Selon une étude sur l’origine et le coût de l’absentéisme en France publiée par l’Institut Sapiens, le coût de l’absentéisme s’élèverait à plus de 107,9 milliards d’euros par an, soit l’équivalent du budget annuel de l’Éducation Nationale !
Le taux d'absence des salariés du privé, en hausse ces dernières années, s’établissait à plus de 4,72% en 2017 contre 4,59% l'année précédente selon le baromètre annuel sur l'absentéisme au travail du cabinet de conseil Ayming recensant les arrêts maladie, accidents de travail ou de trajet et les maladies professionnelles. Par ailleurs, d’après une récente enquête IFOP Securex, il apparaît que 33% des arrêts maladie recensés en 2018 ont été sollicités pour des raisons autres que la santé et seraient dus à une situation complexe au travail : absence de motivation, lassitude, situation conflictuelle avec un collaborateur ou un supérieur hiérarchique, etc.
Alors que la Sécurité Sociale garantit aux salariés du secteur privé absents pour maladie le versement d’indemnités journalières à partir du quatrième jour qui suit leur arrêt de travail, qu’en est-il de leur rémunération variable ? En cas d’absence, les indemnités et les primes variables du salarié doivent-elles être maintenues ? Si oui, dans quelles conditions ?
Un salarié peut avoir différentes absences en entreprise en fonction d'éléments de son choix, du choix de son entreprise ou encore non choisies. De la nature de l'absence découlera alors le traitement réalisé par l'entreprise dans le calcul de la rémunération variable du collaborateur.
Les absences légales sont régies par la loi.
On peut citer pour les plus connues les congés payés, les RTT ou encore les absences pour formation professionnelle.
Certaines absences peuvent être décidées par l'employé en fonction de sa vie personnelle. On retrouve ainsi :
L'entreprise a un rôle à jouer lorsque les absences viennent modifier l'équité d'espérance de prime entre les collaborateurs. Cette vigilance de l'entreprise influence sa politique RH. Cette politique va alors essayer de corriger les phénomènes qu'elle perçoit comme inéquitables en créant des règles de gestion autour des dispositifs de primes. C'est souvent le cas avec les absences puisque celles-ci créent des décalages que l'entreprise voudra essayer de compenser.
Tout d'abord, dans le cadre de la gestion des absences légales, aucune règle de gestion ne doit être mise en place car celles-ci sont les mêmes pour tout le monde et ne remettent pas en cause l'équité au regard de l'espérance de primes.
La perte d'égalité des chances doit être étudiée pour les autres types d'absences qu'elles soient choisies ou subies par le collaborateur, chaque cas pouvant être traité génériquement ou spécifiquement.
Afin de mettre en place une règle de gestion pour les absences du collaborateur, l'entreprise doit tout d'abord, se poser la question de l'impact qu'a le collaborateur sur les ventes.
Si le collaborateur dispose d'un impact direct sur les ventes alors une absence quelle qu'elle soit, viendra minorer sa performance. L'entreprise doit alors se poser la question de la mise en place d'une règle de gestion RH.
Si la rémunération variable d'un collaborateur est évaluée au regard d'un objectif (prime d'objectif), il faudra proratiser son objectif mais également sa prime. On met souvent en place des seuils de déclenchement pour simplifier la gestion de la règle.
Si sa rémunération variable est établie avec un moteur de commissionnement, celui-ci auto-régule le versement de la prime par rapport à la performance produite. Si le collaborateur ne vend pas, il ne touche pas de primes ce qui simplifie le calcul de la rémunération variable et implique de ne pas fixer de règle de proratisation.
Lorsque le secteur d'activité fait que les ventes continuent à se faire alors que le collaborateur n'est pas présent (ex : les délégués pharmaceutiques) ou lorsque l'absence n'est pas significative au regard de la période de performance, il est recommandé de ne pas mettre en place de règle de gestion pour ne pas désavantager les personnes étant présentes au regard des personnes absentes.
