"Le point d'indice n'augmentera pas. L'augmenter de 1%, ça coûte 2 milliards d'euros aux finances publiques. Au lieu de ça, pour une enveloppe plus réduite mais extrêmement ciblée, je vais être capable d'augmenter de 40 à 100 euros par mois le pouvoir d'achat pour les agents de l'État le plus près du Smic" Amélie De Montchalin, Ministre de la Transformation et de la fonction publique
Mardi 6 juillet 2021, Amélie de Montchalin, Ministre de la Transformation et de la fonction publique a annoncé une augmentation de salaire pour environ 20% des fonctionnaires, un premier pas en direction des demandes de négociations salariales des organisations syndicales. À la différence de l’augmentation du point d’indice qui se fait généralement dans le secteur public, cette augmentation ciblée semble montrer une volonté d’adopter une stratégie salariale de plus en plus calquée sur le privé.
« Je propose une enveloppe plus petite et plus ciblée pour proposer 40 à 100 euros de plus par mois selon l’ancienneté pour la catégorie C, la plus basse » Amélie De Montchalin, Ministre de la Transformation et de la fonction publique
1.2 millions de fonctionnaires, tous issus de la catégorie C, sont concernés par cette augmentation soit 21.3% des fonctionnaires des trois fonctions publiques (d’État, territoriale et hospitalière).
Surveillants de l’administration pénitentiaire, agents des finances publiques, aides-soignantes, ouvriers paysagistes ou encore éboueurs, les fonctionnaires de catégorie C perçoivent les plus bas salaires en raison notamment de leur faible niveau de diplôme. L’annonce du gouvernement leur promet donc une augmentation mensuelle de 40 à 100 euros basée sur l’ancienneté.
Pour l’instant, le ministère n’a pas encore annoncé de date de prise d’effet de l’augmentation.
Le gouvernement manifeste une volonté d’augmenter le pouvoir d’achat des fonctionnaires qui en ont le plus besoin. Avec une augmentation de 1% du point d’indice adressée à tous les fonctionnaires, un budget de 2 milliards d’euros environ aurait favorisé l’augmentation des gros salaires tandis que les fonctionnaires de catégorie C aurait vu leur salaire n’augmenter que de 10 à 14 euros mensuellement.
En ciblant l’augmentation exclusivement sur les salaires les plus proches du SMIC, le gouvernement met au point une stratégie salariale plus en cohérence avec la réalité du contexte économique et cherche à soutenir en priorité les postes les plus précaires, pour une enveloppe budgétaire plus faible.
Dernièrement, la ministre a présenté une série de mesures destinées à renforcer la cohérence de la politique salariale du gouvernement : augmenter les salaires des contractuels, mettre en place un baromètre de l’égalité, réduire les inégalités salariales hommes-femmes, réduire les inégalités entre Paris et la province, prendre en charge 50% de la mutuelle santé... le gouvernement a choisi de cibler les actions pour rendre sa politique salariale plus efficace.
« Et je me suis engagée à ce que nous ouvrions aujourd’hui, pour six mois, jusqu’en février 2022, un travail sur les perspectives de salaires, sur les perspectives de carrière, sur les perspectives de rémunération car nous devons à ces hommes et ces femmes très engagés [...] des perspectives d’avenir, de valorisation et de reconnaissance » Amélie De Montchalin, Ministre de la Transformation et de la fonction publique
Le gouvernement de Nicolas Sarkozy avait manifesté une première volonté d’aller vers plus de rémunération différenciée, le gouvernement d’Emmanuel Macron prend la suite de cette volonté et semble se calquer de plus en plus sur les méthodes du secteur privé pour engager aussi bien la performance individuelle que collective.
En octobre 2018, Édouard Philippe avait déjà confirmé la volonté de l’État d’augmenter la part de rémunération variable des fonctionnaires. C’est notamment au sein de l’administration fiscale que l’on avait pu constater la mise en place d’un système de primes pour améliorer la qualité de la performance.
L’augmentation ciblée des fonctionnaires de catégorie C revient à faire un pas de plus vers une politique de rémunération ciblée. En effet, en appliquant une augmentation basée sur l’ancienneté, l’État reconnaît ainsi qu’à un poste équivalent et à un grade équivalent, on peut développer des compétences plus ou moins maîtrisées en fonction de l’expérience.
En avril 2021, c’est l’augmentation des cadres de l’État qui avait été annoncée par le gouvernement avec pour objectif d’attirer les meilleurs talents vers le service public. Le service public est donc confronté aux mêmes difficultés de recrutement que le service privé et le système d’augmentation du point d’indice ne permet pas d’offrir la flexibilité nécessaire pour conserver ces talents.
Bien que les syndicats s’opposent à l’individualisation de la rémunération, c’est en se dirigeant vers plus d’individualisation que l’on peut atteindre plus de performance. En gelant le point d’indice et en décidant d’allouer des enveloppes d’augmentation ciblées, l’État adopte la stratégie du secteur privé qui revient à limiter l’impact de la négociation annuelle obligatoire pour attribuer plus de fonds à l’enveloppe de rémunération variable.
Quand on met en place un système de rémunération variable, l’objectif est de récompenser la performance pour en améliorer la qualité. Le système classique d’augmentation du service public revient à augmenter tout le monde de la même façon, même si la performance fait défaut, ce qui n’encourage pas les fonctionnaires à améliorer la qualité du service rendu.
Pourtant, quand on considère que c’est le contribuable qui finance les salaires des fonctionnaires, il semble logique de s’assurer qu’en retour, le service public offre un service de qualité à son financeur.
Même si la volonté d’accorder plus de rémunération variable se heurte au barrage des syndicats, il convient de reconnaître que c’est en motivant la performance que l’on améliore la qualité de service.
En ciblant les augmentations, le gouvernement cherche non seulement à encourager l’effort individuel mais également à mieux maîtriser ses coûts. Par exemple, en améliorant le salaire des contractuels qui représentent environ 20% des effectifs, l’État manifeste probablement l’intention de rendre les postes contractuels plus attractifs pour économiser sur les retraites.
En effet, le secteur privé a des taux de cotisation plus élevés que ceux du secteur public, et avec un taux de remplacement de 50% dans les régimes de base du secteur privé contre 75% dans la fonction publique, la retraite des contractuels coûte moins cher !
On peut donc voir dans le développement de la rémunération variable et l’annonce des augmentations successives dans le secteur public une recherche de compromis pour attirer les talents sur certaines fonctions, valoriser la performance individuelle et mieux maîtriser les coûts.