Le blog de la rémunération variable

Individualisation des rémunérations : pourquoi faire preuve de courage managérial ?

Rédigé par Hervé de Riberolles | 05 janv. 2022

Le courage managérial, dont le concept mérite d’être (re)défini, semble nécessaire dans la mise en place d’une stratégie de rémunération individuelle ou variable des collaborateurs. Pourquoi et dans quelle mesure faut-il faire preuve de courage managérial dans l’individualisation des rémunérations ? Pour répondre à cette question, nous vous proposons tout d’abord de revenir sur la notion de courage managérial et sur son rôle en matière de rémunération variable.

Qu’est-ce que le courage managérial ?

Selon le philosophe E. Delassus, il faut « remettre en question un certain nombre d'idées reçues qui, souvent, associent courage et toute puissance. Ainsi, aujourd'hui, et surtout si l'on parle de courage managérial, il est important de l'associer à la notion de vulnérabilité. Être courageux pour un manager, c'est avoir la force d'assumer sa propre vulnérabilité et d'accompagner celle des autres. »

Courage managérial vs autoritarisme : vers un management bienveillant

Socialement, on a tendance à associer le terme de « courage » avec la notion de puissance. Selon le philosophe E. Delassus, le courage, notamment managérial, doit être associé à une notion que l’on situerait plutôt aux antipodes de la puissance : la vulnérabilité. Le courage n’a donc ici rien à voir avec l’autoritarisme. C’est même l’inverse : dans la mesure où dans une entreprise, nous sommes toutes et tous interdépendants les uns des autres, cette dépendance nous rend vulnérable. Le bon travail d’un manager dépend notamment de la qualité de celui fourni par ses collaborateurs.

« Face à un manager peu assuré, un manager courageux est celui qui ose communiquer avec honnêteté et sait dire non lorsque cela est nécessaire. Il sait être ferme et prendre des décisions sans tomber dans la tyrannie. Des qualités qui demandent souvent, dans le monde de travail comme dans sa vie personnelle, une certaine témérité.» détaille un article cadreo.com

Un manager courageux représente un véritable atout, particulièrement dans la gestion de situations difficiles ou stratégiques comme la mise en place et l'attribution de la rémunération variable. 

« Le manager qui fait autorité n'est pas un manager autoritaire, mais quelqu'un en qui l'on croit et qui croit en la capacité de son équipe à bien remplir les missions qu'elle doit accomplir », affirme Eric Delassus.

Le courage, lorsqu’il est lié à l'humilité et à l'objectivité, permet le développement de l’esprit critique des managers, leur auto-analyse, pour un management bienveillant et fructueux où tout le monde est gagnant.

 

Courage managérial et rémunération variable : vers un management reconnaissant

Le courage managérial se manifeste notamment via le système de rémunération, et plus précisément de rémunération variable. Il s’agit de récompenser financièrement celles et ceux qui ont réalisé une performance via une prime à la hauteur des résultats fournis, sans pour autant se sentir obligé d’offrir cette prime aux autres collaborateurs qui n’ont pas performé. Il s’agit alors également de garder une certaine justesse. Cette différenciation – que l’on qualifie également de discriminante sans connotation péjorative – permet justement de maintenir intacte la motivation des collaborateurs les plus investis. La reconnaissance du travail des collaborateurs est vecteur d’engagement et de motivation. Reconnaître le travail d’un collaborateur et le récompenser pour cela, c’est aussi l’impliquer davantage, le fidéliser à long terme !

« Quels que soient les critères choisis, la politique de rémunération variable vient porter la stratégie de l’entreprise. Elle récompense les comportements vertueux, ceux qui permettent d’attendre les objectifs clefs. » (Les Echos Buisness, 2018)

L’individualisation des rémunérations et le courage managérial en pratique

« L’individualisation des salaires est un levier de motivation et de performance individuelle qui agit aussi sur la performance globale de l’entreprise. Signe de reconnaissance au travail, elle consiste à rémunérer le salarié en fonction de sa contribution aux résultats de l’entreprise, par exemple avec une augmentation de la part fixe de sa rémunération ou en lui proposant une part variable dépendant de critères prédéfinis. » – Article Cadre Emploi, 2019 

De l’importance de ne pas perdre de vue l’objectif de la rémunération variable

La rémunération variable est essentielle, notamment dans un contexte où les salaires fixes n’évoluent pas ou trop peu. Toutefois, les primes de rémunération variable sont parfois utilisées, à tort, pour compenser un salaire fixe trop bas. Pourtant, comme évoqué plus haut, ces primes doivent servir à la récompense d’une performance réalisée au travail. Exploitée d’une autre façon, l’initiative perd son but premier : être vecteur de motivation pour les collaborateurs.

