Le blog de la rémunération variable

Peut-on se fier aux outils de simulation de salaire en ligne ?

Rédigé par Hervé de Riberolles | 27 janv. 2022

Aujourd’hui, de nombreux sites emploi proposent en ligne des outils de simulation de salaire aux candidats souhaitant connaître leur « valeur » avant un entretien d’embauche. Pour autant, ces outils sont-ils fiables ? Quels sont leurs avantages et leurs limites ? On fait le point dans cet article !

Les avantages des outils de simulation de salaire en ligne

« Alors que le salaire ne doit pas forcément être un sujet sensible, il constitue pourtant l’un des aspects les plus importants d'une carrière professionnelle. En réalité, le salaire représente la première motivation des professionnels en ce qui concerne leur carrière, et l’un des premiers aspects qui intéressent les candidats à un poste, mais il est souvent difficile à estimer. » – Article Studyrama, 2018

Une offre multiple : APEC, Glassdoor, Linkedin, Indeed... Quelles sont les particularités de ces outils ? 

Dans un article du Parisien, on apprend que Martin (dont le prénom a été modifié), a postulé à une offre d’emploi de responsable commercial au sein d’une entreprise de la grande distribution.

Afin de mieux s’armer pour la négociation en entretien, Martin a effectué quelques recherches sur Internet (via les sites de l’Apec, Glassdoor ou encore Indeed) afin de connaître les salaires proposés pour ce poste. « Un excellent réflexe qui lui a permis d’assumer ses prétentions salariales lors de l’entretien d’embauche », résume Le Parisien. Qu'en est-il réellement ? 

 1- L'APEC 

Le simulateur en ligne de l’APEC propose plusieurs critères permettant de déterminer au mieux le montant de la fourchette de salaire haute, basse et le salaire moyen auquel un salarié peut prétendre.


Parmi les critères à renseigner, on y trouve la fonction exercée, la localisation, le budget à gérer, le niveau de responsabilité dans la hiérarchie, le secteur d’activité, l’effectif de l’entreprise, l’expérience du salarié et son niveau de diplôme. On nous propose même d’indiquer si la rémunération contient ou non une part variable.

Outil de simulation en ligne proposé par l'Apec.fr 

Ainsi, après avoir renseigné les critères ci-dessus, les résultats montrent que le salarié pourrait prétendre à une rémunération moyenne de plus de 51 000 euros par an. La fourchette haute atteint 57 000 euros/an. L’APEC nous indique aussi que 50% des rémunérations observées sont comprises entre 42,9K et 57K euros par an. Cela peut fournir un indicateur au salarié qui souhaite avoir une idée de la fourchette de salaire qui le concerne.

Les outils de simulation de salaire de l’APEC sont considérés comme étant plutôt très sérieux. 

Notons que L’APEC, à la différence des autres jobboardds, ne permet pas la diffusion d'une annonce si aucun critère de rémunération n'est renseigné. S’il faut obligatoirement indiquer un salaire d’embauche dans chaque annonce, les entreprises ont toutefois le choix de l’afficher ou non au candidat. 

Bon à savoir : l’Apec et l’Etat ont signé plusieurs mandats de service public, dont le plus récent couvrira 2022-2026 et consolidera l’action de l’Apec en complémentarité avec le service public de l’emploi (Pôle Emploi). Les chiffres recueillis par l'Apec ont ainsi une certaine légitimité et sont utilisés par les organismes officiels. 

2- Linkedin Salary 


LinkedIn Salary est un outil de simulation de salaire encore peu connu en France, et notamment par les utilisateurs du célèbre réseau professionnel qui le développe. Pourtant, il présente certains avantages. Comme le rappelle le blog de Mathieu La Ferriere, spécialiste de LinkedIn, cet outil permet de visualiser globalement un type d’emploi et de voir quels sont les endroits dans le monde où les salaires sont les plus attractifs. LinkedIn Salary permet aussi de comprendre quels sont les critères requis en termes d’éducation, d’identifier les industries payant le mieux, d’obtenir un aperçu du potentiel salarial par rapport à l’expérience mais aussi de « saisir l’impact de la taille de l’entreprise sur le salaire ». 

LinkedIn Salary nous propose d’indiquer le titre et la localité d’emploi. Ici, nous avons pris comme exemple « Cadre marketing » et « Paris et périphérie ». Le résultat donné par LinkedIn Salary dépend du nombre de salaires indiqués par des membres de LinkedIn ayant le titre de « Cadre marketing » (Paris et périphérie). Ici, nous avons seulement 72 réponses. Le salaire moyen pour cette fonction à Paris serait donc de 38 000 euros. 

Autre exemple : en se basant cette fois sur 1 352 réponses de membres LinkedIn ingénieurs d’études exerçant dans toute la France, le salaire de base médian serait de 34 800 euros par an. 

Outil de simulation en ligne proposé par LinkedIn Salary

3- Glassdoor 

Avec Glassdoor, les candidats peuvent consulter l’avis des autres salariés sur une entreprise. Il peut s’agir d’avis relatifs à l’ambiance d’une société, mais aussi d’informations précieuses liées à la bienveillance du management et à la cohérence du parcours RH

Par ailleurs, là encore, un outil de simulation en ligne nous est proposé, avec un « indice de confiance » élevé ou non. Dans cet exemple ci-dessous, Glassdoor nous indique que le salaire moyen d’un Responsable Marketing est de 49 748 euros par an en région parisienne (avec une rémunération supplémentaire moyenne d'environ 4 574 euros). Ces estimations sont basées sur 433 salaires communiqués de façon anonyme sur Glassdoor par des employés occupant ce poste et dans cette région.

