Le blog de la rémunération variable

Rémunération variable : un vecteur d'égalité salariale ?

Rédigé par Hervé de Riberolles | 24 nov. 2021

La part de variable sur les salaires européens, tous dispositifs confondus, est passée de 17% en 2000 à 1/3 en 2015 (Étude de l’Institut Syndical Européen ETUI, 2021 : Performance pay across Europe_2021.pdf (etui.org), publié par Wouter Zwysen)

La rémunération est composée d’une partie dite fixe, constituée d’un salaire de base et d’une partie dite variable, distribuée en fonction de la performance. L’objectif de la rémunération variable ? Inciter à la performance individuelle ou collective, la reconnaître et surtout la valoriser.

Par nature, la rémunération variable différencie les collaborateurs en fonction de leurs performances : elle doit pouvoir passer par zéro si le salarié se trouve loin de la performance attendue, mais aussi, atteindre la prime maximale pour une performance atteignant ou dépassant les objectifs. Pourquoi la rémunération variable doit-elle s’attacher à rechercher non pas une égalité entre les bénéficiaires, mais une équité dans la reconnaissance des performances individuelles ? Dans cet article, retour sur l’essence même de la rémunération variable : récompenser le plus justement possible les collaborateurs pour générer plus de performance.

La rémunération variable génère par nature des écarts de rémunération  

Quand certains collaborateurs atteindront, voire, dépasseront leurs objectifs, d’autres en seront relativement éloignés. Aussi, on ne doit pas chercher à ce que la rémunération variable soit égalitaire, mais davantage à faire en sorte qu’elle soit équitable. À titre d’illustration, la vision de certains partenaires sociaux peut tendre vers une vision égalitaire de la rémunération : l’objectif de certaines revendications est que l’ensemble des salariés touchent les mêmes montants et soient, par exemple, tous augmentés de la même manière. Or, dans le principe de vision équitable de la rémunération variable, celui qui travaille le plus et le mieux doit pouvoir gagner davantage que celui qui a moins performé, voire, rien accompli de ce qui était attendu.  

Deux éléments clés sont à prendre en compte dans l'élaboration d'un dispositif de rémunération variable :  

1 – L’entreprise doit être en capacité de justifier le système de rémunération variable instauré au départ. Ainsi, le système de rémunération variable mis en place doit être équitable dès le départ, et chaque collaborateur doit avoir la même chance de performer. Les salariés doivent bénéficier du même niveau d’information et des mêmes possibilités de performer dès le départ.

2 – Tous les collaborateurs doivent être bien informés de ce qui est attendu d’eux en matière d’objectifs et de performance et le dispositif de rémunération variable doit être parfaitement mesurable. Aussi, les objectifs doivent respecter les critères « SMART » et être :

  • Spécifiques : les objectifs doivent être précis et concrets
  • Mesurables : les objectifs à atteindre doivent être quantifiables 
  • Atteignables : les objectifs sont à l’équilibre entre le challenge à atteindre sans pour autant être inaccessibles
  • Réalistes : les objectifs tiennent compte des contraintes externes ou internes et des ressources de l’entreprise
  • Temporels : une date limite doit être fixée pour mettre les collaborateurs en alerte jusqu’à l’arrivée de l’échéance et susciter un engagement plus fort

À la lumière de ces deux principes clés, la rémunération variable va par nature créer des inégalités. Tout d’abord, entre ceux qui ont de la rémunération variable et ceux qui n’en ont pas. Et ensuite, entre les top-performers et les salariés aux résultats moins significatifs. Il est par ailleurs intéressant de se poser la question suivante : entre un salarié bénéficiant de rémunération variable et un autre qui n’en dispose pas, lequel est potentiellement le plus satisfait de sa situation ?

La rémunération variable vise à récompenser les meilleurs collaborateurs. Dès lors que tous ont les mêmes moyens de performer, il apparaît comme équitable de récompenser ceux qui performent le plus afin de garder leur niveau de motivation élevé et encourager leur performance, tout comme il est nécessaire d'inciter les autres à dépasser leurs objectifs pour gagner plus.

 

Quelle est la vision européenne de la rémunération variable ?

L’utilisation de la rémunération variable se généralise en Europe. Cette tendance traduit une volonté affichée de différencier la rémunération des performances individuelles de celles générées collectivement. La rémunération variable participe ainsi à créer un lien entre ce que va gagner l’entreprise et ce que touche in fine le collaborateur.

Le temps des augmentations collectives semble de plus en plus lointain. Dans une vision collectiviste, on augmentera tous les collaborateurs sans distinction d’un même pourcentage, or pour qu’une rémunération variable soit efficace, elle ne doit justement pas être distribuée sans distinction, mais venir rémunérer des performances particulières, et bien souvent individuelles.

La société a tendance à aller vers plus d’individualisation, et la rémunération variable n’échappe pas à la règle. C’est une tendance de fond : l’entreprise s’inscrit dans une recherche d’équité et non pas d’égalité. Notons par ailleurs que les dispositifs de rémunération variable sont rarement équitables sans l’intervention d’experts. Quand les entreprises sont peu ou mal conseillées, elles commettent régulièrement des erreurs qui rendent les dispositifs de rémunération variable particulièrement injustes. La rémunération variable s’inscrit donc dans une recherche d’équité salariale et d’une reconnaissance au plus juste des performances individuelles ou collectives.

La rémunération variable peut s’appliquer à toutes les fonctions 

Si à l’origine, la rémunération variable récompensait surtout les collaborateurs dont le poste avait une incidence directe sur le chiffre d’affaires, comme les commerciaux par exemple, on réalise aujourd’hui que la part variable est un levier de motivation à tous les niveaux hiérarchiques et pour toutes les fonctions, notamment les fonctions support, qui ont une influence indirecte sur de nombreux indicateurs de performance de l’entreprise.

Prenons l’exemple de livreurs : une rémunération variable calculée sur la rapidité et la qualité d’envoi de commandes peut tout à fait être pertinente. La livraison n’a pas d’impact direct sur le CA de l’entreprise dans la mesure où les commandes sont déjà réglées, néanmoins, la performance des livreurs a un impact positif sur la satisfaction des clients et favorise leur fidélisation. Il faut donc trouver un moyen de récompenser équitablement la performance de chacun pour continuer à générer de l'engagement et maintenir la satisfaction client à un niveau élevé.

La rémunération variable : une solution pour augmenter les bas salaires ?

D’après l’étude publiée par l’ETUI, à poste égal et secteur égal dans le même pays, les collaborateurs avec rémunération variable perçoivent 7 à 9% de plus que leurs homologues sans rémunération variable. En appliquant une rémunération variable sur des postes à faibles salaires, une entreprise peut donc augmenter de 7 à 9% les revenus de ses collaborateurs les plus précaires en fonction de leur performance. La rémunération variable permet alors d’améliorer la situation des plus bas salaires et d'inciter les collaborateurs les plus engagés à rester en poste.

De plus, d’après la même étude, la rémunération variable s’applique peu aux contrats courts dans lesquels on retrouve souvent des femmes en poste. C’est également une habitude culturelle qui est vouée à évoluer. En proposant des dispositifs de rémunération variable sur des contrats de courte durée, l’entreprise parvient à motiver sur une période courte ces collaborateurs « de passage », souvent moins engagés car se sentant naturellement moins affiliés à l’entreprise.