A partir d'un certain degré d'absence (25 %), afin de ne pas pénaliser le collaborateur qui verra son objectif irréalisable, il convient de proratiser la prime et l'objectif.
Dans le cas de figure où l’entreprise ferait le choix de proratiser les objectifs et non la prime, le salarié pourrait être « doublement » gagnant. En effet, cette règle créerait un déséquilibre en rendant l'absence favorable au collaborateur lors qu'il est absent. Ainsi, un collaborateur qui aurait sur-performé au début de son cycle de performance (ex : 120% de son objectif sur les deux premiers mois du trimestre) et qui serait absent sur la fin de la période verrait donc son objectif proratisé ce qui boosterait d'autant plus sa performance au regard de la période travaillée. Dans notre exemple, les 120% de réalisé sur objectif pourraient devenir 150% (même performance mais évaluée sur un objectif plus faible car proratisé).
Cela fabriquerait ainsi une prime très forte grâce à la période d'absence et créerait un déséquilibre entre les collaborateurs peu absent et les collaborateurs souvent absent.
La proratisation de la prime ou des objectifs n’est pas systématique. Par exemple, si un commercial se voit prescrire un arrêt maladie de 3 semaines et qu’il est évalué sur une période de performance relativement large, le problème de proratisation des primes ou des objectifs ne se posera pas, car il pourra, malgré son absence, atteindre son objectif.
Si l'absence du collaborateur est longue et qu'elle n'est pas choisie par le salarié, en fonction de la nature de l'absence, on pourra mettre en place une prime compensatoire.
Selon l’article L. 1226-1 du Code du travail, en cas d’absence prolongée pour maladie, le salarié a droit au maintien de son salaire dès lors qu’il dispose d’au moins une année d’ancienneté dans l’entreprise. En principe, les primes et indemnités doivent être maintenues sauf celles rémunérant un travail effectif ou dont l’attribution est subordonnée à une condition de présence. De la sorte, les indemnités de transport ne sont pas versées au salarié absent.
Comment est calculée l’indemnité journalière d’un salarié qui ne serait pas en capacité d’effectuer la performance demandée ? La question se pose particulièrement chez les employés pour lesquels un délai de carence de 1 à 3 jours est appliqué par l’assurance maladie. La règle de calcul des indemnités journalières est par nature différente de celle de la rémunération variable, laquelle peut intégrer un délai au-delà duquel le salarié absent ne serait plus éligible au dispositif de rémunération variable.
Faut-il intégrer un délai au-delà duquel les salariés « sortiraient » du dispositif de rémunération variable ? Si oui, quelles seraient les conditions de sortie et les modalités de calcul appliquées ? Faut-il proratiser la prime ou les objectifs, etc... ? Des interrogations qui invitent à s’intéresser à la nature même des objectifs à réaliser et à la période de performance qui y est associée.
Dans le cas de figure où un salarié serait absent 6 mois, la question de l’attribution de la rémunération variable se posera dans le calcul de ses indemnités journalières, en revanche celui d’une personne absente seulement 3 semaines et évaluée sur une période de performance d’au moins 3 mois peut amener plusieurs solutions différentes.
C’est l’entreprise qui décide de la suite à donner à chaque cas de figure, chaque absence étant plus ou moins longue et par conséquent avec des répercussions plus ou moins importantes sur l’activité. Si l’entreprise estime que maintenir une évaluation sur la rémunération variable n’a plus de sens au regard de l’absence prolongée d’un salarié, elle est libre alors de ne plus le « considérer » dans le calcul de primes.
Il est important de rappeler qu’une maladie induisant une longue absence n’est évidemment pas prévisible par le salarié. Malgré cela, cette absence aura des impacts réels notamment sur le cycle d’activité de l’entreprise, qui pourra décider seule de la suite à lui donner : la proratisation de la prime ou des objectifs fixés initialement au salarié.
