Le management par objectifs est une approche managériale qui a émergé dans les années 60 et qui ne concerne pas uniquement des objectifs strictement qualitatifs. Le mécanisme de calcul de primes par MBO a tendance à être assimilé à des champs plutôt qualitatifs par opposition à des champs plus quantitatifs, mais en réalité le management par objectifs intègre tout type de variables et de métriques que l'on peut évaluer.
Le MBO s’applique à différents secteurs aux exigences différentes
Sur le principe, le MBO peut être appliqué dans différents secteurs, néanmoins, on aura une exigence différente en fonction de la nature des métiers. La ligne de fracture se situera au niveau de ce qui est attendu du collaborateur : est-il responsable du résultat immédiat ou de la création du résultat de demain ? La réponse à ces questions constituerait une ligne de démarcation certaine dans la mise en place du MBO. Si la place du collaborateur dans l’entreprise, son rôle et son impact sont avant tout de délivrer principalement du résultat, le manager aura peu besoin d’objectifs qualitatifs et de recourir à des scorecards comme le MBO. Le collaborateur est “focalisé” et l’entreprise attend de lui qu’il délivre un résultat économique sous quelque forme que ce soit. La forme du chiffre d’affaires attendu dépendra par ailleurs du secteur d’activité de l’entreprise.
De la même manière, moins le rôle du collaborateur a un impact direct sur le résultat économique, mais qu’en revanche son rôle a un impact réel sur la création des conditions de succès pour demain, plus l’on assistera à un rééquilibrage qui s’éloignera de variables purement quantitatives et économiques pour aller vers des considérations plus qualitatives. De la sorte, in fine, on retrouvera la part de qualitatif et les modalités de MBO les plus importantes au sein des populations siège, notamment des comités de direction lesquels doivent en partie indirectement répondre du résultat économique.
Le MBO s’applique à toutes les populations sédentaires non commerciales
Sur toutes les populations non commerciales et sédentaires, il y a toujours un mécanisme de MBO. En parallèle de variables économiques qui sont collectives et dans la mesure où les entités n’ont pas la capacité de délivrer un résultat individualisable sur le plan économique, les résultats d’une BU seront agrégés au résultat collectif de la filiale. Il est en effet difficile d’individualiser directement des résultats obtenus collectivement par une filiale à laquelle on a fixé un objectif global.
En revanche, certains métiers sont essentiellement basés sur un système de primes reposant sur un mécanisme de MBO avec des objectifs spécifiques et adaptés. Ainsi, la totalité des entreprises proposeront du MBO à leurs populations sédentaires.
Les mécanismes de primes basés sur du MBO sont plus rares chez les populations commerciales
Les commerciaux sont focalisés sur la réalisation du résultat économique et sont par conséquent très proches du chiffre d’affaires. Néanmoins, l’évolution des métiers commerciaux nous invite à nous poser la question du sens de compléter leur dispositif de rémunération variable par autre chose que le résultat immédiat et ainsi, de se centrer sur la création de valeur dans son intégralité.
Depuis une vingtaine d’années, on assiste à une réelle professionnalisation de la fonction commerciale. Aujourd’hui, on considère que l'on ne peut pas opposer aux commerciaux uniquement le résultat économique. En France, particulièrement, nous avons une image un peu plus péjorative de la fonction commerciale en comparaison par exemple aux pays anglo-saxons, où le métier de commercial, basé sur la réussite individuelle et économique, est très valorisé. La fonction commerciale, bien qu’un peu plus anoblie sur les marchés internationaux, s’est considérablement “fonctionnalisée”. Ainsi, les commerciaux sont amenés à mobiliser des techniques, des technologies, des savoir-faire et sont par conséquent de moins en moins les seuls comptables des résultats indépendamment des fonctions supports.
