Le blog de la rémunération variable

Salaires, rémunération variable : 3 innovations passées au crible !

Rédigé par Hervé de Riberolles | 01 mars 2022

De nouvelles pratiques salariales font leur apparition. Trois d’entre elles sont particulièrement en vogue et concernent la liberté de choisir son salaire, la transparence salariale et l’instauration d’objectifs liés à la rémunération. Ces innovations sont-elles réellement pertinentes ? Dans cet article, nous passons au peigne fin les conditions et limites de ces pratiques originales.

La Liberté de choisir son salaire

Très en vogue actuellement, la liberté de choisir son salaire inspire un nombre croissant d’entreprises et fait rêver de plus en plus de salariés. Mais cette liberté a-t-elle des limites ?

Être capable de s’autoévaluer et se positionner par rapport aux autres, conditions du choix de son salaire

Dans un monde idéal, chaque collaborateur serait libre de définir lui-même son salaire de façon équilibrée et juste. Mais pour cela, le salarié doit être pleinement capable de s’auto-juger et d’évaluer honnêtement sa valeur au sein de l’entreprise. Il doit pouvoir estimer objectivement ce qu’il apporte à sa société sur le plan financier et humain. Cela implique d’avoir du recul sur soi-même et de faire preuve d’une grande maturité et de beaucoup d’objectivité.

Pour choisir librement le montant de sa rémunération, le salarié doit également pouvoir se comparer de façon honnête aux collaborateurs qui ont le même parcours que lui. Il doit savoir où il se positionne par rapport à eux en prenant en compte leurs performances. Une telle approche n’est possible que dans le cadre d’une entreprise libérée, bénéficiant d’un management bienveillant et au sein de laquelle tous les acteurs sont raisonnables. Force est de constater qu’assez peu d’entreprises correspondent à ces critères.

Laisser le collaborateur choisir son salaire, c’est lui faire courir un risque inutile

Proposer au collaborateur de déterminer lui-même son salaire lui impose de prendre en compte des données difficilement mesurables. C’est pourquoi, les personnes capables d’émettre un jugement équilibré et justifié, concernant la rétribution qu’elles méritent réellement,  sont relativement rares.

Le risque est que le salarié se surévalue et réclame une rémunération trop importante par rapport à la valeur qu’il apporte et crée pour l’entreprise. Mais il arrive aussi que les collaborateurs les plus pessimistes sous-estiment la rémunération à laquelle ils peuvent prétendre.

Une telle liberté accordée à une personne incapable d’évaluer correctement sa valeur peut être une cause d’injustice salariale et une source d’inégalité entre les collaborateurs. C’est pour cela qu’il est important d’avoir un modérateur qui estime la valeur de chacun.

Un autre risque, à la liberté de choisir son salaire, est de mettre le salarié sous une pression contre-productive. En effet, s’il peut lui-même décider du montant de sa rémunération, il devient immanquablement redevable à l’entreprise. Il doit alors constamment prouver la valeur qu’il prétend avoir.

Le choix de son salaire, une liberté qui existe déjà

Proposer aux salariés de définir eux-mêmes le montant de leur rémunération n’a pas vraiment de sens. Car, en réalité, au moment de l’entretien d’embauche, le futur collaborateur négocie déjà son salaire. Il doit se positionner par rapport à un marché pour justifier la rémunération qu’il considère être juste.

Il y a toujours des prérequis au choix de son salaire et le marché est la première échelle de mesure qui permet à chacun de calculer son salaire. Elle prend en considération le parcours et l’expérience du collaborateur. Ainsi, un professionnel connaît déjà sa valeur et peut négocier une rémunération légèrement supérieure, tout en restant modéré.

Les bonnes pratiques : rédiger sa fiche de poste et choisir ses indicateurs de performance

Si laisser aux salariés le choix du montant de leur rémunération n’est pas une option pertinente, d’autres pratiques, particulièrement intelligentes, mériteraient d’être plus répandues. La première consiste à permettre au collaborateur de rédiger lui-même sa fiche de poste. Cela oblige le collaborateur à s’engager davantage dans l’entreprise. La responsabilité d’écrire sa fiche de poste l’incite inévitablement à essayer de comprendre comment il va produire de la valeur pour sa société et réfléchir à la manière de s’impliquer dans le fonctionnement de l’entreprise.