 

Outil de simulation en ligne proposé par Glassdoor

4- Indeed

Indeed propose un outil de simulation de salaire dont les résultats sont plus incertains et manquent de clarté. Ici par exemple, lorsque l’on saisit la fonction « Chef de projet digital » à « Marseille », nous avons plusieurs résultats qui ne correspondent pas précisément à notre demande. 

Il s’agit avant tout d’un site de recrutement et les statistiques sont établies à partir des annonces que les entreprises communiquent sur Indeed. 

Outil de simulation en ligne proposé par Indeed

De plus, le salaire n’est pas forcément associé à la bonne annonce.
Par ailleurs, dans la majorité des cas, la plupart des employeurs ne communiquent pas le salaire proposé. Indeed se base donc sur des annonces dans lesquelles l’employeur indique un salaire qui ne représente pas la totalité du marché de l’emploi. Et généralement, on indique la « fourchette » la plus haute pout attirer des candidats, notamment pour les entreprises qui n'auraient pas d'autres avantages à valoriser. 

Cet exemple avec Indeed nous amène alors à questionner les limites des différents outils de simulation de salaire en ligne. 

 

Les limites des simulateurs de salaire en ligne

Les différents sites proposant la simulation de salaire en ligne sont des « instruments qui permettent de sentir le marché, mais qui ne peuvent pas être l’unique boussole » – Article Le Parisien, 2021 

Des indicateurs utiles mais peu fiables ?

Avec Glassdoor par exemple, les résultats fournis dépendent des déclarations effectuées, ce qui peut mener à des erreurs importantes. Certains candidats peuvent voir s’afficher des salaires supérieurs à 100 000 euros, pourtant très éloignés de la réalité au quotidien. Les déclarations n’étant soumises à aucun contrôle, les candidats arrivant en entretien peuvent être frappés de désillusions lorsqu’ils prennent connaissance du salaire réellement proposé.

Avec LinkedIn Salary, il faut aussi relativiser les résultats fournis, d’autant plus lorsque le nombre de répondants est insuffisant. Dans l’exemple susmentionné (avec 72 répondants), les résultats doivent être interprétés avec davantage de précaution. 

Lorsque l’on est membre Premium, on peut utiliser LinkedIn Search. Ici, deux champs doivent être renseignés, indiquant tout d’abord à combien s’élève notre rémunération actuelle et ensuite, quel niveau de salaire nous souhaiterions obtenir. Il s’agit donc, encore une fois, d’éléments purement déclaratifs. 

Par ailleurs, très peu de personnes accepteraient de communiquer le montant de leur salaire sur LinkedIn, notamment parce que ces chiffres sont analysés par ce réseau social professionnel : les données renseignées deviennent alors semi-publiques. 

Illustration Freepik

 

Certains postes impliquent l’obligation d’indiquer un salaire pour éviter les mauvaises surprises. En effet, il est surprenant de lire qu’un Directeur Général se voit proposer un salaire de (seulement) 60 000 euros par an, sauf si l'on précise que le poste est basé en province. Dans la plupart des cas, on indique un package de rémunération attractif sans pour autant en décrire la nature. Les statistiques sont donc soumises à maintes interprétations !

Par ailleurs, bien que l’APEC soit considérée comme un organisme plus fiable que d’autres (notamment parce que les employeurs sont obligés d’indiquer un salaire pour diffuser leurs annonces), il faut toutefois rappeler que les fourchettes de salaire proposées peuvent être assez larges. Un contrôleur de gestion, par exemple, peut prétendre à un salaire compris entre 45 000 et 100 000 euros par an : la fourchette salariale, bien que permettant de se faire une idée, reste donc particulièrement grande.

Comment obtenir des résultats fiables ?

Les simulateurs de salaires peuvent aider les candidats à se faire une idée de la valeur de leur travail mais ne sont pas fiables. Afin d’obtenir des résultats de confiance, il est nécessaire de préciser un maximum de critères, en renseignant un profil de poste très précis. Il faudra notamment établir une différenciation salariale selon le niveau d’ancienneté ou encore la taille de l’entreprise. En effet, un chef de projet en marketing digital ne sera pas rémunéré de la même façon s’il possède deux ans d’ancienneté que s’il en possède huit. On observe également cette tendance en ce qui concerne les salaires fixes : ceux-ci seront plus élevés dans une grande entreprise qu’au sein d’une petite entreprise car l’enveloppe budgétaire est sensiblement différente.

De manière très simple, un chef de projet en marketing digital ne sera donc pas aussi bien payé dans une petite entreprise que dans une grande boîte. Une moyenne de tous ces salaires – lesquels sont variables en fonction des critères énumérés – sera donc établie mais pas réellement fiable.

En définitive, seuls les professionnels du benchmark (stratégie marketing) pourraient effectuer des analyses très poussées grâce aux « quartiles », une méthode de statistiques pertinente en la matière. 

« Si on ordonne une distribution de salaires, de revenus, de chiffre d’affaires…, les quartiles sont les valeurs qui partagent cette distribution en quatre partie égales […] Le premier quartile est, de manière équivalente, le salaire au-dessus duquel se situent 75% des salaires ; le deuxième quartile est le salaire au-dessus duquel se situent 50% des salaires, et le troisième quartile le salaire au-dessus duquel se situent 25% des salaires ». (Insee, 2016)

Si l'on se contente d’établir une moyenne de salaire sans passer par la méthode des quartiles, il sera difficile pour un candidat de positionner précisément sa valeur à partir d’une fourchette salariale trop large et de savoir, in fine, s'il est bien payé ou non !