
Mais il faut également se confronter à la réalité sociale et économique actuelle : avec 2% d’inflation et l’augmentation de l’énergie – l’UFC-Que Choisir annonce une augmentation de l’électricité d’environ 10% début 2022 - le pouvoir d’achat des Français va diminuer et l’impact sera d’autant plus fort pour les revenus les plus faibles. Il va donc falloir trouver des solutions pour maintenir le pouvoir d’achat si les entreprises ne peuvent pas s’engager sur une augmentation de salaire généralisée.
L’épargne accumulée depuis la crise ne concerne pas tout le monde
Les Français ont réalisé un surplus d’épargne financière de 157 milliards d’euros depuis le début de la crise, de quoi laisser présager qu’ils pourront maintenir leur pouvoir d’achat là où le gouvernement pourrait craindre une crise de demande intérieure. Cependant, si 2020 a été une année exceptionnelle pour l’épargne réglementée, les économies n’ont probablement pas été réalisées par les salariés qui touchent les plus bas salaires.
Il faut compenser la pénibilité de certains métiers
La crise Covid-19 a provoqué une réelle transformation sociale dans la mesure où le chômage partiel, l’incitation à la formation, et surtout le caractère urgent et dramatique de la situation ont poussé les salariés à une profonde remise en question de leurs priorités et de leurs attentes au niveau professionnel. Certains secteurs peu attractifs vont très probablement souffrir de cette transformation.
Un secteur comme l’hôtellerie par exemple, qui a l’avantage d’offrir une carrière aux personnes peu ou pas diplômées est associé à des conditions de travail difficiles : bas salaires, horaires contraignants, difficulté à équilibrer vie privée et vie professionnelle. Ce secteur a également été particulièrement touché par la crise du Covid-19 à la suite de la fermeture des restaurants pendant plusieurs mois, ce qui génère probablement une forme d’insécurité au niveau professionnel.
Les leviers à activer pour augmenter l’attractivité des métiers dits « pénibles » se situent principalement au niveau financier à l’instar des revendications des salariés du secteur de l’hôtellerie/restauration qui demandent un treizième mois et une prime de coupure.
Le salaire reste un argument d’attractivité fort pour répondre à la pénurie de talents
Pour François ASSELIN, Président de la CPME (Confédération des Petites et Moyennes entreprises), l’augmentation des salaires ne passe pas systématiquement par une augmentation généralisée et il y a d’autres pistes à explorer comme le fait d’améliorer les qualifications des salariés grâce à la formation ou tout simplement en proposant des heures supplémentaires quand c’est possible.
Il y a à l’heure actuelle des difficultés de recrutement aussi bien sur les emplois cadres qui sont presque en plein emploi que sur les postes moins qualifiés ce qui ramène inévitablement le salaire au cœur du débat. L’attractivité du salaire et les avantages représentent le principal argument des salariés au niveau mondial pour choisir un employeur, devant l’équilibre entre vie privée et vie professionnelle d’après l’étude publiée par Randstad : Randstad-Employer-Brand-Research-Global-Report-2021.pdf
Le salaire demeure donc un levier de fidélisation des salariés, à tous les niveaux hiérarchiques.
Top 5 des raisons de choisir un employeur en 2021 - source : https://workforceinsights.randstad.com
La rémunération variable ou comment faire la conjonction des opposés
« Depuis six mois, des tensions se manifestent sur les compétences. Les chefs d’entreprise manquent de main-d’œuvre pour répondre à la demande. Alors pour éviter de se faire prendre des salariés, les dirigeants qui le peuvent - ce qui n’est malheureusement pas le cas de tous - ont déjà procédé à des augmentations individuelles de salaires. » François ASSELIN, Président de la CPME
Trouver un compromis entre les besoins des salariés et la marge de manœuvre des employeurs
Dans un tel contexte où les entreprises sont incitées à augmenter les revenus des salariés alors qu’il est compliqué d’augmenter le fixe, la rémunération variable trouve tout son sens. En effet, certains dispositifs de rémunération variable sont moins taxés et pèsent moins lourd dans le budget rémunération qu’une augmentation de la masse salariale fixe soumise aux charges patronales. Il est donc possible d’utiliser la rémunération variable pour faire le compromis entre les contraintes économiques des entreprises et la responsabilité sociale d’aider les salariés à maintenir leur pouvoir d’achat.
Parmi les dispositifs qui bénéficient d’allègements au niveau des taxes, on retrouve par exemple l’intéressement qui n’est plus soumis au forfait social pour les entreprises de moins de 250 salariés.
Il existe également des dispositifs de rémunération variable basés sur la performance collective ou individuelle avec des primes sur objectifs qui récompensent une performance et ne génèrent d’inflation salariale qu'à objectifs atteints. Enfin, une entreprise peut également miser sur les avantages en nature ou les avantages sociaux pour améliorer la rémunération périphérique de ses collaborateurs.
Les dispositifs de rémunération variable ne s’adressent pas qu’à certains types de métiers comme celui des commerciaux. Ce sont au contraire des dispositifs qui visent à personnaliser la rémunération ou à récompenser un effort collectif afin que l'ensemble des salariés partagent le succès économique de leur entreprise.