Les employeurs convaincus des bienfaits de la rémunération variable s’interrogent souvent quant à la façon de calculer le montant des salaires fixes. Décider du montant de la rémunération globale incluant un système de primes peut, en effet, s’avérer délicat. Pour résoudre ce casse-tête, Alix Frileux, avocate spécialiste en droit du travail chez Versant Avocats répond aux questions des employeurs soucieux de respecter les minimums conventionnels et le Code du travail.
« Le minimum conventionnel constitue pour chaque salarié le salaire minimum auquel il peut prétendre compte tenu de la position qu'il occupe dans la classification des emplois prévue par la convention collective applicable dans l'entreprise. En cas de non-respect des dispositions salariales de la convention ou de l'accord collectif du travail, l'employeur s'expose au paiement d'un rappel de salaire, et le cas échéant, de dommages et intérêts », Alix Frileux, avocate associée chez Versant Avocats.
La rémunération globale, enveloppant le salaire fixe et variable, doit respecter les règles de droit élémentaires. Alix Frileux, avocate associée chez Versant Avocats, accompagne les DRH dans l’élaboration et la mise en pratique de leur politique de ressources humaines et de leur stratégie globale. Consciente de l’impact délétère que peuvent avoir des décisions prises au mépris du droit, aussi bien pour l’entreprise que les salariés, elle insiste sur l’importance du bon calcul de la rémunération globale.
Une première faute consiste ainsi à proposer aux salariés une rémunération globale dont le montant est inférieur au minimum conventionnel. Comme le rappelle l’avocate, des entreprises ont déjà été condamnées en justice pour le non-respect de la convention collective concernant l’attribution des salaires. « La Cour de cassation a ainsi considéré que des salariés n'ayant pas perçu au titre de chaque mois une rémunération au moins égale à la rémunération mensuelle brute garantie par la convention collective pouvaient prétendre à un rappel de salaire (Cass. soc., 18 mars 1992, n° 90-41.133). Ainsi la rémunération globale ne peut pas être réduite en dessous des minimums conventionnels », Alix Frileux, avocate associée chez Versant Avocats.
Pour éviter de verser des salaires fixes trop élevés, certaines entreprises proposent une rémunération variable conséquente et un salaire fixe dont le montant est en dessous du SMIC. Alix Frileux rappelle qu’il est important de veiller à respecter le minima conventionnel dans le calcul de la rémunération globale. Par ailleurs, la prime concernée doit être corrélée à la prestation du salaire et être versée à l’occasion du travail. Il ne peut donc, en aucun cas, s’agir d’un autre type de prime, comme d’une prime de transport, par exemple.
En revanche, si les objectifs de performance associés à la prime ne sont pas atteints, l’employeur se doit de verser le salaire fixe et s’assurer que la rémunération globale attribuée aux salariés est au moins égale au montant prévu équivalent au SMIC. Le seul véritable intérêt à proposer une prime sur objectifs, dans le cas d’un salaire fixe minimum, est de motiver ses collaborateurs à atteindre et dépasser leurs objectifs de performance.
« L’article D. 3231-6 du Code du travail dispose que « Le salaire horaire à prendre en considération pour l'application de l'article D. 3231-5 est celui qui correspond à une heure de travail effectif compte tenu des avantages en nature et des majorations diverses ayant le caractère de fait d'un complément de salaire. Sont exclues les sommes versées à titre de remboursement de frais, les majorations pour heures supplémentaires prévues par la loi et la prime de transport », Alix Frileux, avocate associée chez Versant Avocats.
En d’autres termes, l’employeur peut décider de verser un salaire fixe dont le montant est inférieur au SMIC, à condition de verser une rémunération variable faisant office de complément de salaire. Pour savoir si la rémunération globale est au moins égale au SMIC, l’employeur doit prendre en compte dans son calcul, toutes les majorations ayant le caractère d’un complément de salaire. Là encore, tous les primes et versements effectués au bénéfice du salarié doivent être faits à l’occasion du travail.
Comme le rappelle Alix Frileux, « pour l’assiette de comparaison des salaires avec le SMIC, l'administration et la jurisprudence considèrent qu'il convient de déterminer, dans chaque cas, l'objet des éléments de rémunération litigieux et de rechercher si, par leur nature, leur généralité, leur constance et leur mode de paiement, ils présentent ou non le caractère de fait d'un élément du salaire devant entrer dans la base de calcul du SMIC. La Cour de cassation a relevé que pour qu’une prime entre dans le calcul des sommes à comparer au SMIC, la prime doit être directement liée à l'exécution, par le salarié, de sa prestation de travail (Cass. soc., 4 juin 2002, n° 00-41.140) ».