Il est donc important de veiller à assurer un  salaire fixe correspondant bien aux compétences et expériences requises et un niveau d’enveloppe de rémunération variable suffisant pour récompenser les salariés en fonction de leurs performances individuelles afin de maintenir la qualité de leur investissement, nécessaire à la bonne santé de votre entreprise.

L’enveloppe de rémunération variable proposée ne doit donc surtout pas être trop faible, et doit représenter à minima un mois de salaire en cible pour chaque population. C’est là que l’on pourra véritablement motiver les collaborateurs à faire évoluer leurs comportements.

Si l’enveloppe de rémunération variable est trop faible, le risque est de ne pas pouvoir être différenciant et donc de saupoudrer de petites primes à tous.

Le courage managérial à l’épreuve des prises de décisions liées aux primes 

Comme le rappelle l’article des Echos Business  « lorsqu’un service reçoit une enveloppe de prime en fonction de sa performance, l’allocation individuelle est souvent à la discrétion du manager. Dans les banques d’investissement et les cabinets de conseil, le mois de mars sonne comme le mois des bonus. Entre les mauvais élèves faiblement récompensés et ceux déçus de constater que ces primes – importantes – ne sont pas uniquement liées à la performance mais dépendant aussi d’autres critères comme l’ancienneté, la pratique provoque quelques remous, voire de la démotivation ». C’est là que les N+2/managers doivent être stratégiques et, d’une certaine manière, courageux, en jouant un rôle de « garde-fou », ainsi que le rappelle cet article.

En ce sens, voilà une autre erreur à éviter qui nécessite un courage managérial : considérer que les nouvelles recrues ne peuvent pas avoir un salaire supérieur aux autres. En réalité, si la personne embauchée présente davantage d’expérience et/ou de compétences, il est légitime de la rémunérer davantage. Un collaborateur peut être en poste depuis un certain nombre d’années mais ne pas présenter ces atouts malgré son ancienneté. Il ne faut pas oublier que le salaire fixe correspond à une tenue de poste, aux missions réalisées, aux compétences acquises et au niveau d’expérience sur ces tâches. Si sur ces 3 aspects, un nouvel employé dans l’entreprise présente plus qu’un autre, plus ancien, il est normal qu’on le rémunère plus, et ce, qu’il soit récemment entré dans l’entreprise ou non. 

Entre discrétion stratégique et prise de décisions ferme, les managers doivent pouvoir faire preuve de courage managérial tout en restant dans l’authenticité, la cohérence et la bienveillance avec leurs équipes. 

Quel lien entre Management par objectifs et individualisation des rémunérations ?

Le Management By Objectives (MBO) est une stratégie managériale ayant vu le jour dans les années 1960 et qui nécessite notamment un certain courage managérial. Elle concerne les objectifs qualitatifs, mais également quantitatifs. Ainsi que le rappelle le blog Réussir son Management, cette stratégie permet aux salariés d’avoir « une idée claire de l’impact de leurs tâches dans l’atteinte des objectifs de l’entreprise. Ce qui leur donne un sentiment d’appartenance à l’entreprise et contribue ainsi à augmenter la productivité ». La stratégie MBO permet notamment aux salariés d’accroître leur performance et développer leur carrière. 

Le courage managérial sera essentiel à la réussite de la stratégie MBO. Il s’agit pour les managers de ne pas hésiter à dire clairement aux collaborateurs quelles exigences sont attendues et ce qu’elles impliquent, notamment lorsqu’il n’y aura pas de récompense liée à la performance individuelle. Et si l’entreprise décide d’utiliser la rémunération variable, elle doit être différenciante. Le courage managérial sera à nouveau sollicité pour pouvoir fixer à chacun des objectifs dont la nature et le degré seront différents, avec toutefois un même niveau de challenge.

Dans le secteur bancaire, plusieurs critères d’évaluation existent. On y applique le MBO avec des critères quantitatifs et qualitatifs. Les items définis tendent à établir la qualité du travail fourni par le salarié. On notera cependant que dans certaines banques, la note obtenue via ce système d’évaluation ne détermine pas pour autant le niveau de primes, ce qui pour autant devrait être le cas. 

Le courage managérial ne rime ni avec autoritarisme ni avec pouvoir. Le manager doit pouvoir faire preuve de bienveillance mais aussi de transparence et de fermeté. C’est notamment le cas pour la rémunération variable ou l’individualisation des rémunérations liée aux performances individuelles. Faire preuve de courage managérial fait partie intégrante d’une stratégie de rémunération variable juste et réellement efficace.