Une autre liberté, qu’il est judicieux d’accorder au collaborateur, est celle de choisir les indicateurs de performance. Ces indicateurs de performance sont ensuite évalués par le manager et pris en compte dans le cadre de la rémunération variable. Là encore, cette mesure fait sens et renforce l’engagement du collaborateur.

 

La transparence salariale

La transparence des salaires est également une innovation de plus en plus réclamée dans les entreprises. Mais est-ce réellement un vecteur de justice salariale ?

Le risque d’un jugement biaisé 

À l’instar de la liberté de choisir librement son salaire, la transparence nécessite, de la part du collaborateur, un jugement objectif de ses propres performances et de celles de ses collègues. Un des obstacles à la pratique de la transparence est la vision déformée qu'ont beaucoup de salariés sur leur réelle valeur. Beaucoup de personnes ont en effet tendance à évaluer leur valeur en fonction du temps qu’elles consacrent à leur entreprise. Peu de gens s’interrogent, à l’inverse, sur la réelle valeur de ce temps passé au travail.

Et c’est là un des écueils de la transparence des salaires. Car la valeur créée par les salariés se calculent autrement puisqu’à des postes équivalents, les différences de performance et d’apport peuvent être considérables. Les différences de salaires s’expliquent donc le plus souvent par les disparités entre les parcours, les compétences et la valeur apportée.

Aussi, la comparaison des salaires n’a d’intérêt qu’à la condition que chaque collaborateur puisse être conscient de sa productivité. Il doit être franc par rapport à son rapport à l’entreprise et avoir un droit de regard sur les productions et la valeur réelles de ses collègues.

Les écarts de salaires peuvent être justifiés mais difficilement explicables

Pour que la transparence des salaires ait du sens, il faut expliquer la réelle nature des écarts qui peuvent exister. Certains écarts sont justifiés et même en-deçà de la réalité. Par exemple, à poste égal, deux collaborateurs d’une PME peuvent avoir un écart de 20% alors que la différence de production est double. Dans les grandes entreprises, cet écart de salaires de 20% peut refléter une différence de performance encore plus grande. Il n’est cependant pas toujours aisé de discuter franchement de ces différences en cas de plainte des collaborateurs moins rémunérés.

Un autre type d’écart salarial justifié concerne les fluctuations du marché. Ainsi, il n’est pas rare de voir de nouveaux entrants obtenir un salaire supérieur à des collaborateurs ayant plus d’années d’expérience qu’eux. Cet écart paradoxal s’explique par la tension du marché : quand il est plus difficile d’attirer certains talents, il faut leur proposer une rémunération très importante. 

Ces variations du marché peuvent être très difficiles à justifier auprès d’autres salariés. Et il n’est pas économiquement viable de compenser ces écarts en alignant les salaires de tous les collaborateurs, à chaque fois que le marché impose de telles contraintes.

 

Des dangers pour les salariés et l’entreprise

À dire vrai, pratiquer la transparence des salaires engendre plusieurs risques. Il y a d’abord, comme nous l’avons vu, les difficultés que peuvent rencontrer les managers à expliquer des écarts, qui sont en réalité totalement justifiés ,mais qui peuvent paraître incompréhensibles aux yeux des collaborateurs. Cela peut créer des tensions et des malentendus qui peuvent nuire gravement à la bonne communication entre tous les acteurs de l’entreprise.

Ensuite, connaître le salaire de ses collègues génère surtout de l’envie et un mauvais sentiment de compétition entre collaborateurs. La frustration qui en découle n’apporte rien de positif et n’encourage pas les salariés à s’engager davantage et autrement dans l’entreprise.

