Faut-il être présent à l’effectif pour obtenir le versement de sa rémunération variable ? Est-il obligatoire d’inscrire une condition de présence au paiement des primes dans le contrat de travail ? Et quel est le bon comportement à adopter en tant qu’employeur, au regard de la loi, concernant les éléments de rémunération variable ? C’est à toutes ces questions que se posent de nombreux employeurs et salariés que répond cet article.
Subordonner une condition de présence à l’obtention d’une prime est légal si cette condition est instaurée dès l’ouverture du droit à cet élément de rémunération. Par ailleurs, l’employeur doit veiller à ne pas exiger la présence du salarié en dehors de la période de performance effective. Enfin, le salarié peut exiger le versement de sa prime si son absence est directement causée par son employeur.
Pour savoir si le versement d’une prime est subordonné à la présence du salarié à l’effectif, il convient de connaître la nature exacte de celle-ci. La part variable du salaire versé peut être constituée d’une multitude de primes possibles. On distingue trois grands types de primes :
Selon la loi, l’employeur peut donc ériger la présence à l’effectif de son collaborateur en condition d’ouverture d’un droit à un élément de rémunération. En revanche, l’absence du salarié à l’effectif ne peut pas entraîner la perte d’un droit à une prime déjà ouvert.
D’autre part, comme l’énonce la Cour de cassation, l’employeur peut exiger que l’employé soit présent à l’effectif à l’échéance de la période de référence, mais ne peut imposer une condition de présence à une date postérieure à cette période : « Si l’ouverture du droit à un élément de rémunération afférent à une période travaillée peut être soumise à une condition de présence à la date de son échéance, le droit à rémunération, qui est acquis lorsque cette période a été intégralement travaillée, ne peut être soumis à une condition de présence à la date, postérieure, de son versement », Cass. soc., 29 septembre 2021, n°13-25549.
En cas de condition de présence à la date de versement, la prime correspondant à une période donnée est acquise si celle-ci a été intégralement travaillée. Cette condition peut notamment s’appliquer pour la prime de 13e mois, qui ne peut être versée si l’employé est absent à la date de versement.
Dans le cas d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, le salarié ne peut pas se voir refuser le versement d’une prime liée à une condition de présence à la date de versement. L’employeur étant, dans ce cas, à l’origine de son absence, la Cour de cassation stipule que « la condition est réputée accomplie lorsque c’est le débiteur, obligé sous cette condition, qui en a empêché l’accomplissement », Cass. soc. 26-9-2018 n° 17-19.840.
Si l’employeur décide que le versement d’un élément du salaire variable est conditionné à la présence du salarié à l’effectif, il est impératif qu’il mentionne cette condition dans le contrat de travail. À défaut, si la prime est versée en contrepartie de l’activité, la Cour de cassation indique que « lorsqu’une prime constitue la partie variable de la rémunération versée au salarié en contrepartie de son activité, elle s’acquiert au prorata du temps de présence du salarié dans l’entreprise au cours de l’exercice », Cass. Soc. 9/2/22 n°20-12.611.
Une autre possibilité pour l’employeur est d’opter pour une prime totalement discrétionnaire et faire ainsi le choix de ne pas la mentionner dans le contrat de travail. Dans ce cas, la loi ne peut obliger l’employeur à verser le bonus au salarié ayant quitté l’entreprise à la date de versement. Avant de réclamer le paiement d’une prime, le salarié doit ainsi s’assurer que celle-ci est clairement mentionnée dans son contrat de travail.
En matière de rémunération variable et de condition de présence, l’employeur se doit de respecter certaines règles légales et éthiques. Leur non-respect peut valoir à l’employeur d’être poursuivi en justice par le salarié pour abus.
En premier lieu, il convient de rappeler qu’il n’est pas possible d’ajouter des conditions de versement à une prime, quelle que soit la nature de celle-ci. Le type de prime doit être exposé dès l’embauche et ses modalités ne peuvent évoluer au détriment du salarié.
Par ailleurs, il est essentiel de ne pas adopter une attitude discriminatoire et de garder à l’esprit que toutes les absences doivent entraîner les mêmes effets. Aucune exception ne doit être faite en vue de favoriser ou de défavoriser un collaborateur.
Dans le même esprit, il est crucial de respecter la règle d’égalité de traitement entre les salariés et de bannir les primes qui incitent les employés à compromettre leur sécurité en les encourageant, par exemple, à dépasser leur temps de travail ou à prendre des risques dans l’exercice de leurs fonctions.
De plus, l’employeur doit veiller à ne pas porter atteinte aux libertés fondamentales des salariés en subordonnant le versement et le maintien du droit à une prime à des conditions de présence disproportionnées et déraisonnables. Exiger de son collaborateur qu’il doit être présent à l’effectif de fin d’année à sa présence au 30 juin de l’année suivante, est rigoureusement prohibé.
Enfin, au moment de la rédaction du contrat de travail, du processus de recrutement ainsi qu’au moment du départ du salarié de l’entreprise, il est important de toujours se référer à la convention collective afin de ne pas franchir les limites de la légalité.
La condition de présence au versement de la rémunération variable est souvent source de litiges entre salariés et employeurs. Le respect de la règle de droit et la bonne compréhension de la condition de présence sont essentiels pour éviter les abus et les malentendus. Les salariés ayant pour projet de quitter leur entreprise doivent prendre garde à ne pas remettre leur lettre de démission à une période qui pourrait compromettre l’obtention d’un élément de leur salaire variable. L’employeur, quant à lui, doit veiller à ce que le versement des primes prévues pour ses collaborateurs soit conforme au contrat de travail et au cadre juridique.
Merci à Alix Frileux, Avocat associé en Droit du Travail chez Versant Avocats pour sa participation à cet article.