L’acte commercial lui-même dépend aujourd'hui de plus en plus d’une interaction de plusieurs rôles les uns avec les autres : un vendeur “pur”, un responsable grands comptes, un technicien commercial qui assure le déploiement des solutions, des customs success managers chargés d’up-seller les ventes chez le client, etc., de la sorte, la réussite commerciale est de moins en moins totalement individualisable.
Quels sont les intérêts du MBO ?
Le MBO favorise le travail collaboratif de profils aux compétences complémentaires
Le travail collaboratif peut être adressé par des mécanismes collectifs sur des variables quantitatives, mais il peut être également adressé par des variables qualitatives dans le but de générer une induction de changement de comportement. La clé du succès dans beaucoup de domaines aujourd’hui, réside dans la capacité de travailler de manière collaborative au sein d’une même équipe qui poursuit le même objectif avec, néanmoins, des rôles complémentaires. Il est important de souligner que le mécanisme de travail collaboratif ne se fait pas naturellement et l’entreprise doit mettre en place des mécanismes d’incitation qui encouragent la collaboration, la valorisent, la reconnaissent, ceci est un élément important de la transformation des modèles de compétences que l’on a besoin d’adresser aujourd’hui au sein des entreprises.
L’un des intérêts du MBO est de pouvoir agréger les différents champs de performance, lesquels regrouperont des éléments qui seront un peu plus larges que la seule délivrance d’un résultat donné. Nous serons sur des champs de l'ordre du développement professionnel, particulièrement pertinents si l’on se trouve par exemple dans un modèle de compétences rares, et qui en principe n’est pas du ressort de la rémunération variable.
Développer des compétences rares, comportementales ou transverses grâce au MBO
Le MBO accompagne le changement du modèle de compétences dans les différents mécanismes de primes. Il ne sera pas forcément porteur de résultat immédiat, mais permettra de choisir une thématique d’objectifs en cohérence avec les attentes et le profil de chaque collaborateur.
Les objectifs vont être ainsi proposés à chacun des bénéficiaires sur une population donnée et vont relever de différents aspects. Dans l’exemple du travail collaboratif, les collaborateurs n’auront pas forcément tous le même niveau. Ainsi à l’instant T, sur une équipe d’une cinquantaine de commerciaux, nous observerons des niveaux différents de compétences sur le plan de la capacité à collaborer efficacement à l’intérieur d’une équipe. Cette thématique peut être commune à tous les membres d’une même équipe, pour autant il peut y avoir des degrés d’exigence différents, notamment entre le collaborateur déjà exemplaire sur le sujet, et celui qui a encore du mal à partager des informations importantes à son collègue, informations intelligentes à partager pour la performance globale de l’équipe commerciale. Le manager n’aura pas du tout le même degré d’exigence entre ces deux profils différents, dans ce contexte, la modalité de MBO va lui permettre de choisir quelle thématique opposer à chaque collaborateur, et aussi, de choisir le degré d’exigence spécifique qu’il fixe à chacun : nous sommes dans une personnalisation des objectifs individuels en fonction du profil de chacun, et des targets en matière de stratégie globale de développement de l’entité, et de l’entreprise dans son ensemble.
Le management par objectifs n’est pas toujours rattaché à un système de primes financières
Le MBO n’est pas toujours rattaché à un système de primes et il ne veut pas dire qu'il y aura un système de primes à la clé. Ainsi, l’on peut décider de mettre de l’argent à la clé, comme l’on peut décider de ne pas en mettre, en tout cas sous forme de primes financières. En entreprise, un grand nombre de populations sont animées au travers d’un mécanisme d’objectifs fixé en début d'année avec les managers, sans pour autant s’inscrire dans un mécanisme de primes.
Le manager s’attachera à savoir notamment si la tenue de poste est correctement faite et proposera par exemple une évolution du salaire de base, ou encore une évolution de carrière au collaborateur plutôt qu’une réponse sous forme de primes. Le MBO est une modalité possible de la rémunération variable, ainsi, il n’y a pas forcément d’obligation de mettre un système de primes à la clé.
