Suite à la mise en place d’une nouvelle politique de rémunération variable, le groupe d’assurance Macif a dû faire face à une véritable remise en cause de son management par ses salariés, mécontents du changement.
La direction a fait le choix de mettre sous forme d’actualité sur l’intranet de l’entreprise une communication relative au déploiement du nouveau modèle social qu’elle s’apprête à mettre en place. Les salariés, désabusés et en colère, ont profité de la tribune qu’offrait l’intranet pour envoyer un véritable message de défiance à la direction. Ils n’ont ainsi pas hésité à faire part de leur mécontentement à leur hiérarchie en dénonçant le contenu de la nouvelle politique de rémunération variable, mais également les méthodes de communication adoptées par l’entreprise.
Au-delà du contenu du nouveau volet de rémunération variable, accusé de favoriser la compétition directe entre les salariés au détriment des augmentations générales récompensant la maîtrise des métiers, c’est le mode de communication choisi par la société qui est pointé du doigt par les salariés. La possibilité de laisser des commentaires en ligne les a incités à exprimer leur mécontentement directement et publiquement, signe certain d’un manque de communication entre direction et salariés.
Comment éviter d'avoir à gérer le mécontentement des collaborateurs suite à la mise en place d'un nouveau système de prime ?
Si la mise en place d’un nouveau système de rémunération implique par nature des changements importants pour les salariés, il est possible d’anticiper leur questionnement et d’apaiser les situations anxiogènes en adaptant sa communication.
Un système de prime génère par nature des inquiétudes et des questionnements
Tout système de prime génère par nature une certaine forme de mécontentement, même minime
Il n’est jamais aisé de dire à un collaborateur que pour aller chercher de la performance et gagner des primes, il va devoir fournir un certain nombre d’efforts. La mise en place de la rémunération variable implique, de fait, la possibilité pour les salariés de gagner des primes variables plus ou moins élevées, mais aussi de ne rien toucher.
Par conséquent, le système de prime va créer une certaine forme de mécontentement ou de déception chez certains collaborateurs.
Un système de prime dont personne n'entend parler doit évoluer
Si dans une société, les salariés n’entendent parler que très rarement du système de prime, il est possible que ce dernier soit inapproprié, voire inadapté. En effet, si aucun salarié ne se pose des questions sur le système de prime en place, nous pouvons imaginer que la majorité en est très satisfaite, ce qui peut être symptomatique d'un déséquilibre entre ce que l'on propose par rapport à l'exigence de performance que l'on attend des collaborateurs.
Quelles sont les étapes à suivre dans la mise en place d'un nouveau système de primes
La communication en amont du projet : première étape essentielle à la gestion d’une transformation
Il faut tout d'abord répondre à la question : pourquoi on change ? Le changement fait peur car l'employé aura de toute façon la peur d'y perdre.
Ce qui est généralement anxiogène pour les collaborateurs est de ne pas savoir pourquoi l’entreprise fait le choix de changer les choses en place. Bien souvent, le management ne prend pas assez de temps pour expliquer suffisamment les raisons du changement opéré. On explique la partie opérationnelle sans prendre le temps d’en justifier les applications techniques ni leur raison d’être. Les raisons qui amènent à changer de fonctionnement peuvent être multiples, le développement d’un portefeuille stratégique par exemple. L’idée étant de pouvoir donner un réel sens au message qui précède et accompagne cette transformation.
La deuxième étape du processus d’accompagnement d’une transformation organisationnelle est celle de la « levée des peurs »
La direction et le management responsables du pilotage de la transformation ne doivent pas attendre que les peurs individuelles remontent à la surface laissant cours à des rumeurs, plus ou moins fondées, qui impacteront la relation de confiance avec les salariés. Il est ainsi nécessaire d’anticiper autant que possible les questions susceptibles d’être posées par les salariés, particulièrement les plus critiques et délicates, et de préparer des réponses claires et factuelles.
- Les prix de vente vont-ils baisser ?
- Les objectifs fixés vont-ils être plus hauts ?
- Vais-je pouvoir garder mon portefeuille ?
- Vais-je être muté sur un autre poste ?
- Vais-je changer de zone ?
- Existe-t-il un risque que je gagne moins qu’avant la transformation ?
etc., font partie des craintes généralement formulées par les salariés inquiets face au changement.
Le message transmis par la direction doit se montrer rassurant. Si le salarié respecte les nouvelles conditions d’attribution de primes, il n’y a pas de raison pour qu’il ne gagne pas, au minimum autant qu’avant le projet de transformation, voire plus du fait des nouvelles dispositions mises en place. Ce message n’est pas évident à formuler, mais doit être compris par l’ensemble des salariés si l’entreprise souhaite réussir à rassurer ses effectifs sur leur avenir professionnel.
La direction doit arriver à contrecarrer en amont les inquiétudes naissantes chez ses salariés en n’hésitant pas à donner le plus d’informations pertinentes et utiles possible. Pour éliminer tous les éléments de la transformation qui pourraient être anxiogènes, il faut ainsi anticiper l’incertitude induite par le changement en cours. Dans la communication adoptée par la direction, il est nécessaire d’expliquer que le "business model" ne va pas changer du tout au tout laissant place à une nouvelle organisation totalement méconnue des salariés, mais que le projet de transformation va plutôt consister en des aménagements spécifiques introduisant de nouvelles dispositions, qui viendront modifier la structure de la rémunération variable sans « la refondre » entièrement.
