« Si un employeur souhaite modifier la rémunération d'un salarié, fondée uniquement sur le versement d'un salaire fixe en y substituant ou y ajoutant une part de rémunération variable, il y a là modification du contrat de travail, laquelle suppose l'accord préalable et exprès du salarié et la signature corrélative d'un avenant au contrat de travail. », Vincent Delage, Avocat associé et Laure Soyer, Avocat, département social, CMS Bureau Francis Lefebvre – Article business.lesechos.fr
Selon les éditions Tissot, spécialisées depuis 1972 en droit du travail et convention collective, la rémunération variable peut être définie de plusieurs façons. Tout d’abord, celle-ci peut se voir appliquer un seul taux quel que soit le chiffre d’affaires réalisé ou à contrario, elle peut être indexée sur plusieurs éléments en fonction du poste en question : chiffre d’affaires, marge brute réalisée, chiffre réalisée par les personnes de l’équipe encadrée, amélioration de la production sur un poste donné, etc. Pour compléter cette définition, le célèbre éditeur juridique précise que la clause de rémunération variable ne peut pas conduire un salarié à avoir une rémunération inférieure au minimum légal ou au minimum conventionnel pour son poste sur une année.
Que dit la loi concernant la mise en place de la rémunération variable ? Quelles sont les règles juridiques régissant les dispositifs de rémunération variable ? Dans cet article, un rappel du concept de rémunération variable et une explication juridique des modalités de fixation des objectifs associés.
La rémunération variable : une définition juridique précise
« Les clauses de rémunération variable correspondent à des clauses dites d'objectifs ou de résultats. Elles ont pour but de faire varier le montant du salaire versé ». – Extrait du site coindusalarie.fr
Principe de la rémunération variable
Tout d’abord, la rémunération variable concerne toutes les catégories de salariés en 2018. Longtemps réservée aux profils commerciaux, aujourd’hui, les fonctions supports mais aussi les fonctions de production peuvent se voir attribuer une rémunération variable en complément de leur salaire fixe. De cette manière, chaque salarié peut espérer moduler sa rémunération et recevoir un complément de salaire variable sous forme de prime.
La rémunération variable doit être définie précisément par l’employeur. Celle-ci doit notamment indiquer explicitement les objectifs à atteindre, qu’ils soient qualitatifs, quantitatifs ou mixtes. De plus, elle doit indiquer la méthode de calcul avec laquelle les objectifs fixés seront évalués et pondérés ainsi que la grille exacte des montants de primes allouées pour chaque objectif atteint, les différents plafonds et montants. Enfin, la définition de la rémunération variable doit mentionner la durée de la clause d’évolution des objectifs mais aussi leur mode de fixation, ces derniers pouvant être fixés de manière unilatérale par l’employeur ou d’un commun accord avec le salarié.
La structure de la rémunération et la fixation des objectifs sont deux éléments juridiques distincts
Il est important de ne pas confondre les impératifs juridiques liés à la structure de la rémunération avec ceux régissant la fixation des objectifs. Ces deux éléments relèvent tous deux du droit du travail mais ne bénéficient pas du même régime juridique et par conséquent ne sont pas sanctionnés de la même façon par le législateur en cas de litige.
De cette manière, nous pouvons définir le concept de structure de rémunération variable comme étant l’ensemble des éléments liés à la répartition entre le salaire fixe et le salaire variable, notamment les types d’objectifs (individuels ou collectifs) ou encore le mode de calcul du variable (sous forme de prime fixe, de prime proportionnelle ou d’assiette de calcul de primes).
Selon un arrêt rendu par la Cour de Cassation le 1er juillet 2008, toute modification de la structure de la rémunération, incluant le salaire fixe, doit se faire en accord avec le salarié et ce indépendamment de la fixation unilatérale éventuelle des objectifs de rémunération variable. (Cass. Soc. 1er juillet 2008, n°07-40799)
Quelles sont les modalités de fixation des objectifs ?
« Les objectifs doivent avoir été définis à temps, être compris par le salarié et être réalistes. », Maître Cécile Reyboz, Avocat en droit du travail au barreau de Paris.
Fixer les objectifs : de manière unilatérale ou d’un commun accord
Selon une décision rendue par la Cour de Cassation, les objectifs sont une prérogative de l’employeur et ils peuvent ainsi être fixés de manière unilatérale par ce dernier. (Cass. Soc. 22 mai 2001, n° 99-41838). Néanmoins, il est important de souligner que si le contrat de travail stipule expressément que les objectifs seront fixés d’un commun accord entre le salarié et l’employeur, alors toute modification de ces derniers devra obligatoirement donner lieu à la signature d’un avenant négocié avec le salarié.
Toutefois, dans le cas d’une fixation unilatérale des objectifs de la part de l’employeur, le salarié a la possibilité de saisir le Conseil des Prud’hommes afin de faire valoir ses droits. En effet, l’employeur est dans l’obligation de fixer des objectifs à caractère raisonnable et réaliste. Ainsi, les objectifs fixés doivent être « S.M.A.R.T », c’est-à-dire, spécifiques, mesurables, atteignables, réalistes et temporellement définis.
Dans la configuration d’une fixation d’objectifs d’un commun accord, le salarié a le droit de refuser les conditions proposées par l’employeur et de ne pas signer l’avenant modificatif au contrat de travail. Dans cette situation, c’est au juge de trancher sur les objectifs à fixer en se basant en fonction des objectifs proposés et atteints les années antérieures, de la nature du poste et du contexte économique dans lequel se trouve l’entreprise concernée. (Cass. Soc. 13 juillet 2004, n°14-140)
Pour aller plus loin, consultez notre article :
Dans quelle mesure les objectifs doivent-ils être fixés unilatéralement ?
Bonus : un dispositif particulier de rémunération variable
Le bonus est une prime exceptionnelle et ponctuelle. Il ne dépend pas de la réalisation d’objectifs et relève du pouvoir discrétionnaire de l’employeur. En effet, son montant est variable et est décidé unilatéralement par l’employeur.
Son attribution est encadrée dans un arrêt rendu le 10 octobre 2012 par la Cour de Cassation. Ainsi, le contrat de travail peut prévoir une prime sous forme de bonus à condition qu’elle s’applique à l’ensemble des salariés se trouvant dans une situation professionnelle comparable. En outre, l’employeur peut décider unilatéralement de supprimer le bonus sans raisons particulières en veillant à respecter le principe de non-discrimination entre les salariés et d’égalité de traitement. (Cass. Soc. 10 octobre 2012, n°11-15296).