Le MBO favorise les démarches de co-construction entre salariés et managers
Le MBO présente l'intérêt de pouvoir mettre en place une démarche de co-construction. La fixation des objectifs à chaque niveau de l’organisation doit être la résultante des objectifs du cran du dessus. Il y a ainsi un mécanisme de déclinaison des enjeux de l’entreprise : si l’on se situe dans un mécanisme très normé comme la scorecard, il n’y a aucune discussion possible sur les objectifs finalement fixés, néanmoins, l’on pourra éventuellement élaborer avec un groupe de travail scorecard, c’est-à-dire, l’entreprise pourra proposer à la totalité de la population qu’elle vise, et à chacun des individus concernés, la possibilité de discuter la nature de l’objectif et le niveau d’exigence assigné.
Dans un mécanisme de MBO, l’entreprise peut par conséquent décider de jouer pleinement le jeu de la co-construction à partir d’une thématique donnée ou d’un besoin individuel de progression sur un sujet spécifique. Le collaborateur, dans une discussion avec son manager va pouvoir contribuer à la définition de l'objectif mais aussi au degré d’exigence qui vont lui être assignés. Cette co-construction doit se faire sans démagogie et offrir au collaborateur la possibilité d’avoir un dialogue franc et sincère avec le manager qui sera responsable de la fixation des objectifs et de leur évaluation. L’échange sur la nature des objectifs à fixer, s’il est fait en bonne intelligence, représente un formidable moyen de susciter une plus grande adhésion des équipes à l'objectif qui leur est proposé. La co-construction des objectifs permise par la modalité du MBO, présente ainsi un réel intérêt et a toutes les chances d’être fructueuse sur le fond. Elle représente une chance de trouver la bonne nature des objectifs et le degré d’exigence qu’il convient d’opposer à tel ou tel collaborateur.
La co-construction est d’autant plus importante quand il s’agit d’objectifs qualitatifs. Elle présente un certain intérêt, notamment par sa capacité à faire adhérer les équipes aux objectifs proposés. Dans un système de co-construction des objectifs, les deux acteurs, entreprise et salarié, doivent avoir les mêmes intérêts pour que cela fonctionne, cependant, lorsqu’il y une prime à la clé, les intérêts pourront être différents et le temps de discussion plus important.
Quels sont les pièges du MBO ?
Cascade de validation des objectifs : le danger de l’incohérence de la déclinaison des enjeux de l’entreprise
En termes de gestion, le MBO peut être assez lourd à implémenter et à suivre. Le mécanisme de “cascade” décrit précédemment suppose d’être outillé, notamment pour les entreprises ayant une taille significative. En effet, décliner les objectifs individuels sur une population de 300, 400, 500 personnes peut être difficile, particulièrement si l’on souhaite le faire de façon rigoureuse en s’assurant que les enjeux de l’entreprise soient correctement déclinés et traduits dans chaque strate de l’organisation. L’entreprise doit mettre en place un contrôle de cohérence et être outillée : instaurer des validations successives par les crans hiérarchiques supérieurs pour fixer un objectif de chiffre d’affaires rationnel, et calculé intelligemment.
Ainsi, dans la fixation d’objectifs dans un champ plus qualitatif, la “cascade” de validation se doit d’être cohérente. Une entreprise souhaitant par exemple acquérir 3 nouveaux produits dans les 5 prochaines années, devra décliner cet objectif de direction générale en différents objectifs cohérents destinés aux équipes de développement pour que sa réalisation soit possible. Par ailleurs, il lui faudra également donner les moyens nécessaires aux équipes marketing (quand on les aura trouvées), aux équipes produits, et décliner pour chacun des acteurs de la réalisation de cet objectif général, des missions et des objectifs assignés. L’entreprise a donc besoin de mettre en place une cascade cohérente, reposant sur les validations des objectifs qui auront été assignés à chacun des crans organisationnels. Elle doit s’assurer que les objectifs fixés à chaque strate soient bien en cohérence avec ceux fixés au-dessus et que leurs validations respectent un processus sérieux.
