Le blog de la rémunération variable

SUBSCRIPTION ECONOMY : comment intégrer la LifeTime Value Client dans un dispositif de prime ?

Rédigé par Hervé de Riberolles | 17 juil. 2018

« La plupart des entreprises consacrent des budgets faramineux et beaucoup d’efforts dans l’acquisition de clients. Pourtant, elle leur coûterait jusqu’à 7 fois plus cher que la rétention client. Quant à la probabilité de vendre un produit, elle serait comprise entre 60 et 70% pour un client existant, contre 5 à 20% pour un prospect. », Ludivine Kasteleyn, International Content Coordinator chez iAdvize – Extrait du site iAdvise.com

La Customer Lifetime Value est un terme anglais, traduit par Valeur de Vie Client en français, et qui désigne la somme des profits actualisés attendus sur la durée de vie d’un client. La Customer Lifetime Value, ou CLV regroupe ainsi l’ensemble du chiffre d’affaires généré tout au long de la durée d’une relation commerciale.

La lifetime value est centrale dans le domaine des politiques d’acquisition et de fidélisation clients. Aujourd’hui, avec l'avènement de la subscription economy, nous créons des biens et des services dont la valeur dure beaucoup plus longtemps qu’auparavant. Les pratiques d’achats des consommateurs ont changé et il est devenu courant de louer une voiture sur plusieurs années et de changer de modèles de location régulièrement plutôt que d’acheter un véhicule en un acte d’achat unique.

La création de valeur sur la durée, désignée par la valeur vie client, modifie les schémas classiques de rémunération variable. Comment réussir à intégrer cette notion dans le calcul de la rémunération variable d’un commercial ? Dans cet article, découvrez les solutions d’intégrations possibles de la Customer Lifetime Value dans la rémunération variable de vos commerciaux !

La lifetime value d’un client peut-elle être intégrée dans la rémunération variable d’un commercial ?

D’après une étude réalisée par AppsFlyer, spécialiste du marketing analytique pour applications, et le réseau social Facebook, la Valeur Vie Client est la pierre angulaire du marketing d’application dans la mesure où elle informe les marketeurs sur le montant qu’ils peuvent dépenser pour acquérir un utilisateur tout en restant rentables.

De l’acte de vente unique à l'abonnement avec tacite reconduction

Les Pages Jaunes s’apprêtent à franchir le pas. Souhaitant passer d’un service traditionnel de ventes d’annonces à des abonnements avec une tacite reconduction des contrats déjà existants, le célèbre groupe de référencement local intègre une dimension clé de la lifetime value client : faire durer dans le temps les avantages liés à une vente. Auparavant, un client devait renouveler son contrat tous les ans, au risque de disparaître de l’annuaire d’une année sur l’autre en cas d’oubli. Demain, le renouvellement du référencement s’effectue par tacite reconduction, clause incluse directement dans la vente initiale. Le client continue de payer, le plus souvent mensuellement, et peut se désabonner moins facilement. Ainsi, le taux de renouvellement tacite chez Pages Jaunes avoisinerait désormais les 82% ce qui permet d'intégrer une composante relative à la life time value client sur plusieurs années au sein des critères de calcul d’une rémunération variable. En effet, sans cette reconduction tacite, il était très difficile de la mesurer. La Lifetime Value Client devient alors mesurable grâce à l'adaptation de l'acte de vente.

Le cas spécifique des ventes de stockage de « datas »

Certains secteurs d’activité sont spécialisés dans la vente d’accès à un service et facturent le client en fonction de sa consommation. C’est souvent le cas des opérateurs de services télécommunication et informatique pour les entreprises. Ceux-ci vendent pour la plupart des solutions cloud dédiées au stockage de données.

C'est le cas du Groupe Orange, qui via son intégrateur Orange Business Services vend du stockage de datas à ses clients, sans garantie que ces derniers utilisent entièrement les téraoctets vendus ou au contraire montrent une consommation réelle beaucoup plus forte que prévue.

Dans l’optique où le commercial aurait vendu seulement 2 téras mais que le client en consomme finalement 20 dans le temps imparti, quid de la prise en compte de cette vente dans le calcul de sa rémunération variable ? Comment rémunérer le commercial pour cette vente qui a pris de la valeur sans nouvelle intervention de sa part ?

Lors du lancement d’un nouveau produit d’abonnement, il est difficile de prévoir quelles seront les utilisations réelles des consommateurs. Sans données concernant l’utilisation du produit, il est seulement possible d’imaginer la durée la plus cohérente possible. En revanche, dès lors que l’on dispose de datas chiffrées sur les modes de consommation du produit proposé en abonnement, il est possible de calculer une moyenne. Ainsi, pour savoir quel est le bon chiffre à prendre en compte, il est nécessaire de faire des statistiques et d’analyser les dispersions. Attention toutefois à l’importance accordée à une simple moyenne, celle-ci n’est pas toujours révélatrice. En effet, si la durée de détention moyenne d’un produit est de 2 ans, avec une grande majorité d’utilisateurs qui se désabonnent au bout de 2 mois et une infime minorité qui conserve l’abonnement durant 5 ans, une distorsion apparaît dans l’appréciation de la valeur ajoutée de ces ventes.