Enfin, les nouveaux entrants à qui il a fallu offrir une rémunération élevée en raison des tensions du marché peuvent être tentés de changer d’entreprise, afin de faire marcher la concurrence au maximum. Un tel phénomène est source de déséquilibre pour l’entreprise et néfaste pour la carrière des salariés.

Une bonne politique salariale rend la transparence inutile

Quand des écarts de salaires sont injustifiés, cela signifie que l’entreprise ne fait pas correctement son travail, et ce, à plusieurs niveaux. Il n’y a pas besoin de la transparence salariale pour révéler les failles dans la gestion des ressources humaines. De tels manquements finissent toujours par éclater au grand jour.

La transparence est souvent prônée pour gommer le plus possible les écarts salariaux injustifiés. Mais la solution à de tels dysfonctionnements est la mise en application d’une politique RH salariale appropriée et efficace. Cette politique doit s’adapter au niveau des compétences de chacun, rétribuer les collaborateurs à la mesure de la valeur qu’ils apportent à l’entreprise. Elle doit être juste et correspondre au profil de chaque salarié, individuellement.

Ainsi, les écarts de salaires peuvent toujours exister et être parfaitement cohérents avec la productivité des collaborateurs. Mais, si l’entreprise est dotée d’une bonne politique de ressources humaines, les collaborateurs se rendent compte par eux-mêmes que leurs salaires respectifs sont cohérents. La transparence, quant à elle, est un beau principe mais qui est difficile à mettre en place et ne remplace pas une bonne politique d’entreprise.

 

Les objectifs liés à la rémunération

« De plus en plus de gens ont [des objectifs], du plus haut de l’échelle au plus bas » Fabien Lucron, Directeur du Développement Primeum et Expert en rémunération variable, Le Parisien

Autrefois réservée aux commerciaux, la rémunération variable concerne désormais de plus en plus de salariés, à tous les niveaux de l’entreprise. Cette forme de rétribution, basée sur des objectifs à atteindre, valorise le travail de chacun.

Une manière saine de doper la motivation

La condition à l’introduction d’une rémunération fondée sur les objectifs est la franchise du manager et du collaborateur. L’entreprise et le salarié doivent définir, dès le départ, des objectifs clairs à atteindre et décider de la récompense qui sera attribuée en cas de réussite. Ces objectifs doivent être réalistes et concrets. Par exemple, on peut attendre d’un comptable qu’il ne dépasse pas un certain taux d’erreur, ou demander à un marketeur d’atteindre un nombre de contacts entrants sur le site internet de l’entreprise.

Des avantages concernant la rémunération

L’intérêt de cette part de rémunération variable est qu’elle est facile à adapter. Elle s’établit sur une période donnée, qu’elle soit trimestrielle, mensuelle, ou autre. Elle doit également être raisonnable et ne pas dépasser 30% de la rémunération totale, ce qui correspond, le plus souvent, à un mois de salaire.

La part variable présente également l’avantage d’être flexible. Son montant peut être augmenté facilement, ce qui est plus difficile avec la part de rémunération fixe, qui est elle tributaire des négociations obligatoires de la société.

Des garanties pour les salariés

L’introduction d’objectifs dans la rémunération est, en principe, non contractuelle. Cela signifie qu’il faut proposer à tous les anciens collaborateurs un avenant à leur contrat, stipulant les nouvelles règles. La mise en place d’une part variable ne peut en aucun cas réduire la part fixe. Ces règles rassurent les collaborateurs, anciens et nouveaux, et stimulent leur implication dans l’entreprise.

La mise en place de la liberté de choisir son salaire et de la transparence salariale nécessite des conditions très particulières dans l’entreprise. Sans une très bonne communication entre tous les acteurs, beaucoup de bienveillance et d’honnêteté vis-à-vis de soi et des autres, ces innovations sont vouées à l’échec. En revanche, l’introduction d’objectifs est une pratique pertinente car elle ne remet pas en question la rémunération fixe et booste la motivation des salariés. Alliée à une politique de ressources humaines adéquate, elle renforce sans commune mesure l’implication des collaborateurs.