Les RH sont-ils garants de la cohérence de la fixation des objectifs dans le cadre du MBO ?
La direction des ressources humaines est garante de la bonne application et de la cohérence de la cascade des objectifs dans le cadre du management par objectifs, néanmoins, à l’intérieur du dispositif, chaque cran de l’organisation sera responsable de son niveau de responsabilité.
Le vrai risque dans la mise en place du MBO réside dans son résultat : mettre en place ce dispositif assez lourd pour in fine se retrouver avec le même niveau d’exigence et le même niveau d’objectifs pour tous les collaborateurs. Dans cette situation, l’entreprise passe à côté de la raison d’être du MBO : l’individualisation et la personnalisation des objectifs.
Ainsi, dans le cadre de la mise en place du MBO, deux éléments importants entrent en jeu : le temps passé à l’implémenter, dans la mesure où il est assez lourd à mettre en œuvre mais aussi le courage managérial dont doivent faire preuve les managers, lesquels ne doivent pas hésiter à différencier les objectifs de chacun. Le courage managérial est indispensable à la réussite du MBO : le manager ne doit pas avoir peur de dire droit dans les yeux au collaborateur la nature et le degré de ses exigences, et de lui annoncer qu’il n’aura pas de primes au regard de ses réalisations personnelles.
La mise en place du MBO va impliquer des ressources et du temps, aussi, si l’entreprise souhaite qu’elle ait un réel impact sur la motivation des collaborateurs, elle doit s’assurer de plusieurs éléments. Tout d’abord, les caractéristiques prises en compte à l’intérieur des dispositifs doivent présenter une certaine valeur et apporter une réelle plus-value dans la poursuite des objectifs fixés. Ensuite, elle doit s’assurer de la bonne traduction des objectifs à chacune des strates de l’organisation : le risque est ainsi de fixer le même niveau d’objectifs à tous les collaborateurs alors que pour la moitié d’entre eux, cela n’a pas de sens, voire ils se trouveraient déjà sous ce système d’objectifs depuis relativement longtemps.
Le but pour l’entreprise est d’éviter un résultat “tiède”, sans réelle prise de position et un modèle général s’appliquant à tout le monde sans aucune distinction en fonction des enjeux de chaque poste. Pour éviter cette situation complètement incohérente, les organisations doivent avoir le courage de différencier les objectifs de chacun et s’assurer de leur bonne validation.
Quel outil pour la mise en place du management par objectifs ?
L’entreprise a besoin d’un outil capable de documenter la totalité des processus mis en place, et notamment de gérer les différentes chaînes de validation des objectifs : aussi bien dans la descente des objectifs que dans la remontée des évaluations. Cet outil doit ainsi être à même de centraliser les différents outils de workflows, lesquels peuvent être relativement lourds et comporter plusieurs niveaux de validation différents. L’un des écueils les plus couramment rencontrés lors de la mise en place de ces processus assez lourds, est celui d’une communication tardive des objectifs aux collaborateurs : celui-ci peut se retrouver informé et notifié des objectifs annuels qu’il a remplir ... seulement à la moitié de l’année !
Le management par objectifs a un intérêt indépendamment de toute notion de primes : il oblige toute l’organisation à exprimer, à clarifier et à partager sa feuille de route indépendamment de toute notion de primes.
L’exercice de MBO est en lui-même vertueux. Il contraint l’entreprise à clarifier ses enjeux et à les décliner pour chaque population et chaque collaborateur : il est en soi porteur de sens. Il permet de donner à chacun une feuille de route et un cadre d’exigence précis. La réflexion autour des fixations des objectifs personnalisés est un exercice qui n’est jamais complètement terminé : faut-il opter pour des modalités d’animation avec ou sans primes à la clé ? Quelles populations seront mises sous un mécanisme de MBO ? Ce questionnement vertueux est également valable pour la mise en place de scorecard dans la mesure où il oblige à se poser les bonnes questions, notamment durant les phases de concertation. Bien qu’en pratique la mise en place du MBO ne se passe pas de manière aussi complète que l’on pourrait le souhaiter et dans la temporalité idéale, ce type de processus reste vertueux en tant que tel, et ce indépendamment de la condition de primes à la clé.