La Cour de cassation s’est ainsi déjà prononcée sur la nature de différentes primes versées à des salariés. Parmi ces cas, l’avocate spécialiste en droit du travail cite, notamment « la prime de bonus déterminée en fonction du tonnage produit auquel participe le salarié (Cass. soc., 4 février 2015, n° 13-18.523) ; la part individualisée de la rémunération d'un salarié résultant de sa performance dans le travail (Cass. soc., 29 mars 1995, n° 93-41.906) ; les primes sur objectifs et les primes de qualité et de quantité versées au salarié (Cass. soc., 4 juin 2002, n° 00-41.140) ».
Les responsables RH qui réfléchissent à l’élaboration de leur système de primes se questionnent régulièrement sur les conditions qu’il est possible, ou non, d’apporter au versement du SMIC. À cette question, la réponse du Code du travail est aussi ferme que claire : « Tout salarié assujetti au SMIC a droit à une rémunération horaire qui ne peut être inférieure au montant horaire du SMIC. L'article D. 3231-5 du Code du travail prévoit ainsi que le salarié doit recevoir de son employeur, lorsque son salaire horaire contractuel est devenu inférieur au salaire minimum de croissance, un complément calculé de façon à porter sa rémunération au montant du SMIC. Le versement du SMIC ne doit donc pas être dépendant de contreparties ou d’objectifs à atteindre. L'employeur qui n'a pas respecté ses obligations au regard de la législation sur le SMIC peut être condamné civilement, pénalement et administrativement », Alix Frileux, avocate associée chez Versant Avocats.
À cette question délicate, la réponse diverge selon la nature et la forme du salaire. Aussi, comme l’indique Alix Frileux, « en principe, la comparaison s'effectue sur la rémunération versée mensuellement, sans qu'aucune compensation ne puisse être faite d'un mois sur l'autre. La Cour de cassation retient que l'employeur n'avait pas la faculté de différer le paiement du SMIC en pratiquant une compensation d'une période de paie sur l'autre (Cass. soc., 29 janvier 2002, n° 99-44.842). »
Néanmoins, dans le cas du versement de commissions, le droit prévoit un principe de récupération : « dans un arrêt du 19 décembre 2007, la Cour de cassation a considéré que lorsque le salarié est payé sous forme de commissions, le contrat de travail peut valablement prévoir que les commissions seront imputées sur le différentiel, dès lors qu'une rémunération au moins égale au SMIC est assurée chaque mois. En l'espèce, le système de rémunération au sein de la société consistait, dans un premier temps, à verser au salarié le montant des commissions dues pour le mois considéré auquel s'ajoutait, dans le cas où le salaire s'avérait inférieur au SMIC, un complément dénommé "écart négatif" correspondant au différentiel entre la somme due et le SMIC, puis, dans un second temps, à déduire, au fur et à mesure, des mois où la rémunération dépassait le SMIC, les écarts négatifs cumulés ; ce système de rémunération conduisait à des reports d'excédents sur les mois suivants ou précédents, et ainsi à contourner le principe d'une rémunération équivalente au SMIC auquel elle est comparée mois par mois, d'un complément différentiel pour atteindre le SMIC, sous forme d'avance sur commissions. La Cour valide le principe de récupération des commissions en constatant que « le système de rémunération ressortait de la liberté contractuelle et avait eu pour effet d'assurer au salarié, chaque mois, une rémunération au minimum égale au SMIC (Cass. soc., 19 décembre 2007, n° 06-42.550) », Alix Frileux, avocate associée chez Versant Avocats.
On comprend donc mieux pourquoi certains contrats de ce type subsistent notamment dans les secteurs de la vente de produits financiers ou même dans le retail. Nous constatons cependant une disparition croissante de ce mode de rémunération pour mieux répondre aux attentes du marché de l'emploi qui va vers plus de sécurité et un fixe à la hauteur des compétences et expériences demandées. Le principe de débit reportable tend donc à disparaitre pour laisser place à un fixe par niveau de compétence associé à un variable toujours conséquent mais venant s'ajouter au fixe.
Dans le calcul de la rémunération globale, le respect du SMIC et plus généralement, des minimums conventionnels, est primordial. Le SMIC ne peut être versé en contrepartie d’objectifs à atteindre. Néanmoins, l’instauration de la rémunération variable est parfaitement possible pour doper les salaires les plus modestes et booster la motivation et la performance des salariés. Attention, toutefois, à s’assurer que les primes versées sont en corrélation avec la prestation effectuée dans le cadre du travail. Par ailleurs, le SMIC peut générer du débit reportable, dans certains cas seulement, comme dans le cadre de versement de commissions.