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Mondial 2019 de football féminin : la question de l’équité des primes

Mondial 2019 de football féminin : la question de l’équité des primes
13 juin 2019

Salaires

La Coupe du monde féminine de football 2019 se déroule en France du 7 juin au 7 juillet avec à la clé un bonus de 4 millions de dollars pour l’équipe victorieuse, somme non négligeable, mais qui paraît dérisoire face aux 38 millions empochés par les champions du monde en Russie l’an passé.

L’univers du football, à l’instar du monde de l’entreprise, fait face à des problématiques d’égalité salariale entre les femmes et les hommes, qui se font de plus en plus sentir au sein des différentes Fédérations mondiales. Alors que les joueuses américaines, championnes du monde en titre ont porté plainte contre leur Fédération pour discrimination à l’occasion de la journée internationale des droits des femmes, le 8 mars dernier, les footballeuses norvégiennes ont elles, fait grève pour réclamer un salaire équivalent à celui de leurs homologues masculins.

Malgré des palmarès souvent impressionnants, les footballeuses professionnelles continuent à toucher des primes jusqu’à dix fois moins élevées que celles des hommes. Comment expliquer cette différence de salaire au regard des performances réalisées par certaines footballeuses professionnelles ? Pourquoi le principe « à travail égal, salaire égal » est-il si difficilement applicable dans le football ?

Des inégalités femmes-hommes multiples 

Un fixe de 3 500 euros mensuels en moyenne pour les joueuses françaises

Avec un salaire de 400 000 euros par an, la Norvégienne Ada Hegerberg, premier Ballon d’Or du football féminin, est la joueuse la mieux payée au monde. La footballeuse évoluant à l’Olympique Lyonnais est cependant très loin de la rémunération du joueur le mieux rémunéré tous championnats confondus, la star argentine Lionel Messi qui gagnerait plus de 8,3 millions d’euros mensuels pour son poste au FC Barcelone soit près de 200 fois plus.

La moyenne des salaires pratiquée en D1 féminine tournerait, quant à elle, autour des 3 500 euros mensuels, des salaires les plus élevés dans les clubs tels que Lyon ou encore le PSG, aux salaires les plus faibles proposés dans les clubs plus modestes. En comparaison avec leur homologue masculin, le plus petit salaire proposé en Ligue 1 est celui du club d'Amiens avec 15 000 € brut mensuel en moyenne.

Des inégalités de traitement

On ne retrouve pas seulement des différences dans les rémunérations des joueuses mais aussi dans leur traitement au sein de leur sélection nationale.

En 2015, la KFA, la Fédération coréenne de football avait créé la polémique en décidant de faire voyager l’équipe nationale féminine en classe économique, tandis que l’équipe masculine bénéficiait d’un voyage en classe affaires. La différence de traitement entre les deux équipes nationales avait alors été justifiée par le fait que les « joueurs apportaient beaucoup plus d’argent que les footballeuses à la Fédération coréenne ». Par ailleurs, faute de sponsors, le championnat féminin sud-coréen ne pouvait pas rémunérer les femmes, bien que semi-professionnelles, au même niveau que les hommes jouant dans l’équipe nationale. « Le marché n’est pas là parce que peu de gens veulent payer pour regarder le football féminin. Et cela tient en partie au sexisme, qui existe bel et bien sur la scène sportive en Corée du Sud », estimait alors un spécialiste du football coréen.

En France, les joueuses de l’équipe nationale, en pleine préparation de la Coupe du Monde 2019, ont été quant à elles priées de laisser leurs chambres de Clairefontaine aux joueurs de l’équipe masculine. Ce déménagement, à l’approche d’une grande échéance, et au profit des Bleus préparant un simple match amical contre la Bolivie a interpellé l’opinion publique sur le sujet de l’équité de traitement entre les hommes et les femmes dans le monde du football et a relancé l’épineux débat sur l’écart des salaires.

Des primes moins élevées pour une exigence de performance identique

À l’instar de Wendie Renard, championne de France pendant 13 années consécutives avec son club de l’Olympique Lyonnais et 6 fois vainqueur de la Ligue des Champions, certaines footballeuses n’ont rien à envier sur le plan sportif à leurs homologues masculins. 

