La solitude au travail touche une majorité des cadres en entreprise. Cette sensation d’isolement et de perte de repères trouve sa cause dans la flexibilité, de plus en plus exigeante, des conditions de travail. Comment remédier à cet état de fait et quelles solutions la rémunération variable permet-elle d’envisager ?
La solitude des équipes : des raisons structurelles
« Avec la mondialisation, les équipes sont déployées dans le monde entier, poursuivant leurs projets grâce à un mélange de communications synchrones et asynchrones. Pour mieux répondre aux besoins des entreprises qui fonctionnent 24 heures sur 24, les équipes ont évolué et sont devenues plus flexibles que jamais » Mark Mortensen, maître des conférences à l’INSEAD et Constance N. Hadley, enseignante à l’Université de Boston, hbrfrance.fr
76 % des cadres souffriraient de solitude au travail. C’est ce qu’indique une étude dirigée par Harvard Business Review France entre décembre 2019 et janvier 2020. Une seconde enquête, menée en avril 2020, pendant le confinement, confirme ce constat. En cause, les modifications profondes des environnements de travail au cours de ces dernières décennies.
L’hyper flexibilité du travail
L’hyper flexibilité des conditions de travail est désignée coupable par les personnes interrogées. Pour répondre aux besoins et objectifs de l’entreprise, la multiplication des équipes et des projets est devenue la norme. Les conséquences se ressentent sur la cohésion du groupe et le sens que donnent les collaborateurs à leur travail personnel.
Les nouvelles méthodes de management impliquent souvent d’ajuster la composition des équipes autour d’un même projet. Aussi, plusieurs équipes peuvent se retrouver autour d’un objectif commun et voir leurs rangs être sans cesse modifiés et adaptés à l’évolution de la mission. Dans un tel contexte d’arrivées et de départs permanents, les liens peuvent être difficiles à nouer entre collègues.
L’adaptabilité extrême des collaborateurs
Pour composer et recomposer en permanence les équipes, les collaborateurs sont engagés selon un nombre restreint de leurs compétences. Il en résulte l’impression de ne servir qu’à compléter une mosaïque plus large sans avoir la possibilité de déployer toutes ses capacités. Cette limitation imposée dès l’embauche incite les collaborateurs à établir des restrictions dans leurs relations de travail. Il en résulte un sentiment d’isolement très net.
D’un point de vue plus personnel, le passage d’une équipe à l’autre, d’un projet à l’autre et l’obligation de devoir répartir son temps de travail entre plusieurs tâches concurrentes sont dénoncés comme étant des facteurs de mal-être.
La difficulté à se projeter sur le long terme concernant un projet, l’attention morcelée et la nécessité de se réadapter en permanence perturbent bon nombre de salariés qui finissent par perdre leurs repères. Incapables de s’appuyer sur des relations de travail, ces dernières étant tout aussi instables, la plupart d’entre eux sombrent dans la solitude.
Combattre l’isolement au travail : attention aux faux remèdes
Pour répondre aux besoins des collaborateurs et assurer leur bien-être au travail, les entreprises peuvent être tentées de prendre certaines mesures. Malheureusement, toutes ne sont pas pertinentes.
Évaluer l’épanouissement au travail, un exercice d’équilibriste
La mise en place d’un indice de suivi peut sembler pertinent pour identifier les personnes souffrant de solitude. Les grandes entreprises ont souvent recours à des enquêtes internes pour s’assurer du bien-être et de l’épanouissement des collaborateurs. Ces procédés sont intéressants et efficaces pour détecter la solitude ainsi que d’autres types de souffrances. En revanche, mesurer la qualité du travail en équipe s’avère plus délicat. Pour y parvenir, il faut se fier au jugement des managers et prendre ainsi le risque que celui-ci soit biaisé.
Créer du travail collaboratif de façon factice
Un autre écueil à éviter est de vouloir générer du collectif sans y donner de sens dans l’espoir que cela contribuera à renforcer la cohésion de groupe et assurera la motivation de l’équipe. Cette démarche est vaine car si les collaborateurs souhaitaient réellement travailler ensemble, ils auraient déjà pris des initiatives en ce sens et ne ressentiraient pas ce sentiment de solitude.
Du mauvais usage des objectifs collectifs
Générer des comportements collaboratifs ne doit se faire qu’en cas de réel besoin et non de manière artificielle, pour tenter de répondre au mal-être des salariés. Dans cette logique, il est inutile de vouloir instaurer des objectifs collectifs. On ne combat pas la solitude en instaurant une rémunération collective. Offrir une prime à l’ensemble de l’équipe pour féliciter les collaborateurs de la progression générale de l’entreprise ne contribuera pas à souder le groupe.
La récompense de la performance doit avoir du sens. À ce titre, la rémunération collective pertinente et efficace doit récompenser un résultat qui dépend de la capacité à collaborer avec les autres. Il faut que l’atteinte de l’objectif soit indissociable de la nécessité d’un travail collaboratif. En dehors de ce cas de figure, la prime sur objectif “collectif” ne peut pas avoir d’impact positif sur les personnes qui ne s'inscrivent pas dans une démarche collective.
Comment vaincre la solitude au travail ?
« Un conseil à suivre : impliquez davantage vos commerciaux stars notamment en tirant profit de leur expérience pour aider vos équipes à performer. Vous pouvez leur proposer par exemple de participer plus pro-activement à la formation des commerciaux juniors en leur présentant des astuces pratiques pour mieux vendre ou convaincre des prospects » Fabien Lucron Directeur du développement de Primeum, spécialiste de la rémunération variable — maddyness.com
En premier lieu, il faut reconnaître que tous ces dysfonctionnements sont les symptômes d’un vrai problème managérial. Les managers doivent être capables de mettre en place des stratégies permettant à l’entreprise d’atteindre ses buts, selon le rythme qu’elle s’est fixé tout en préservant l’équilibre psychologique de ses collaborateurs.
Se sentir utile pour échapper à la solitude
La solitude se combat par une meilleure implication managériale. Le sujet de la rémunération ne peut pas être agité comme un remède à la souffrance psychique des salariés. On accuse souvent le manque de cohésion du groupe d’être la source du sentiment de solitude. Pourtant, la raison se trouve dans le sentiment d’inutilité qui habite beaucoup de collaborateurs.
Un collaborateur qui se sent inutile n’aura aucune raison de s’impliquer dans son équipe ni de se plier à des méthodes de travail collaboratives. Pire, il risque d’être inefficace dans sa gestion des projets et des tâches qui lui sont confiés car il se dévalorise. Pour une meilleure confiance en lui et augmenter son estime personnelle, il faut lui demander de venir en aide à ses collègues.
Transmettre son savoir pour créer des liens
En incitant un collaborateur souffrant de solitude à jouer le rôle de tuteur envers un de ses collègues, on lui rappelle qu’il est utile. Ainsi, le manager peut lui proposer de guider un nouvel arrivant dans l’entreprise ou de transmettre ses connaissances à d’autres collègues traversant des difficultés dans l’accomplissement d’une mission. Encourager la transmission des connaissances et des savoir-faire redonne du sens pour le travail d’équipe et de l’attrait pour le groupe.
Valoriser les compétences personnelles en incitant les collaborateurs à s’investir auprès de leurs pairs participe au renforcement des liens entre collègues. Un collaborateur qui se sent utile et compétent a davantage envie de s’investir dans son équipe et sera plus enclin à prendre des initiatives pour favoriser le travail collectif.