D’après une étude publiée par l'Insee, l’institut national de la statistique et des études économiques, le 10 octobre dernier, la naissance d’un enfant modifierait fortement la trajectoire professionnelle des mères. Cinq ans après l’arrivée d’un enfant, le revenu salarial des femmes diminuerait ainsi de 25%.
La naissance d'un enfant change la vie d’un foyer et impacte aussi le salaire... et surtout celui des femmes. Ces baisses salariales, qui atteignent les 40% pour les femmes touchant les plus bas salaires, ne se retrouvent pas dans la trajectoire professionnelle des hommes, relativement moins impactée, voire même favorisée par l’arrivée d’un enfant, notamment pour les pères les mieux rémunérés.
Les salaires des femmes et des hommes sont-ils impactés de la même manière par l’arrivée d’un enfant ? Pourquoi la naissance d'un enfant impacte-t-elle négativement la trajectoire professionnelle et salariale des femmes ? Éléments de réponse dans cet article.
Devenir mère engendre une perte de revenus de 25% en moyenne : les femmes les moins bien rémunérées en première ligne
« Les ménages semblent s'ajuster aux incitations financières (crédits d’impôt, prestations familiales...), les mères aux salaires les plus faibles étant les plus incitées à réduire leur activité » - extrait étude Insee « Entreprises, enfants : quels rôles dans les inégalités salariales entre femmes et hommes ? » publiée le 10 octobre 2019.
Pour réaliser son enquête, dont les résultats sont sans appel, l’Insee a étudié et comparé la trajectoire professionnelle de salariés travaillant dans le secteur privé en France métropolitaine entre 2005 et 2015
Cette enquête réalisée sur une période de dix ans a permis d’identifier et de quantifier les réelles répercussions d’une naissance sur le salaire, et notamment sur celui des femmes, premières lésées. En effet, l’Insee est parvenu à démontrer que les femmes ayant eu un enfant gagnent moins que celles au profil identique, et qui potentiellement auraient connu la même évolution salariale, mais qui elles n’ont pas eu d’enfant. Les mères subissent des pertes de revenus de l'ordre de 25% en moyenne, cinq ans après la naissance, par rapport à une situation où elles n'auraient pas eu d'enfant.
Pour l'Insee, l'explication réside dans le fait qu'après l'arrivée d'un enfant, ce sont plus souvent les femmes qui adaptent leur emploi du temps
Comment expliquer cette différence de revenus ? Plusieurs facteurs peuvent expliquer cette situation, parmi ceux mis en avant par l’étude on retrouve l’arrêt définitif du travail par certaines femmes, des interruptions temporaires liées à la grossesse (pendant et après) ou encore des passages à temps partiel, lesquels rappelons-le, peuvent résulter d’un choix de la mère, mais peuvent également être subis en raison d’un problème de garde d’enfant. Les mères payées au SMIC ont ainsi plus de difficultés à assumer le coût de la garde d'enfant et sont davantage contraintes d'interrompre leur activité que celles qui ont des revenus plus élevés. Les écarts peuvent également être le fruit « d’une répartition des tâches inégalitaire après l'arrivée d'un enfant », mais aussi d'un calcul mettant en regard le coût de la garde des enfants face au montant des revenus salariaux.
Une baisse de salaire qui s’accentue à chaque nouvelle naissance
« Des pertes du même ordre de grandeur, voire plus importantes, s'observent également à l'occasion d'un deuxième ou d'un troisième enfant », souligne l’étude. Ainsi, l’effet négatif des naissances sur le salaire horaire serait de l’ordre de 5% par enfant. Une diminution qui persiste pendant les cinq années suivant la naissance, et qui s’accentue à la naissance d’un deuxième ou troisième enfant. À leur arrivée, les mères de famille constatent une réduction de respectivement 50% et 57% de leurs gains. Selon les auteurs de l’étude, les ménages se retrouvent face à un choix, réduire l’activité professionnelle de la mère en bénéficiant de différentes incitations financières ou assumer pleinement le coût de la garde d’un jeune enfant. Les familles sont ainsi amenées à faire des arbitrages en évaluant les coûts inhérents aux frais de garde des enfants au regard du budget global du foyer.
Les trajectoires salariales des femmes varient en fonction de leur niveau de salaire initial
« Ce chiffre de -25% à cinq ans est conséquent et intéressant, parce qu'il n'était peut-être pas encore présent dans les esprits » - Lionel Wilner, co-auteur de l'étude précitée et chef de la division « Redistribution et politiques sociales » de l’Insee.