Bien que la performance exigée est la même de la part des deux genres, les primes versées aux joueuses de l'équipe de France sont dix fois plus faibles que celles versées à l'équipe masculine. À l'occasion de la Coupe du monde 2019, les Bleues vont se partager 30% de la dotation FIFA attribuée à la Fédération française de football, soit le même pourcentage que les hommes lors du dernier Mondial en Russie. Malgré cette égalité en pourcentage, les chiffres en euros remettent au centre du débat la question d'égalité entre les deux sélections. On parle alors d'une dotation de 350 000 euros pour chaque joueur et membre de l'encadrement de l'équipe masculine, contre une prime d'environ 40 000 euros pour les Bleues.

 

Comment cette inégalité est-elle justifiée ?

Les footballeuses rapporteraient moins d’argent que les footballeurs

Le football féminin est moins regardé à la télévision et génère ainsi moins de droits de publicité que son homologue masculin. Et c'est en partie pour cette raison que la dotation financière de la FIFA ne représenterait "que" 45 millions d'euros pour le Mondial féminin par rapport aux 324 millions d'euros versés pour le Mondial en Russie en 2018.

Dans un article ouest-france.fr, Brigitte Henriques, vice-présidente de la Fédération française de football rappelait le lien de dépendance entre le niveau des salaires des footballeuses et l’écosystème global du football féminin, regroupant l’investissement des sponsors, mais aussi le montant des droits TV générés. « Très sincèrement, je préfère qu’on mène le combat de convaincre les partenaires de s’engager et faire le pari de l’économie du football féminin. De faire en sorte que le sport féminin rapporte de l’argent pour enclencher ce cercle vertueux. Après, il n’y aura plus le souci d’égalité salariale », avait-elle indiqué insistant sur l’importance des partenariats commerciaux et publicitaires dans la quête d’une meilleure rémunération des footballeuses professionnelles.

Un argument controversé

Néanmoins, il est important de rappeler que ce sont les fédérations qui décident du montant des primes fixées et ces dernières pourraient faire le choix de moduler de façon moins importante la rémunération des joueuses de football en fonction des revenus publicitaires qu’elles génèrent. La France s’inscrit dans une vision contributrice du football, la Fédération de football touchant une partie des droits, et donc un pourcentage des résultats perçus, elle s’accorde le droit d’offrir des primes plus faibles aux femmes professionnelles du ballon rond.

Footballeuse : un statut qui justifierait une partie des écarts salariaux

Certaines femmes, bien qu’évoluant à haut niveau, n’ont pas le statut de professionnelle, mais seulement de semi-professionnelle, voire d’amateur. C’est le cas notamment des joueuses italiennes dont l’indemnité maximale est plafonnée à 30 658 euros par an et dont les remboursements de frais sont limités à quelques milliers d’euros, n’ayant pas le statut de professionnelle. En 2017, dans un article AFP relayé par ouest-france.fr, Laura Giuliani alors gardienne de la Juventus et de la Nazionale, indiquait « dans l’avenir, le foot féminin aura autant d’importance que le masculin. On est encore amateures. Mais on va vers le semi-professionnalisme, puis à l’avenir vers le professionnalisme. Les salaires sont naturellement incomparables. Nous sommes amateures, il y a une limite qu’on ne peut pas dépasser ».

La logique contributrice : le parallèle avec le monde de l'entreprise

Le principe d’égalité salariale en entreprise 

En matière de rémunération, il existe un principe d’égalité de salaires qui oblige les employeurs à rémunérer de la même manière les salariés occupant un poste équivalent et présentant un profil similaire (niveau de diplômes, nombre d’années d’expérience professionnelle, missions similaires, etc.). La règle « à poste équivalent, rémunération équivalente » est donc garante de l’égalité des rémunérations entre les hommes et les femmes en entreprise même s'il arrive qu'elle ne soit pas respectée. Par exemple, dans le cas du recrutement de deux commerciaux grands comptes avec chacun la responsabilité d’un portefeuille, ces derniers devraient toucher le même montant de rémunération variable à l’atteinte de leurs objectifs. Si leurs profils présentent des différences, notamment en matière de niveau d’expérience ou de type de postes occupés, leur salaire fixe pourra être différent, mais, dans le cas contraire, leur rémunération devra être strictement identique.