Il est nécessaire de distinguer les règles RH du calcul des indemnités journalières. Les indemnités journalières sont versées par l'Assurance Maladie pour compenser la perte du salaire pendant l’arrêt de travail. Elles sont calculées à partir des salaires bruts et dépendent directement du statut du salarié, cadre ou non-cadre, mais également de la nature de la convention collective dont dépend l’entreprise. Sous certaines conditions, elles sont perçues après un délai de carence de 3 jours.
Dans les conventions collectives les plus favorables, une moyenne de la rémunération des 12 derniers mois est généralement retenue pour calculer les indemnités journalières perçues par le salarié absent. Cette moyenne annuelle inclut inévitablement la part de variable favorisant ainsi le salarié. Dans cette configuration, le salarié ne perd pas en rémunération..
En effet, dans le cadre de conventions collectives faisant le choix de moyenner les 12 derniers mois de salaire, l’entreprise aura tout intérêt à proratiser la prime. Par ailleurs, dans le calcul de la rémunération variable, la proratisation de la prime s’effectuera en retirant les absences du salarié.
Dans l’exemple où un salarié serait arrêté le troisième mois de la période de performance, et qu’il aurait déjà atteint un objectif de 100, si l’entreprise décide de lui baisser ses objectifs à 67 pour compenser son absence, ce dernier aurait tout intérêt à prolonger son arrêt maladie. En effet, certains salariés dès lors qu’ils ont été « surperformants » en début de période n’hésitent pas à se mettre en arrêt maladie pour le restant du cycle de performance. Ainsi, les salariés les plus souvent absents touchent le plus de primes. Ces comportements déviants dépendent également de la nature de la convention collective, parfois très avantageuse sur les questions d’absences de longue durée.
Quand certaines conventions collectives ne prendront pas en compte le variable dans le calcul des indemnités journalières des salariés absents, d’autres feront le choix de prendre en compte les 3 derniers mois de travail précédant l’absence du salarié. Par ailleurs, les conventions collectives seront plus ou moins avantageuses en fonction du secteur d’activité et de la catégorie de métiers représentée.
Parmi les conventions collectives les plus favorables aux salariés on retrouve notamment celles de la banque, du BTP, du secteur pharmaceutique ou encore de la métallurgie qui prévoient de nombreux avantages : primes de vacances, d'ancienneté, de naissance, de treizième mois ou encore d'intéressement, autant de moyens non négligeables d'augmenter fortement la rémunération des salariés. La convention Syntec, spécifique au secteur des cabinets d’études et de conseil, est quant à elle relativement moins avantageuse et serait ainsi jusqu’à 5 fois moins favorable que les conventions collectives classiques (grilles de salaires, modalités de préavis, de démissions et de ruptures conventionnelles moins favorables au salarié).
Dans une affaire récente, décryptée par Lucien Flament avocat spécialiste de droit social et de droit du travail pour le site capital.fr, une salariée qui réclamait le paiement d’un bonus dont elle n’avait pas bénéficié en raison de son congé maternité a été déboutée par la Cour d’Appel de Paris ainsi que par la Cour de Cassation. La Cour a ainsi estimé que
« ce bonus trouvait sa source dans un accord de fin de grève prévoyant le versement d’une prime de coopération, destinée à rémunérer l’activité des salariés de la succursale française transmettant leur savoir-faire aux équipes du siège italien »
et que cette bonification était destinée à rémunérer l’activité spécifique d’accompagnement du transfert et à récompenser le service rendu à ce titre. Ainsi, en raison de son absence, ce bonus n’était donc pas dû à la salariée pendant son congé de maternité.
Le versement de primes variables à des salariés absents dépendra donc de l’objet même de la rémunération variable, mais également des conditions spécifiques prévues par le contrat de travail ainsi que celles établies dans la convention collective.