Bien que la baisse de revenus liée à la naissance d’un enfant impacte toutes les femmes, on observe des disparités en fonction du niveau de leur salaire horaire
Les femmes avec les salaires horaires les plus hauts pâtissent d’une diminution de l’ordre de 5% de leur revenu, quand les femmes aux salaires horaires les plus faibles font, quant à elles, face à une perte de plus de 40%. Comment expliquer cette disparité ? D’après l’étude, elle serait une conséquence directe du principe de « coût d’opportunité ». Ce coût, représentant les revenus auxquels une décision impose de renoncer, inciterait davantage les femmes aux plus bas salaires à mettre leur carrière en suspens. La propension à arrêter ou à suspendre sa carrière est ainsi plus forte chez les femmes les moins bien payées du secteur privé. « La probabilité qu'une mère située en bas de la distribution continue son activité deux ans après l'arrivée d'un premier enfant est inférieure de 17% à celle qui prévaudrait en l'absence de l'enfant », explique l’étude de l'Insee. En revanche, pour les salaires les plus hauts, le poids de ces baisses de revenu « diminue de manière continue au fur et à mesure que l'on s'élève dans la hiérarchie des salaires horaires ».
Les femmes les mieux rémunérées sont donc moins incitées à réduire leur activité. Une réduction de leur temps de travail impliquant une perte de revenus relativement conséquente et automatiquement plus importante que celle observée chez les femmes aux salaires plus faibles.
L’arrivée d’un enfant a un impact positif sur le salaire et la carrière des hommes les mieux rémunérés
« La naissance d'un enfant coïncide avec une baisse de salaire chez les mères, mais pas chez les pères » - extrait étude Insee « Entreprises, enfants : quels rôles dans les inégalités salariales entre femmes et hommes ? » publiée le 10 octobre 2019.
Les salaires des hommes varient uniquement à la hausse
Les femmes aux revenus les plus élevés sont moins impactées que celles aux salaires plus faibles, mais ne sont pas pour autant épargnées par l’arrivée d’un enfant. En comparant l’évolution professionnelle des mères et des pères, l’étude a mis en évidence que dans aucun scénario les hommes ne souffraient d’une diminution de leurs revenus. Au contraire, selon l’institut « les pères situés en haut de la fourchette de distribution des salaires, et appartenant aux 5% des salariés les mieux payés, creusent l'écart vis-à-vis de leurs homologues féminines ». La différence de revenus observée entre pères et mères peut atteindre les 17% et contribuerait directement, selon l’étude, à amplifier les écarts de trajectoires salariales entre femmes et hommes au sommet de la distribution des salaires. Pour la grande majorité des pères, soit plus de 95% d'entre eux, le niveau de revenu reste quasiment inchangé qu'ils aient ou non un enfant.
La rémunération variable peut contribuer à plus d’égalité salariale entre les femmes et les hommes
La neutralité naturelle de la rémunération variable : une piste intéressante dans la recherche de plus d’égalité salariale !
La responsabilité directe de l’employeur sur les écarts de salaires induits par l’arrivée d’un enfant est limitée. Selon l’institut de statistiques, les chiffres déterminés par l’enquête traduisent « davantage une décision des ménages plutôt qu’une discrimination de l’employeur ».
Cependant, l’employeur a la possibilité d’agir en faveur d’une meilleure considération de ce phénomène notamment par sa politique de rémunération variable. La rémunération variable peut être un levier intéressant dans la lutte contre les inégalités de salaires entre femmes et hommes. Par nature, la rémunération variable n’est pas « genrée », elle est appliquée de la même manière aux femmes et aux hommes occupant les mêmes fonctions. Ces derniers sont ainsi soumis aux mêmes contraintes en matière d’objectifs à réaliser, sans aucune distinction en fonction de leur genre. Chaque salarié a ainsi la possibilité d’atteindre ou de dépasser ses objectifs en s’investissant suffisamment et efficacement dans sa recherche de performance personnelle. La rémunération variable ne faisant aucune différence entre les salariés femmes ou hommes représente un levier intéressant pour une entreprise souhaitant récompenser le travail des salariés les plus méritants. Ainsi, une femme se montrant très performante dans l’atteinte de ses objectifs individuels gagnera automatiquement plus que ses homologues masculins, moins performants.
Afin de lutter contre les écarts de salaires entre les deux genres, le gouvernement a mis en place un Index d’égalité salariale capable de mesurer et d’évaluer des critères précis tels que les écarts de rémunération ou encore le taux d’augmentation et promotion des femmes à leur retour de congé maternité.
Alors que le principe « à travail égal, salaire égal » est gravé dans la loi française depuis plus de 46 ans, en France, en 2019, les femmes restent encore moins bien payées que les hommes, souffrant en moyenne d’un écart de salaire de 25% avec leurs homologues masculins.