La troisième et dernière bonne pratique est celle de la transparence
Dans le cadre de la mise en place d’un nouveau système de rémunération variable, il est essentiel de donner très vite de la visibilité aux collaborateurs. Ces derniers doivent pouvoir s’approprier rapidement les éléments nouveaux, ceux qui se transforment, et ce à l’aide d’outils facilement utilisables. Permettre aux salariés d’avoir une certaine visibilité sur les nouveaux dispositifs en leur offrant la possibilité de calculer par eux-mêmes le montant de leurs primes est un moyen efficace de les rassurer.
Dans certaines situations, certains commerciaux passent en moyenne entre 1,5 jour par mois à vérifier que le calcul de leur prime est correctement évalué et qu’aucune vente ou prime n’a été oubliée par les gestionnaires de paie ou de primes variables. L’entreprise doit être capable de fournir à ses salariés un moyen de vérifier les dispositifs mis en place et de calculer simplement leurs primes. C’est seulement à cette condition que les salariés feront davantage confiance au système de rémunération variable et se montreront moins suspicieux, à la recherche de la moindre erreur ou incohérence dans le calcul. Le manque de transparence et par extension d’accessibilité aux modalités de calcul de primes va inciter les salariés à aller chercher toutes les informations possibles par d’autres biais générant un stress inutile, mais aussi donnant naissance à des rumeurs de toutes sortes.
Si le salarié est obligé d’aller chercher une partie de l’information seul, auprès d’autres collègues par exemple, c’est que le système de communication mis en place ne fonctionne pas. Dans certaines situations, il est préférable d’admettre qu’il peut exister des marges d’erreur inhérentes au dispositif que de laisser les salariés les découvrir seuls.
L’exemple du changement de taux de transformation dans le retail
Les entreprises, notamment dans le retail, utilisent des radars qui comptent le nombre de personnes entrant dans un point de vente à l’aide de la technologie infrarouge. Par le passé, les anciens radars de comptage ne faisaient aucune distinction entre les différentes entrées et sorties en magasin, et comptaient également les enfants ou encore le personnel sortant faire une pause. Ces entrées et sorties qui ne relèvent pas directement de la cible de comptage sont en pratique négligeables au regard de la totalité des passages clients, lesquels se comptent en centaines par jour. En effet, le salarié sortant en pause ne fera pas des dizaines d’allers-retours.
Qu’est-ce que va impliquer un changement du taux de transformation ? Quid d’une entreprise partant d’un taux de 16%, connu à la base, et souhaitant atteindre 19% ? Tant que l’on ne modifie pas les dispositifs de comptage, tous les biais existants par le passé sont encore présents. L’agent de sécurité prenant sa pause, la prendra encore après le changement du taux de transformation. Les entreprises sont facilement perturbées par le changement et estiment que l’indicateur de comptage, et par extension de calcul n’est pas fiable à 100%, et parfois renoncent à le primer.
Dans une autre mesure, si le radar de comptage tombe en panne, l’entreprise peut se retrouver plusieurs jours sans compteur, même si cette panne intervient pendant le week-end ou en pleine période de soldes, il est possible de prévoir une règle pour continuer à recenser les passages. Dans cette situation, c’est la moyenne de l’an passé qui sera appliquée, de la sorte, malgré les problèmes de panne de comptage, le dispositif restera très équitable.
À quel niveau doit-on inclure le collaborateur dans le projet de transformation ?
L’avis des managers : un levier pertinent pour analyser l’efficacité du dispositif en place
Il peut être intéressant de demander leurs avis aux collaborateurs, de chercher des idées de terrain auprès notamment des managers de bon niveau. Le directeur commercial a une vision haute des sujets et lui demander son avis sur les dispositifs actuels en amont de la mise en place d’un nouveau système de prime peut être pertinent.
- Quelles sont les remontées terrain ?
- Comment analyser le mécontentement des collaborateurs ?
- Y a-t-il la possibilité de s’adapter ?
- Comment se servir de ces retours concrets ?
Par ailleurs, interroger les managers sur la manière dont ils se servent du système actuel pour animer leurs équipes peut être efficace. L’étude qualitative des dispositifs en place peut ainsi amener la société à repenser le changement à venir.
Les questions ne doivent pas aborder le futur système de rémunération variable, mais jauger le niveau de compréhension de celui en place
L’idée n’est pas de demander l’avis des salariés sur quels dispositifs mettre en place, mais bien de recueillir leur avis par rapport à celui déjà en place. Le but de ce questionnement est de les interroger sur le niveau de compréhension et d’adhésion au système actuel, mais en aucun cas de les amener à se projeter sur un nouveau système de prime. En effet, les amener à se projeter sur un nouveau système peut être relativement déceptif, notamment si leurs remarques ou idées ne sont finalement pas prises en compte dans l’élaboration du nouveau dispositif.
L’entreprise doit être en mesure d’analyser si les collaborateurs ont compris le système actuel et d’identifier ce qui fonctionne bien de ce qui nécessite certaines améliorations. On ne peut donc pas demander aux salariés ce qu’ils souhaitent, car il est probable que certaines de leurs revendications ne soient pas prises en compte dans la refonte des systèmes de primes, les salariés pourront ainsi être déçus, voire vexés de ne pas avoir été écoutés par leur management.
Pour réussir à embarquer les salariés dans un projet de transformation de la rémunération variable, il faut privilégier la communication et l’échange afin de les faire adhérer plus facilement au nouveau dispositif de rémunération variable.