Le recul de l’âge légal de départ à la retraite impose au gouvernement et aux entreprises de se confronter à un problème de société : la difficulté du maintien et du retour à l’emploi des seniors. C’est bien connu, les actifs les plus âgés ont de plus grandes difficultés d’accès à l’emploi que les autres. Quelles sont les solutions proposées par le gouvernement pour inverser la tendance et comment la rémunération variable peut-elle contribuer à favoriser l’emploi des seniors ?
56% des 55-64 ans sont en emploi au 4e trimestre 2021 en France, d’après une étude Dares. Un nombre en hausse par rapport à l’année 2020. Mais qu’est-ce qu’un senior et pourquoi utilise-t-on ce terme ?
« Senior » est un terme latin désignant, littéralement, la « personne la plus âgée ». En entreprise, ce terme est préféré à celui, jugé plus péjoratif, de « vieux ». Mais au fil des dernières décennies, les seniors ont changé de profil à mesure que la notion de vieillesse a reculé. Car si dans les années 1970 et 1980, les seniors étaient les préretraités de 55 ans, il en est désormais autrement aujourd’hui. L’âge de la retraite étant en recul, les seniors sont de fait plus âgés, puisque plus proches du départ en retraite.
Pourtant, de nombreux cabinets de recrutement continuent de considérer comme « senior » toute personne âgée de 50 ans et plus, voire parfois de 45 ans révolus. Un décalage qui pose un véritable problème aux personnes concernées, qui doivent patienter plus longtemps pour partir en retraite et faire face aux difficultés qui accablent les personnes jugées trop âgées sur le marché de l’emploi. En effet, les seniors attirent plus difficilement les employeurs, moins enclins à rémunérer à leur juste valeur leur expérience plus longue et leurs compétences jugées supérieures à celles des jeunes recrues. Ce à quoi s’ajoutent les idées selon lesquelles les seniors seraient moins productifs, moins adaptables et plus lents que leurs jeunes collègues.
Ces préjugés et cette vision que l’entreprise a des personnes de plus de 50 ans expliquent, en grande partie, la raison pour laquelle le nombre des seniors en activité en France est inférieur à celui d’autres pays. En Europe, les pays qui recrutent le plus facilement les seniors sont la Suède (77%), l’Allemagne (72%) et les Pays-Bas (71%), loin devant les pays latins que sont la France (61%), l’Espagne (55,8%) et l’Italie (53,4%). La moyenne de l’Union européenne étant de 65,5%, soit 4,5 points au-dessus de la France.
Inverser la tendance et faire de la France un bon élève sur le marché de l’emploi des seniors, voilà l’objectif du ministre du Travail. Pour l’atteindre, différentes solutions sont sur la table pour encourager les employeurs à changer leur point de vue sur les actifs âgés.
Dans une interview au Journal du dimanche, Olivier Dussopt, ministre du Travail, propose aux seniors de cumuler une partie de leur indemnité chômage avec leur salaire s’ils retrouvent un emploi moins bien rémunéré que le précédent. Dans le même esprit, le ministre envisage également la mise en place d’une retraite progressive permettant le cumul de la retraite et du salaire.
À ces dispositifs pourrait également s’ajouter une révision de la durée maximale d’indemnisation chômage qui passe de 24 à 36 mois à partir de 55 ans. Le gouvernement perçoit ces aides comme une incitation pour les employeurs à se séparer plus facilement de leurs collaborateurs les plus âgés. En supprimant ces aides spécifiques, le ministre entend responsabiliser les entreprises et induire un changement de perception des actifs de plus de 50 ans. Le but étant d’assister, progressivement, à la création d’emplois pour les seniors.
Pour aller plus loin, Olivier Dussopt planche également sur la création d’un « index professionnel de l’emploi des seniors », calqué sur celui pour l’égalité femmes-hommes, qui permet de faire progresser la parité en entreprise et réduire les inégalités. La création d’un index doté d’indicateurs similaires pourrait donc doper l’embauche des candidats d’âge mûr. Et pour booster le retour et le maintien à l’emploi des seniors, le ministre du Travail réfléchit également à des exonérations de cotisations sociales pour les entreprises.
Outre ces mesures économiques, Olivier Dussopt souhaite également travailler à l’amélioration des conditions de travail des salariés les plus âgés. Lutter contre les conséquences de l’usure professionnelle, et répondre à la question du maintien dans l’emploi des salariés exerçant les métiers les plus pénibles font également partie des défis à relever pour transformer la situation globale de l’emploi des seniors.
