La grille de salaire est un document indiquant la rémunération de l’ensemble des collaborateurs de l’entreprise. De la pertinence des critères choisis pour l’élaborer dépendent son intérêt et sa pertinence. Mais la grille de salaire est-elle vraiment utile ? Réponse dans cet article.
La grille de salaire : les biais qu’il est préférable de contourner
« Plus que jamais, la machine à reproduire les élites s’est emballée dans notre pays à un rythme d’autant plus élevé que la dureté de la conjoncture exacerbe les excès d’individualisme [...] Par ailleurs, je suis aussi convaincu que face à un tel constat, les entreprises devraient diversifier les process de recrutement en les axant davantage sur la détection de potentiels et talents, mais aussi d’énergie positive en oubliant les classiques CV universitaires. » Daniel Karyotis, directeur général de la Banque Populaire Auvergne-Rhône-Alpes, Les Echos.
La grille de salaire, également nommée « grille de rémunération », est un outil permettant d’attribuer aux employés un salaire selon une liste d’éléments non aléatoire. Elle doit aider l’employeur à rémunérer équitablement ses collaborateurs. Mais force est de constater que bon nombre d’entreprises accordent une importance prédominante à deux critères : les diplômes et le poste occupé.
Savoir apprécier les diplômes à leur juste valeur
Généralement, le diplôme est, avec le poste occupé, le premier critère permettant d’établir la grille de salaire. Pourtant, certains employés, qui n’ont pas les diplômes attendus pour certains métiers, n’en possèdent pas moins les compétences nécessaires. Ces derniers sont cependant défavorisés au profit de leurs collègues diplômés. La prédominance du diplôme peut ainsi être un frein à l’équité recherchée à travers la grille de salaire.
En réalité, l’attachement porté au diplôme par les entrepreneurs correspond à un modèle très ancien et profondément français. Dans l’inconscient collectif, le diplôme évoque le titre de noblesse. Leurs détenteurs sont donc habituellement considérés comme plus estimables. Ce biais de sélection peut conduire à de véritables inégalités entre collaborateurs.
L’obtention d’un diplôme, même de haut niveau, n’est pas un gage de compétence. Les candidats, fraîchement sortis de l’école, ne se sont pas encore frottés à la nature du terrain et ne peuvent rivaliser avec leurs collègues plus expérimentés. Leurs connaissances sont encore théoriques. Une grille de salaire, quant à elle, doit juger les compétences pratiques et peut donc se permettre d’exclure les diplômes.
Mais si les compétences doivent primer, il ne s’agit pas pour autant de dénigrer les études supérieures. Un diplôme traduit deux choses : la qualité de l’enseignement reçu, et donc des connaissances accumulées, ainsi qu’une adaptabilité ultra rapide en entreprise. Car c’est bien là, en général, la force des employés ayant poursuivis de longues études : une capacité d’adaptation sans pareille, alliée à un esprit de synthèse leur permettant d’apprendre vite, de saisir les enjeux de leurs missions et d’avoir immédiatement une vue d’ensemble de leur travail.
Le poste, un critère qui n’en est pas un
Le deuxième écueil à éviter lors de la création de la grille de salaire est de comprendre le poste comme un critère en tant que tel. Car ce n’est pas la définition théorique du poste, ni le niveau hiérarchique auquel il correspond, qui fait sens dans le calcul du salaire de l’employé. C’est plutôt l’éventail des aptitudes et des efforts déployés par le collaborateur, pour faire de sa mission une réussite, qu’il faut évaluer.
Une grille de salaire est une fourchette indicative, correspondant à un référentiel de compétences, et non à un poste. En réalité, le poste ne devrait pas compter comme un critère d’évaluation. À poste équivalent, deux salariés n’ont pas forcément les mêmes compétences.
Comment construire une grille de salaire utile et pertinente ?
« Une grille de salaire n’est valable et n’est utile que si elle est réalisée au regard d’une grille de compétences. Il faut associer, à chaque fois, des postes et des compétences à chacun de ces postes. On y associe ensuite une grille d’ancienneté. » Fabien Lucron, Directeur du Développement Primeum et Expert en rémunération variable.
Une grille de salaire bien construite peut être un formidable vecteur d’équité. Elle doit avoir pour fondation un référentiel de compétences cohérent et une prise en compte rationnelle de l’ancienneté.
Les compétences, cœur battant de la grille de salaire
Pour créer une grille de salaire pertinente, il faut d’abord construire un référentiel de compétences global permettant de calculer le salaire de base. Ce travail préalable peut être particulièrement complexe. Il nécessite une réflexion profonde sur les métiers de l’entreprise et leurs objectifs. Mais son résultat permet d’aboutir à une grille de salaire équitable. Car en associant à ce référentiel de compétences le coefficient multiplicateur de l’expérience, on calcule de façon juste le salaire de chaque employé.