Prise en compte concrète de la lifetime value client : zoom sur 3 options de rémunération variable

« La Lifetime Value est une notion essentielle de la connaissance client. Elle désigne la valeur que génère un client tout au long de sa relation avec une marque. Savoir estimer et piloter cette lifetime value permet de justifier de mettre en place un programme de fidélité, de redorer le blason des « clients fidèles à petits paniers moyen » et de ne plus se focaliser sur les gros clients à fort churn.», Nicolas Oyarbide, Responsable marketing stratégique Groupe Pichet – Article reussir-son-crm.fr

Le phénomène de rente

La mise en place de verrous encadrant la lifetime value d’un client peut avoir un impact négatif sur la motivation des commerciaux. Dans l’exemple de la vente d’un forfait, plusieurs cas de figures sont envisageables. Le premier, consiste en la proposition d’un forfait global où les montants seront actualisés. Dans une autre situation, il s’agit d’appliquer une facturation « au fil de l’eau ». Dans ce cas, l’idée est de constituer un matelas de chiffre d’affaires récurrent évolutif. À terme, la facturation « au fil de l’eau » crée des phénomènes de rente : au démarrage, le commercial se trouve dans une configuration avec peu de clients et donc peu de variable, puis les abonnements se réenclenchant chaque année grâce à une reconduction de fait, ce dernier bénéficiera d’un variable relativement plus important en plus d’un salaire fixe assuré mensuellement. Ce phénomène de rente profite aux commerciaux qui voient leur salaire variable augmenter naturellement année après année.

Prenons l’exemple de l’assurance Axa où le service d’épargne mensuelle est vendu 100 euros. 3 options de rémunération variable peuvent être proposées au commercial. La première, qui tient compte des frais d’entrée, consiste à lui verser 1 euro à chaque mensualité de 100 euros versée par le client. Au démarrage de l’opération, le commercial n’accordera pas de grande importance à cette disposition néanmoins quand ce dernier aura 100 clients ou plus, il aura mensuellement 100 euros de rémunération supplémentaire sans rien faire de plus que les contrats initialement signés. Au bout de 10 ans, il y a de grandes chances pour que ce commercial gagne entre 1000 et 2000 euros de variable mensuellement sans mener d’actions supplémentaires que celles d’avoir vendu à un moment donné une épargne.

Rémunération au forfait

La seconde option consiste à rémunérer dès le démarrage de manière forfaitaire le commercial. Ainsi, si le client reste abonné durant 6 ans et engendre 1000 euros de chiffre d’affaires, l’idée est de donner en one-shot 40% forfaitairement. Ce système repose sur l’actualisation de toutes les rentrées qui seront enregistrées les 6 premières années. Le principal inconvénient de cette rémunération forfaitaire est qu’elle est relativement coûteuse au démarrage. Nous pouvons citer l’exemple du secteur bancaire, avec certains établissements proposant des primes de bienvenue à leurs clients. Ces dernières font parties des primes d’acquisition de clients, lesquelles peuvent être soit données au client directement si ce dernier « achète seul », soit être attribuées au commercial, auquel cas, cela suppose le paiement de frais de distribution.

Cumuler conquête et fidélisation des clients

La troisième et dernière solution consiste à récompenser à la fois la fidélisation des clients et la conquête de nouveaux. Le principe est de payer en one-shot, par exemple un an de chiffre d’affaires, ainsi qu’une prime de renouvellement qui prendra en compte différents critères. Ainsi, il est nécessaire de formaliser le renouvellement avec des objectifs concrets de rétention du portefeuille. Cette troisième solution est de loin la plus efficace car deux éléments importants sont cumulés : la conquête de nouveaux clients et la fidélisation de ceux déjà acquis.

La recomposition de la durée de rétention est un sujet de plus en plus prégnant. Tous les métiers de l’entreprise vont être touchés par le changement des modalités de facturation. Dans le secteur automobile, le patron de Ford déclarait récemment que plus de 90% de ses ventes étaient en LOA, c’est-à-dire en location avec option d’achat. Ce changement de mode d’achat des consommateurs modifie l’approche de la rémunération variable. De ce fait, dans les réseaux de ventes automobiles, l’aspect financier est parfois plus rémunérateur que la vente du véhicule en elle-même. Un commercial automobile fera beaucoup plus de marge en vendant une location avec option d’achat qu’en vendant un véhicule de façon classique. La rémunération variable des vendeurs s’en trouve sensiblement modifiée.

D’autres secteurs ont compris l’importance de la lifetime value d’un client. C’est le cas notamment du groupe Fnac, qui propose une location de l’iPhone 10 avec un abonnement mensuel. Dans ce système, le commercial touchera au moins 20 euros par mois, ce qui correspondra approximativement à la marge que la Fnac récupère sur la location de ce produit. En revanche, dans le cas d’un achat direct du téléphone, estimé à environ 1200 euros, le groupe réalise une marge relativement faible. De grands groupes français, à l’image de la Fnac, de Renault ou encore Peugeot, s’adressent maintenant directement aux particuliers. Le groupe Pages Jaunes joue désormais dans la même cour que les agences web et communication.

Bien que parfois encore difficilement mesurables, les nouvelles configurations de ventes induites par la subscription economy avec la lifetime value d’un client doivent être prises en compte dans le calcul de la rémunération variable des commerciaux.