Le poids que pèsera la part qualitative sur la rémunération variable globale, et sa ventilation, relève d’un choix politique de l’entreprise. Quand le MBO représentera 50% du plan de primes de certaines populations sédentaires, il sera un peu plus faible et se situera entre 20 et 40% pour les populations commerciales.
Quelle application du MBO pour les équipes de direction de grands comptes ?
Un PDG d’une grande entreprise pourra se voir opposer un objectif de chiffre d’affaires, d’accroissement d’activité ou encore d’acquisition de sociétés supplémentaires : on se situera plus facilement sur des variables économiques concrètes plutôt que sur des variables purement qualitatives.
Il y a encore une quinzaine d’années, le MBO n’existait pas, aujourd’hui on le voit apparaître de plus en plus pour des populations managériales, y compris dans les filières commerciales. Ces populations se voient ainsi opposer des composantes qualitatives significatives, qui prennent souvent la forme d’un MBO.
Par ailleurs, la professionnalisation et la sophistication de l’acte de vente ne peut plus se satisfaire que du seul résultat final. Si nous prenons le cas de responsables grands comptes évoluant dans des marchés qui fonctionnement sur appels d’offres, nous ne pouvons plus nous contenter d’opposer à un commercial le fait qu’il ait gagné ou perdu un appel d’offre. Tout d’abord, il est rarement le seul à être intervenu sur un sujet, et dans la plupart des situations, ce n’est pas lui qui a déterminé le prix pour répondre à l’appel d’offre. Ainsi, le fait qu’il ait perdu ou gagné ne peut pas lui être totalement opposable dans la mesure où plusieurs personnes sont intervenues dans le processus de vente. En revanche, sur les missions qui lui sont attribuées, il sera le seul responsable, notamment s’il n’a pas fait correctement certaines étapes relatives à la formulation de la réponse à l’appel d’offre. Le dossier de réponse a-t-il été fait correctement ? A-t-il été bien terminé et complété dans les temps ? La deadline de réponse à l’appel d’offre a-t-elle bien été respectée ? Le commercial a-t-il travaillé de façon efficace auprès des leaders de la commission de décision de l’appel d’offre en question pendant les deux ans qui ont précédé la décision ? etc.
Tous ces éléments ne vont pas garantir au commercial que l’appel d’offre sera gagné ou perdu le jour de sa sortie, néanmoins, il y a une certitude : s’il n’a pas mené correctement en amont toutes ces actions, quelle que soit la qualité de la réponse le Jour J, l’appel d’offre sera perdu car il n’aura pas créé toutes les conditions de réussite.
La rémunération variable doit permettre de créer des effets d’incitation chez les collaborateurs
La capacité à inciter les collaborateurs à adopter de nouveaux comportements est le seul élément qui doit guider une entreprise en matière de rémunération variable : on souhaite inciter les personnes à faire, ou ne pas faire de nouvelles actions. La rémunération variable ne se résume pas seulement à la progression d’un chiffre d'affaire ou d’une marge commerciale. Avant d’observer des changements sur ces variables économiques, on constatera d’abord des évolutions dans le comportement des collaborateurs, plus motivés à atteindre leurs objectifs. Ainsi, un chiffre d’affaires de département qui n’aurait pas progressé au niveau attendu ou qui serait d’une qualité différente et qui par conséquent n’aurait pas permis de créer du succès immédiat, ne veut pas dire qu’il ne participera pas à la création du succès de demain.