Les différents projets à l’étude pour favoriser l’emploi des seniors sont particulièrement cruciaux pour le gouvernement qui souhaite maintenir son cap du recul de l’âge de départ à la retraite à 65 ans d’ici 2031. L’enjeu, derrière cette révision de l’âge légal, est l’équilibrage financier du régime des retraites. Un sujet hautement sensible pour les syndicats qui s’y opposent, notamment pour ce qui concerne les métiers les plus pénibles.
Mais au-delà du recul de l’âge de départ à la retraite, les difficultés d’accès à l’emploi des seniors posent un réel problème économique et de société. Car le nombre de seniors souhaitant travailler reste conséquent, notamment chez ceux qui perçoivent une retraite modeste. Pourtant, force est de constater que le maintien et le retour à l’emploi sont un parcours semé d’embûches quand sonne le glas de la cinquantaine.
Le ministre en est convaincu, la France afficherait un taux d’emploi des seniors inférieur à celui de ses voisins en partie à cause d’une culture économique qui les exclue de facto du monde de l’entreprise. Pourtant, les employeurs les moins frileux à l’idée de recruter des candidats d’âge mûr savent bien quelles sont leurs qualités : réseaux professionnels plus développé, expérience plus importante, soft skills plus élaborés, les seniors connaissent également mieux le monde de l’entreprise et font montre de principes très recherchés comme la loyauté et la confiance. À l’instar des cols gris, leur connaissance du terrain et du management en font de précieux collaborateurs.
“Au-delà de leur expérience professionnelle et de leur niveau d’expertise, notamment sur des sujets techniques, les cadres seniors permettent aussi de fluidifier les relations sociales. C’est le cas grâce à l’accompagnement des plus jeunes (mentorat, coaching, etc.), ainsi qu’au recul dont ils peuvent faire preuve dans les situations difficiles. En cas de crise, des cadres seniors représentent la figure symbolique du capitaine expérimenté capable de naviguer dans la tempête. En dépit de l’intensification de la charge de travail, des changements de méthodes, ou de l’évolution des modes d’organisations, 82% des managers sont convaincus qu’avoir des cadres seniors dans leur équipe en temps de crise est plutôt rassurant.” explique Dalale Belhout, Directrice chez Face (Fondation Agir Contre l'Exclusion) dans un article DigitalRecruiters.
Le coût des seniors est le premier argument avancé par les employeurs pour justifier leurs réticences à embaucher des candidats âgés. Pourtant, il est possible d’intégrer, à moindres frais, un senior expérimenté et talentueux grâce au dispositif de la rémunération variable.
En proposant un package salarial intéressant, motivant et correspondant au profil du collaborateur, l’entreprise peut éviter des écarts de salaires fixes trop importants entre jeunes employés et collaborateurs seniors. Car s’il est indéniable que le salaire fixe d’un salarié plus âgé sera nécessairement supérieur à celui d’un jeune salarié fraîchement sorti d’école, il est possible de limiter ces différences en instaurant un système de primes adapté.
En rémunérant les performances des salariés grâce à la rémunération variable, l’entreprise évite des charges supplémentaires, offre un salaire attrayant aux collaborateurs d’âge mûr et dope ses performances globales. En fixant des objectifs de performance réalistes, l’entreprise peut ainsi bénéficier des atouts incomparables de ses collaborateurs sans alourdir considérablement ses propres charges.
La perspective du recul de l’âge de départ à la retraite, la demande d’une part non négligeable des seniors de retourner à l’emploi et les défis auxquels sont confrontés les entreprises rendent indispensable de favoriser l’emploi des personnes de 50 ans et plus.
Les mesures permettant de cumuler l’indemnité chômage ou retraite avec son salaire font partie des pistes à explorer pour faciliter le retour à l’emploi et améliorer la condition économique des actifs les plus âgés. Elles doivent être couplées à d’autres dispositifs facilitant la formation, la reconversion professionnelle ou la validation des acquis de l’expérience (VAE) sont également à considérer pour améliorer les conditions de travail des seniors. De plus, les entreprises qui pensent ne pas pouvoir se permettre de recruter un senior, et renoncent ainsi à de précieuses compétences, ont la possibilité d’instaurer un système de rémunération motivant et cohérent.