Autrefois considérée comme un idéal à atteindre, la fonction de manager attire de moins en moins les jeunes actifs. En cause, un rôle dont les contours sont flous et pour lequel de nombreux professionnels ne se sentent pas correctement préparés. Pour inverser la tendance et redonner ses lettres de noblesse à ce métier si précieux pour l’entreprise, celle-ci doit réinventer le rôle de manager. Comment y parvenir ? Éléments de réponse dans cet article.
Le rôle de manager : une fonction-symbole vidée de sa substance
Dans l’inconscient collectif, le rôle de manager est devenu un grade permettant d’obtenir une meilleure rémunération et davantage de considération. Plus qu’un métier, cette fonction est souvent confondue avec un titre honorifique, ou une promotion, couronnant une carrière brillante. C’est bien là le fond du problème : la fonction managériale n’est plus appréhendée comme un véritable métier, qui plus est particulièrement important pour la bonne cohésion des équipes, l’efficacité des collaborateurs et le bon déroulement de leur parcours.
Pourtant, devenir manager ne devrait jamais se faire pour récompenser une carrière prestigieuse ou faire monter en grade un collaborateur méritant. Car à force de considérer la fonction managériale comme l’aboutissement d’un parcours exemplaire, les entreprises nomment managers de plus en plus de personnes qui ne savent, en réalité, pas manager. Il en résulte des dysfonctionnements dans l’entreprise, des conflits, des erreurs de stratégie avec, pour issue, des problèmes au niveau des ressources humaines.
L’entreprise attend du manager fraîchement nommé qu’il parvienne, de lui-même, à remplir ses fonctions et mener ses missions à bien. Les décideurs oublient souvent qu’une personne propulsée au rang de manager sans connaître les ficelles du métier se retrouve avec des responsabilités et une charge de travail qui se révèlent très vite ingérables et dont les conséquences directes sur ses équipes peuvent être particulièrement délétères.
Devenir manager, un objectif qui ne fait plus rêver
Les jeunes actifs sont de plus en plus nombreux à bouder la carrière managériale. Loin d’être la voie royale qui faisait rêver les générations précédentes, la fonction de manager est perçue comme nébuleuse, confuse et, du reste, passablement compliquée. Les salariés persuadés de posséder la fibre managériale renoncent souvent à briguer ce poste, convaincus d’être très vite écrasés par la multitude de tâches à effectuer, et dont la cohérence leur échappe souvent. La peur d’être déconnecté de son cœur de métier, de faire passer les objectifs généraux avant le contact humain et de ne pas réussir à trouver sa place dans la hiérarchie de l’entreprise, découragent de nombreux managers dans l’âme à se tourner vers ce poste.
Plutôt que d’attendre du manager qu’il se réinvente et redonne du lustre à son propre métier, l’entreprise doit s’emparer du problème et trouver les moyens de redonner du sens à cette fonction. À l’origine notamment de ces incompréhensions chroniques autour du métier de manager, se trouve un glissement sémantique. Autrefois, les « managers » étaient désignés sous le terme de « directeurs » de pôle, ou encore d’équipe. Toute la force du mot « directeur » réside dans l’idée de responsabilité qu’il implique. Dès lors, le directeur ainsi nommé savait que la pierre angulaire de sa fonction était d’encadrer, d’accompagner, d’évaluer et de faire évoluer les personnes placées sous sa responsabilité.
Le manager moderne hésite entre le rôle de coach, d’expert, de chef de projet et d’évaluateur. Pour lui permettre d’apprivoiser toute la dimension de son métier, l’entreprise doit lui redonner le sens de ses responsabilités. Déconstruire l’idée d’un métier-récompense est la première étape pour réinventer la fonction de manager. Mais bien entendu, pour qu’il puisse en prendre pleinement conscience, le manager se doit d’être correctement formé.
La nécessaire formation des managers pour l’entreprise
Trop souvent négligée, la formation managériale est un impératif pour exercer correctement ce métier. Diriger une équipe s’apprend, comme n’importe quel métier. Malheureusement, on observe que beaucoup d’entreprises ne mesurent pas l’importance de la formation de leurs managers. Dans beaucoup de cas, les formations censées donner les bases du métier de manager n’explorent pas le sujet avec pertinence ni profondeur. Par ailleurs, il s’agit trop souvent de formations express qui ne font qu’effleurer les missions du manager en l’espace de quelques jours.