La motivation des collaborateurs : au coeur du dispositif de rémunération variable
Lors de la mise en place d’un dispositif de MBO, l’une des expériences les plus courantes est de constater qu’au final les mêmes objectifs ont été fixés pour tout le monde avec les mêmes degrés d’exigence. Le processus de consultation de la capacité managériale à fabriquer l’objectif d’une équipe n’est pas anodin. Ce travail mobilise du temps et de l’énergie au manager, et lorsque l’on constate à l’arrivée, que par manque de courage managérial, par manque de temps, ou encore par manque de rigueur, le contenu de la cascade des objectifs n’est pas assez différenciant et personnalisé, les effets d’incitations attendus ne sont logiquement pas au rendez-vous. Les objectifs finaux seront assez peu différenciés, et l’on distribuera la même chose à l’ensemble des collaborateurs, en objectif, et en résultat final. Ainsi, le dispositif aura nécessité beaucoup d’énergie et d’investissement pour in fine ne pas créer les effets d’incitations attendus.
Quelles que soient les modalités et les voies de passages utilisées, la motivation par la rémunération variable ne provient que d’une seule chose : la coexistence du risque de perdre avec la perspective de gagner. Selon les métiers et les secteurs d’activité, ces deux paramètres pourront exprimer des choses relativement différentes. Néanmoins, dès lors qu’un individu est éligible à un dispositif de rémunération variable, se posera la question de ce qui le motive à agir différemment, de ce qui l’incite à modifier son plan d’action et de faire le choix de mettre son énergie sur un sujet plutôt qu’un autre. Ici, il ne sera pas question d’analyser si le salarié est heureux ou malheureux au travail, mais plutôt de comprendre sa satisfaction : est-il satisfait de sa situation ? Qu’est-ce qui pourrait le motiver à agir et à travailler différemment ?
Le management des équipes ne se fait pas avec de la rémunération variable. Celle-ci fait partie des outils de la palette managériale et fera 1% du travail de manager, en revanche, elle pourra représenter 20% des freins à la mise en mouvement des équipes, particulièrement si elle est mal conçue. Pour être inductrice de changement de comportement, la rémunération variable doit pouvoir faire gagner ou perdre. Si in fine les dispositifs de rémunération variable sont identiques pour l'ensemble des collaborateurs et qu’il n’y a aucune différenciation, alors l’entreprise sera passée à côté des effets espérés et attendus de la mise en place d’un mécanisme de primes. Distribuer les mêmes résultats à tous dans le cadre de la rémunération variable constitue une perte de temps, il sera alors plus judicieux de distribuer du salaire supplémentaire fixe à tous, sans investir temps, énergie, et financement dans l’implémentation d’une stratégie de rémunération variable. Si l’entreprise décide de faire de la rémunération variable, celle-ci doit être irréversible et différenciante : cela suppose comme évoqué plus haut un certain courage managérial afin de fixer à chacun des objectifs de nature et de degré différents mais qui représentent à chaque fois le même niveau de challenges et de difficultés.
En fixant des objectifs qui sont d’égale difficulté pour l’ensemble des collaborateurs, il n’y a aucune raison pour que l’on ait 100% des salariés qui soient à leur objectif lors de l’évaluation finale. Nous devrions observer une moitié d’entre eux qui sera au-dessus, et une autre légèrement en-dessous avec des salariés plus ou moins proches de la moyenne, ainsi il doit obligatoirement y avoir de la différenciation.
Mécanismes de primes qualitatives et surperformance : une mesure difficile
Sur des mécanismes de primes qualitatives, et donc sur les mécanismes de MBO, on aura tendance à moins monter dans l’échelle de fixation des objectifs pour deux raisons : la notion de surperformance d’une part et l’évaluation des managers d’autre part.
Tout d’abord, la notion de surperformance sur des critères qualitatifs est plus difficile à mesurer, elle peut être même contre-productive dans certaines circonstances. Par exemple, un manager qui demanderait à son collaborateur de lancer 3 campagnes marketing de génération de leads, mais que ce dernier décide d’en faire 10, celui-ci va d’abord littéralement “exploser” le budget marketing et par ailleurs, le manager n’aura pas forcément les commerciaux nécessaires pour transformer l’intégralité des leads en chiffre d’affaires.