Le cas des entreprises modulant les primes en fonction des marchés

Dans le sport, et plus particulièrement dans le football, les femmes et les hommes à performance égale ne sont pas rémunérés de la même manière. À l’instar du monde du ballon rond, il existe des entreprises qui modulent la prime cible proposée en fonction des marchés adressés. Par exemple, un commercial évoluant sur des marchés TPE et PME se verra souvent attribuer une prime cible moins conséquente dans la mesure où ces marchés sont moins générateurs de chiffre d’affaires que celui des grands comptes. En effet, le commercial grands comptes aura lui une prime cible plus importante, ce qui nous amène à poser la question de la logique de ce fonctionnement ? L’effort réalisé par le commercial TPE et PME est comparable à celui fourni par le commercial grands comptes, dans ce contexte, pourquoi leurs primes cibles sont-elles différentes ?

Les entreprises modulant la nature de la prime cible en fonction des marchés plutôt que de la nature du poste occupé s’inscrivent dans une logique contributive où la prime cible est fixée en fonction de ce que rapporte chaque commercial.

Cependant, cette logique de contribution a une limite : l'apport du collaborateur n'est pas dépendant du comportement ou des efforts déployés pour atteindre le bon niveau de performance. Généralement, ces sociétés fonctionnaient par le passé sur un système de commissionnement et n’ont pas modifié leur philosophie de rémunération. En revanche, il n’est pas rare que le salaire fixe d’un commercial grands comptes soit différent de celui d’un commercial TPE et PME, dans la mesure où ce dernier doit généralement présenter des capacités techniques particulières et un profil spécifique.

 

Vers une meilleure reconnaissance de la performance des joueuses : des signes encourageants

L’exemple scandinave : des footballeuses militant pour l'égalité salariale avec les hommes

En 2017, les joueuses de l’équipe nationale danoise n’ont pas hésité à faire grève pour dénoncer leurs faibles rémunérations. La même année, les Norvégiennes obtiennent la signature d’un accord symbolique instaurant l’égalité salariale entre les deux équipes nationales et un transfert d’une partie des montants de recettes de sponsoring récoltées par l’équipe masculine en leur faveur. Le 1er janvier 2018, l'Islande a été le premier pays à faire le choix de contraindre strictement les entreprises à payer les hommes et les femmes de manière égale. Pionniers en matière d’égalité salariale femmes-hommes, les pays scandinaves souhaitent ainsi inspirer d’autres fédérations internationales. En France, si une loi sur l’égalité salariale existe depuis 1972, elle est peu respectée dans les faits bien que le législateur l’ait récemment renforcée par la mise en place d’un Index d’égalité professionnelle plus contraignant pour les entreprises (obligation de résultats, sanction financière, etc.).

L'Afrique du Sud, vainqueure de la parité 

Récemment, l’Afrique du Sud a annoncé une quasi-parité financière entre les équipes féminine et masculine pour le Mondial 2019. L’équipe nationale féminine touchera ainsi des primes équivalentes à l’équipe masculine qui disputera la Coupe d’Afrique des Nations 2019. En cas de sacre mondial, la prime sera de 59 000 euros pour chaque joueuse. Interrogé sur les raisons de cette quasi-parité financière, Dominic Chimhavi, porte-parole de la Fédération sud-africaine de football, a répondu : « C’est la première fois qu’elles sont qualifiées pour une Coupe du monde, du coup ça a généré de l’argent de la part des sponsors ».

Le combat pour l’égalité salariale reste très vif dans l’univers du football professionnel, mais rappelons que la dotation globale de 30 millions d’euros pour ce Mondial féminin 2019 est deux fois plus élevée que celle du dernier Mondial de 2015. Enfin, la FIFA vient d'instaurer deux nouveaux prix pour le football féminin et s’apprête à honorer les joueuses au même titre que leurs homologues masculins. En plus du prix de la meilleure joueuse, qui existe depuis la création de la cérémonie, l'instance mondiale a annoncé la création du prix de la meilleure gardienne et celui de l'équipe type de la saison, signe que l’histoire du football féminin est en marche !

 

 

 

 

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Auteur de l'article

Hervé de Riberolles

Directeur Associé de Primeum - Expert en motivation des employés par la rémunération variable

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