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L'entreprise libérée : enquête sur 3 innovations salariales

L'entreprise libérée : enquête sur 3 innovations salariales
25 oct. 2022

Salaires - Innovation de la rémunération variable

Selon Isaac Getz, professeur de l’ESCP Business School, « l’entreprise libérée » est une conception du travail en entreprise fondée sur la responsabilité et la liberté des collaborateurs. Le salaire unique, l’élaboration collégiale des salaires ou encore le salaire libre font partie des innovations salariales issues de cette philosophie. Plusieurs entreprises les ont ainsi mises en application, avec plus ou moins de bonheur. Dans cet article, nous passons au crible ces trois politiques salariales.

Le salaire unique, véritable vecteur de rémunération démocratique et égalitaire ?

Le concept de salaire unique est simple : il s’agit d’octroyer un salaire fixe identique à l’ensemble des collaborateurs. Le but est la transparence et l’égalité de traitement entre salariés, mais aussi de diminuer la compétition entre employés et de favoriser l’entraide. Autant d’objectifs louables, mais qui nécessitent certaines conditions pour être atteints.

Tout dépend d’abord du montant du salaire octroyé et de l’implantation géographique de l’entreprise. Offrir un salaire fixe élevé à tous les collaborateurs peut effectivement être un vecteur de motivation et un atout pour soigner la marque employeur de l’entreprise. Si le salaire unique proposé est plus élevé que la moyenne du marché, cela peut être un outil pour fidéliser les talents.

Mais pour que le salaire unique soit pertinent et vecteur d’égalité salariale, il est indispensable d’avoir une homogénéité des profils. Un employé considère sa valeur par rapport à celle des autres, et en déduit le montant du salaire qu’il mérite. Si tous les salariés reçoivent la même rétribution, en dépit des différences de compétences, d’expérience et de performance, les plus investis peuvent rapidement se sentir démotivés et perdre en productivité.

Naturellement, cette politique salariale peut également attirer des candidats peu qualifiés, et donc habituellement moins rémunérés, séduits par le seul montant du salaire et non la mission générale de l’entreprise. Les talents hautement qualifiés peuvent, au contraire, se sentir dévalorisés et se désintéresser de l’entreprise.

Instaurer un salaire unique est donc un jeu d’équilibriste qui ne convient pas à toutes les entreprises. Une start-up naissante peut y trouver un réel bénéfice tandis qu’une entreprise de grande envergure, composée d’une multitude d’équipes différentes, sera très probablement confrontée à de réelles difficultés. Selon leur état de développement, leur taille, les profils de leurs collaborateurs et la nature de leurs missions, cette innovation salariale peut s’avérer bénéfique ou bien totalement néfaste.

 

L’élaboration collégiale des salaires, garantie d’un salaire plus juste et transparent ?

L’élaboration collégiale des salaires consiste à déléguer l’évaluation du montant du salaire fixe à un groupe de collaborateurs. Au lieu d’un seul décideur, ce sont ces derniers qui estiment la nature du salaire pour chaque employé de façon totalement collégiale. Cette approche doit permettre de responsabiliser les employés sur leur rémunération et celle de leurs pairs et proposer des salaires plus justes.

Cette politique salariale présente l’avantage de ne pas confier le calcul du salaire à un seul manager. Elle évite les abus et contribue à une estimation plus objective de la performance et du profil de chaque salarié. Néanmoins, selon les personnes composant ce comité, l’élaboration collégiale des salaires peut être une source de tensions non négligeables.

Mettre en place cette pratique impose de ne choisir que les dirigeants de l’entreprise pour former le comité d’évaluation salariale. Cette responsabilité ne doit pas incomber à des managers intermédiaires. Ceux-ci pourraient se sentir très mal à l’aise vis-à-vis de leurs collègues qu’ils côtoient au quotidien. De plus, un tel travail peut s’avérer chronophage et requérir des compétences spécifiques que n’ont pas nécessairement tous les managers intermédiaires.

Décider que le calcul des salaires doit être le fruit d’une réflexion collective peut convenir à bon nombre d’entreprises. Mais cette responsabilité doit être celle des dirigeants de l’entreprise, capables d’évaluer l’investissement et la productivité des salariés et non d’un groupe de travail issu des salariés.

Le salaire libre, booster de motivation des collaborateurs ?

La politique du salaire libre permet à chaque salarié de déterminer lui-même le montant de sa rémunération fixe, et ce, quelle que soit sa place dans la hiérarchie de l’entreprise. Les entreprises qui l’appliquent veulent inciter leurs salariés à faire preuve d’objectivité et d’honnêteté concernant leur profil et leur performance. En les obligeant à ce travail introspectif, le collaborateur doit voir sa motivation décuplée. En effet, il doit augmenter ses performances pour justifier un salaire plus élevé.

Si cette innovation est, de prime abord, aussi séduisante qu’étonnante, elle peut être en réalité très inéquitable. La raison est simple : pour évaluer correctement son salaire, il convient d’avoir réellement conscience de sa valeur par rapport au marché. Exiger de tous les salariés qu’ils possèdent toutes les connaissances nécessaires à un tel calcul est aussi utopique qu’injuste.

Les collaborateurs ne sachant pas, ou n’osant pas, argumenter pour justifier une meilleure rémunération prendront le risque de réclamer un salaire inférieur à leur réelle valeur. À l’inverse, d’autres employés, très sûrs d’eux, peuvent être tentés de demander une rémunération supérieure à la valeur de leurs compétences et à leur performance. Des inégalités salariales peuvent rapidement apparaître au sein de l’entreprise et réduire à néant la volonté de l’employeur de motiver ses équipes.

En réalité, il est irréaliste de penser qu’en termes de salaire, le dernier mot revient toujours à l’employé. Car si celui-ci exige un montant auquel l’employeur ne peut consentir, l’employé devra quitter l’entreprise. C’est donc l’employeur qui, in fine, décide de la limite à ne pas dépasser. Sa mission est de garantir une équité de traitement entre ses collaborateurs en trouvant un équilibre par rapport au marché. Pour y parvenir, il doit se mettre d’accord avec les salariés. Une entreprise souhaitant faire preuve de cohérence dans sa stratégie globale et de justice salariale doit nécessairement accepter qu’un accord soit passé entre l’employeur et le salarié.

 

En termes de salaire, l’essentiel pour l’entreprise est de respecter le devoir d’équité. Le montant décidé doit être juste et incitatif pour le collaborateur et cohérent pour l’entreprise. Ces trois innovations salariales, dont certains aspects sont foncièrement pertinents, restent problématiques, car elles peuvent mettre en péril l’équité salariale. Une bonne différenciation des salaires tend vers cet impératif d’équité. Cela peut se faire en augmentant la rémunération fixe, dès lors que le collaborateur accroît ses compétences et son expérience. La rémunération variable, quant à elle, permet de récompenser une performance exceptionnelle qu’il n’est pas possible de faire en augmentant le salaire fixe. Objective et personnalisée, la rémunération variable est un levier de performance au service de l’entreprise et du collaborateur.

 

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Auteur de l'article

Hervé de Riberolles

Directeur Associé de Primeum - Expert en motivation des employés par la rémunération variable

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