Ainsi, l’entreprise aura dépensé un certain budget pour ces multiples campagnes marketing sans aucune finalité. Cet exemple est la parfaite illustration que la notion d’objectifs qualitatifs ne se manie pas de la même manière qu’une notion plus quantitative. En effet, si l’on demande à un commercial de faire 100 000 euros de chiffre d’affaires, et que celui-ci atteint les 300 000, il n’est pas impossible que l’entreprise ne possède pas derrière l’appareil industriel suffisant pour assurer la production et être capable de délivrer. L’entreprise pourra dans certaines situations jouir d’une certain élasticité, et parfois il lui sera plus compliqué de tenir ses engagements. Les entreprises n’ont pas forcément les mêmes besoins d’incitation à la notion de performance exceptionnelle, mais doivent savoir être incitatives dans l’élaboration de leur stratégie de rémunération variable.
Ensuite, le second élément à prendre en compte est l’évaluation des managers. Le MBO s’inscrit dans un mécanisme soumis à l’évaluation des managers, lesquels vont devoir évaluer la réalisation de tel ou tel objectif. Le système ne doit pas être “pousse au crime” : l’impact de la variation de la différenciation ne doit pas être trop important, auquel cas, on poussera les managers à ne pas se montrer trop courageux. De la sorte, la prime accordée ne peut pas passer de 0 à 100 sans paliers intermédiaires : il sera difficile pour un manager de dire à quelqu’un n’ayant pas réalisé la totalité de son objectif qu’il n’obtiendra aucune prime, même minime. Sans possibilité de différenciation, on constate une tension trop importante dans le dispositif d’évaluation, qui amène les managers à être plus en difficultés et les conduit, paradoxalement, à être moins courageux. En effet, ces derniers, lors de l’évaluation des résultats d’un collaborateur, réfléchiront d’abord en termes d’impact de la perte de la prime.
Une temporalité plus longue : la bonne mise en place du MBO requiert du temps
Le dispositif de MBO peut être relativement long à mettre en place et s’inscrit dans une temporalité plus longue que les autres mécanismes de rémunération variable. Les cycles de performances seront plus longs que ceux que l’on retrouvera lors d’évaluation de variables purement économiques.
En moyenne, l’implémentation du MBO se fait de manière annuelle pour les populations managériales, sur des populations commerciales, l’on pourra descendre au semestre. Sur la plupart des populations, on retrouvera le principe de “cascader” les priorités du plan d’action de l’entreprise, ce qui implique nécessairement une temporalité plus longue, que lors de la fixation d’objectifs plus simples. Si l’on fixe par exemple à un collaborateur l’objectif de réaliser +5% de chiffre d’affaire avec une deadline avant la fin de l’année, il sera possible de timer sa progression au fur et à mesure avec notamment l’instauration de sprints successifs.
Dans le cadre du MBO, et de la mise en place d’un plan d’action avec des objectifs de nature plus qualitative, l’entreprise aura besoin d’un certain temps pour réussir à le décliner à toutes les strates de l’organisation avec rigueur et efficacité. Les grandes entreprises avec un nombre important de salariés aux fonctions et aux rôles différents, doivent ainsi prendre le temps de fixer des objectifs qualitatifs cohérents à l’ensemble de leurs collaborateurs. Par ailleurs, pour relever ces enjeux à moyen terme, il faudra aussi veiller à donner le temps aux différentes équipes, aux différents bénéficiaires de mettre en œuvre les objectifs qu’on leur a fixés. Nous serons ainsi sur du MBO basé sur des cycles de performance à minima d’un an, qui pourront s’étendre jusque trois ans avec notamment la déclinaison d’objectifs intermédiaires, lesquels participeront à une meilleure fidélisation et rétention des collaborateurs, encouragés à rester jusqu’au bout du cycle.