C’est là la lacune principale que les entreprises se doivent de combler : offrir un parcours de formation cohérent et pertinent aux personnes qu’elles souhaitent nommer au poste de manager. Ce parcours de formation doit impérativement s’étaler sur le long terme et alterner cours théoriques et cas pratiques sur lesquels l’élève doit travailler seul. À l’issue de sa formation, l’apprenti manager doit avoir acquis les compétences essentielles à sa mission et être prêt à débuter l’encadrement de ses collaborateurs.
Mais cela n’est pas suffisant. Une entreprise qui se soucie de l’efficacité et du sérieux de son management doit coacher ses managers sur le long terme et de façon régulière avec un mentor dédié qui s’assure des progrès de son élève au sein de l’entreprise, et qui est capable de lui expliquer pourquoi et comment il doit revoir ses méthodes de management.
Financer la formation de ses managers est un investissement indispensable pour l’épanouissement des collaborateurs, l’efficacité des équipes et la stratégie globale de l’entreprise. Aucune embauche directe ni aucune nomination au poste de manager ne devrait se faire sans avoir préparé, en amont, un programme de formation adapté et de longue durée.
La fibre managériale et les missions du manager
Une erreur fréquente concernant la fonction de manager consiste à se référer uniquement à la fibre managériale dont seraient dotées certaines personnes, tandis que d’autres en seraient démunies. En conséquence, les employeurs négligent souvent des profils considérés, à priori, comme incompatibles avec l’état d’esprit que doit posséder un bon manager.
Un manager doit indéniablement posséder certaines qualités humaines : être à l’écoute, savoir désamorcer les conflits, se mettre à la hauteur de ses collaborateurs et mettre en place des stratégies adaptées à leur montée en compétences. Mais ces qualités peuvent se retrouver chez un large spectre de professionnels, y compris ceux qui n’ont pas nécessairement fait leur carrière dans le contact direct avec l’humain. En outre, le métier de manager s’apprend et les qualités qui lui sont nécessaires peuvent être acquises.
L’entreprise doit apprendre à ouvrir la voie managériale aux profils hybrides issus d’autres métiers. Pour ce faire, il convient de se recentrer sur le fond du management. L’efficacité d’un manager s’évalue de manière très concrète. Il doit savoir gérer les formations de ses collaborateurs, leurs parcours dans l’entreprise, leur montée en compétences, réaliser des feedbacks pertinents à ses subordonnés, et tout ceci dans les temps qui lui sont impartis. La fibre managériale seule, sans méthode ni plan d’action, ne permet pas d’exécuter toutes ces tâches correctement.
La rémunération variable adaptée au métier de manager
La rémunération variable est tout indiquée pour les managers. Elle permet d’encourager le manager à accomplir ses missions avec méthode et efficacité. Notons que la performance évaluée dans le cadre du dispositif de primes ne doit porter que sur la capacité du manager à encadrer ses collaborateurs et non sur la réussite de l’équipe.
Réussir à rendre autonomes ses collaborateurs est l’objectif ultime d’un bon manager. C’est donc précisément ces qualités qui doivent être prises en compte dans le choix des objectifs de performance à l’origine du système de prime instauré pour construire la rémunération variable du manager. Une rémunération juste et motivante est un facteur décisif pour inciter les managers à améliorer leurs méthodes de travail et d’encadrement.
Mauvaise définition de la fonction, déficit de formation, lacunes dans le système de rémunération sont autant d’éléments qui expliquent le désamour dont souffre le rôle de manager auprès des jeunes actifs. Attention néanmoins à ne pas confondre les collaborateurs qui refusent ce poste en raison d’un manque d’appétence pour la fonction et ceux qui fuient uniquement les responsabilités que celle-ci implique. Dans le deuxième cas, il convient plutôt d’identifier un refus de justifier la qualité de son travail qui peut être, à terme, périlleux pour l’entreprise. En revanche, en révisant les contours du métier de manager, l’entreprise a les clefs pour réconcilier de nombreux salariés avec ce métier essentiel.