L’ancienneté, le coefficient multiplicateur
La grille de salaire ne peut fonctionner que si elle correspond à une réalité. Basée sur une abstraction, comme un diplôme ou un poste, elle n’est plus équitable. Outre les compétences acquises, elle doit également valoriser l’expérience et l’ancienneté. Puisque l’ancienneté et les compétences évoluent, elle permet alors de justifier le passage d’un salaire à un autre. Ainsi, la grille de salaire s’adresse à tous les collaborateurs et pas uniquement aux nouveaux entrants.
L’évolution des compétences : un investissement à prendre en compte
« [Selon Gary Becker] si un investissement est une opération réalisée par un agent économique consistant à acquérir des moyens de production, dans le cas particulier du capital humain, il s'agit pour l'investisseur d'accroître son potentiel productif, sa productivité future et donc son salaire. Le salaire est considéré comme le rendement du capital humain, la rémunération de l'investissement dans l'éducation. » Stéphanie Fraisse-D'Olimpio, Les fondements de la théorie du capital humain, ses.ens-lyon.fr.
Placer les compétences au cœur de la grille de salaire est d’autant plus important que celles-ci peuvent évoluer. L’entreprise peut décider d’accompagner le salarié dans l’acquisition de nouveaux savoir-faire.
Quand une entreprise offre une formation à l’un de ses collaborateurs, elle lui attribue une forme de rémunération. En revanche, ces nouveaux savoir-faire peuvent se traduire, à terme, par une évolution de salaire. D’abord, le salarié met en application les connaissances acquises lors de sa formation. Puis, quand elles sont pleinement maîtrisées et que l’entreprise peut en tirer des bénéfices, l’employeur peut alors en tenir compte dans l’évolution de la rémunération fixe de son salarié.
La formation est donc à comprendre comme un investissement de la part de l’entreprise et du salarié. Grâce à celle-ci, l’employé augmente et améliore ses qualifications. Il peut donc prétendre à un meilleur salaire au sein de son entreprise et sur le marché du travail. En contrepartie, l’entreprise augmente la production de sa valeur. Il s’agit également, pour l’employeur, d’une stratégie efficace en termes de rétention de salariés.
La grille de salaire est-elle utile pour toutes les entreprises ?
Habituellement, les grands groupes sont les principales entreprises à utiliser une grille de salaire. Pourtant, ce dispositif peut être adapté à toutes les structures, même les start-ups, à condition d’être bien conçu.
Tout réside dans la pertinence des critères choisis et de l’échelle de valeur. En dehors des compétences et de l’expérience, les objectifs à atteindre entrent parfois en ligne de compte dans la grille de salaire. Il convient néanmoins de s’interroger sur leur pertinence.
Par exemple, on peut discuter de l’intérêt d’augmenter le salaire d’un commercial en fonction du nombre de contrats qu’il parvient à signer. Il paraît plus judicieux de juger de la valeur de ces contrats, car c’est eux qui permettent d’estimer les compétences du collaborateur.
De même, les aptitudes d’un chef de projet s’estiment en fonction de la satisfaction client, qui est une donnée mesurable. Aussi, évaluer les compétences d’un responsable selon son temps passé au travail n’a pas de sens. Tout dépend des clients auxquels il consacre son temps et de l'intérêt qu’ils représentent pour l’entreprise.
Quel est l’intérêt d’une grille de salaire ?
Une grille de salaire mal faite engendre plus de problèmes qu’elle n’apporte de solutions. Il est fondamental de sélectionner avec soin les critères qui la composent pour en faire un outil d’équité en entreprise.
Une bonne grille de salaire apporte de la cohérence à l’entreprise. En ces temps de pénurie de talents, les entreprises se trouvent souvent contraintes de recruter à des niveaux de salaires supérieurs à la normale, voire même à ceux des collaborateurs expérimentés. Il en résulte que les nouveaux entrants peuvent être mieux rémunérés que leurs collègues présents depuis plus longtemps. Ces circonstances créent de l’incohérence et de l'inégalité entre salariés.
La grille de salaire permet de faire obstacle à ces situations de tension. Elle fait partie des instruments que l’employeur peut utiliser pour apporter de l’équité entre ses collaborateurs. Tout comme la rémunération variable, elle est un vecteur d’égalité salariale. À l’instar d’autres dispositifs, comme le BSI, elle est utile à la fois pour l’employeur et pour l’employé. Elle permet à l’entreprise de faire le bilan sur ses objectifs, favorise une rétribution plus juste et aide à limiter le turnover. De plus, elle contribue à motiver le salarié, qui a ainsi une meilleure vision de ses compétences et de son évolution possible.